R. c. J.W., 2025 CSC 16
[38] L’objet, les objectifs et les principes de la détermination de la peine sont codifiés aux art. 718 à 718.2 du Code (R. c. Parranto, 2021 CSC 46, [2021] 3 R.C.S. 366, par. 110; R. c. Nasogaluak, 2010 CSC 6, [2010] 1 R.C.S. 206, par. 39; Ruby, §1.14). Notre Cour a interprété et appliqué ces dispositions lors de contrôles en appel afin de fournir des précisions aux juges chargés de la détermination de la peine (R. c. K.R.J., 2016 CSC 31, [2016] 1 R.C.S. 906, par. 32; R. c. Lacasse, 2015 CSC 64, [2015] 3 R.C.S. 1089; R. c. Ipeelee, 2012 CSC 13, [2012] 1 R.C.S. 433, par. 35).
(1) L’article 718 : l’objet et les objectifs de la détermination de la peine
[39] L’article 718 dispose que l’objectif essentiel de la détermination de la peine est « de protéger la société et de contribuer, parallèlement à d’autres initiatives de prévention du crime, au respect de la loi et au maintien d’une société juste, paisible et sûre » (voir Nasogaluak, par. 39; Ipeelee, par. 35; voir aussi R. c. Friesen, 2020 CSC 9, [2020] 1 R.C.S. 424, par. 122).
[40] Il faut donner effet à cet objectif essentiel par « l’infliction de sanctions justes » conformément aux objectifs de détermination de la peine énoncés aux al. 718a) à f) : dénonciation, dissuasion générale et spécifique, isolement des délinquants du reste de la société (pour protéger celle‑ci), réinsertion sociale, réparation des torts et conscientisation des délinquants à la responsabilité et à la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité (voir Nasogaluak, par. 39; Ipeelee, par. 35). Aucun de ces objectifs ne l’emporte sur les autres. Le juge chargé de la détermination de la peine doit plutôt décider du poids à accorder à chacun de ceux‑ci; cela doit se faire au cas par cas, puisque les peines doivent être « individualisé[es] » (Nasogaluak, par. 43; voir aussi Hills, par. 54).
(2) La proportionnalité et les principes secondaires de détermination de la peine
[41] L’article 718.1 dispose que le « principe fondamental » de la détermination de la peine est la proportionnalité, c.‑à‑d. que la peine doit être « proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant ». La Cour a reconnu qu’il s’agit d’un « précepte central » de la détermination de la peine (Ipeelee, par. 36; voir aussi Hills, par. 56; Nasogaluak, par. 41; R. c. Solowan, 2008 CSC 62, [2008] 3 R.C.S. 309, par. 12).
[42] Le concept de proportionnalité est « intimement lié » à l’objectif essentiel de la détermination de la peine (Ipeelee, par. 37) et « précise les objectifs » énoncés à l’art. 718 (Nasogaluak, par. 40). « [I]ndépendamment du poids que le juge souhaite accorder à l’un des objectifs [énumérés à l’art. 718], la peine doit respecter le principe fondamental de proportionnalité » (Nasogaluak, par. 40 (en italique dans l’original); voir aussi Ipeelee, par. 37).
[43] La proportionnalité est la « condition sine qua non d’une sanction juste » (Ipeelee, par. 37). Comme l’a affirmé le juge LeBel dans l’arrêt Ipeelee :
Premièrement, la reconnaissance de ce principe garantit que la peine reflète la gravité de l’infraction et crée ainsi un lien étroit avec l’objectif de dénonciation. La proportionnalité favorise ainsi la justice envers les victimes et assure la confiance du public dans le système de justice . . .
. . .
Deuxièmement, le principe de proportionnalité garantit que la peine n’excède pas ce qui est approprié compte tenu de la culpabilité morale du délinquant. En ce sens, il joue un rôle restrictif et assure la justice de la peine envers le délinquant. [par. 37]
Une sanction juste en est une qui « prend en compte les deux optiques de la proportionnalité [qui précèdent] et n’en privilégie aucune par rapport à l’autre » (par. 37).
[44] En 1995, le Parlement a édicté une liste non exhaustive de principes aux art. 718.2 à 718.21 afin de contribuer à donner effet au concept de proportionnalité (Ruby, §2.7). Ces principes comprennent « l’examen des circonstances aggravantes ou atténuantes, les principes de parité et de totalité et la nécessité d’examiner “toutes les sanctions substitutives applicables qui sont justifiées dans les circonstances”, plus particulièrement lorsqu’il s’agit de délinquants autochtones » (Nasogaluak, par. 40). Je note que même si ce sont des principes « secondaires » (voir, p. ex., Parranto, par. 10), le juge doit tenir compte des facteurs systémiques ou historiques distinctifs qui touchent les délinquants autochtones. Notre Cour a clairement affirmé que l’al. 718(2)e) exige une « méthode d’analyse différente pour déterminer la peine appropriée » (Ipeelee, par. 59). L’omission de tenir compte des facteurs énoncés dans l’arrêt Gladue est une erreur de principe qui justifierait l’intervention d’une cour d’appel (R. c. Hilbach, 2023 CSC 3, par. 42).
[45] Les principes secondaires complètent le principe essentiel de proportionnalité et sont en accord avec celui‑ci. Par exemple, voici ce qu’a expliqué la Cour dans l’arrêt Friesen :
La parité et la proportionnalité ne s’opposent pas l’une à l’autre; la parité est plutôt une manifestation de la proportionnalité. L’application cohérente de la proportionnalité entraîne la parité. À l’inverse, le fait d’imposer la même peine dans des cas différents ne permet d’atteindre ni la parité ni la proportionnalité . . . [par. 32]
[46] En somme, l’objet essentiel de la détermination de la peine est énoncé à l’art. 718. Les objectifs de la détermination de la peine, également énoncés à l’art. 718, appuient cet objet. La proportionnalité, en tant que principe fondamental de la détermination de la peine, sert à donner effet à cet objet et à ces objectifs. Les principes secondaires énoncés aux art. 718.2 à 718.12 contribuent à donner effet au principe de proportionnalité.
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