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dimanche 22 juin 2025

Les principes relatifs à la violence conjugale

R. c. Abdul Jabar, 2023 QCCQ 405



[16]        Au Canada, nous vivons dans une société civilisée et démocratique où chaque personne a droit à son intégrité physique et où la loi du plus fort ne s’applique pas[11]. La société canadienne est déterminée à protéger l’intégrité personnelle, tant physique que psychologique, de tout individu[12]. Elle vise l’élimination de la violence conjugale et l’établissement de rapports égalitaires entre les sexes[13].

[17]        L’un des droits fondamentaux de notre société est qu’on ne peut porter atteinte à la sécurité physique d’une personne sans son consentement, et l’un des buts principaux du droit criminel est de protéger les membres de la société contre une telle atteinte[14].

[18]        Historiquement, on jugeait que la violence conjugale relevait de la sphère privée et les tribunaux s’efforçaient davantage à préserver l’intégrité de l’unité familiale qu’à mettre un terme à la violence[15]. Ceci explique pourquoi la violence conjugale a longtemps été minimisée et banalisée[16]. Cela était une erreur[17].

[19]        Aucun homme n’a le droit de brutaliser sa femme[18]. On ne règle pas des problèmes conjugaux en frappant sur sa conjointe[19].

[20]        Toute personne a le droit d’être protégée de la violence de son partenaire intime comme le serait un inconnu[20]. À cet égard, le Tribunal fait sien l’enseignement de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt R. v. Glen :

[14] (…) This Court has a duty to make it clear that however unhappy a spouse may be about his or her marital life, and however great the marital stress may become, resorting to violence is not the answer. The sanctions for violence will be severe[21].

[21]        De même, aucune personne ne possède un droit de propriété sur son conjoint[22] et ce dernier a le droit de mettre fin à une relation sans craindre pour sa sécurité et sa paix d’esprit[23]. L’ère de la tolérance pour la violence conjugale est maintenant révolue et les tribunaux doivent exprimer, au moyen de sanctions suffisamment sévères, l’intolérance de la société à l’endroit de ces violences[24].

[22]        La violence conjugale est criminelle[25] et doit être dénoncée[26]. Elle est présente dans toutes les sociétés et au sein de toutes les classes sociales[27]. Elle est maintenant reconnue comme une préoccupation publique d’importance au Canada et dans le monde[28]. Le sérieux de la problématique de la violence conjugale est reconnu partout au Canada[29] et est considérée comme un fléau social[30]. EIle se doit d’être éradiquée[31].

[23]        Tout crime de violence affecte l’ensemble de la communauté[32]. Au cours des années, plusieurs plans d’action gouvernementaux en matière de violence conjugale ont été élaborés pour contrer cette problématique.

[24]        L'intention des autorités gouvernementales est ferme : « tolérance zéro en matière de violence conjugale ». Il est tout naturel que le pouvoir judiciaire emboîte le pas[33]. D’ailleurs, en matière de violence par les hommes sur leurs conjointes, le législateur a exprimé la volonté que les peines soient dissuasives[34]. Ceux qui seraient tentés d'opter pour cette voie à proscrire doivent être prévenus : les tribunaux se montreront de plus en plus sévères pour ce genre de crime[35].

[25]        Les peines infligées en matière de violence conjugale doivent refléter la réprobation de la société face à de tels gestes[36]. Le rôle des tribunaux est de condamner la violence, de protéger les plus faibles et de contribuer à l’élaboration d’une société qui sera la plus saine et la plus sécuritaire possible[37].

[26]        En matière de violence conjugale, la peine répond à deux impératifs : dénoncer le caractère inacceptable et criminel de la violence conjugale et accroître la confiance des victimes et du public dans l’administration de la justice[38].

[27]        Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que les principes de dissuasion et de dénonciation doivent être priorisés en matière de violence conjugale[39]. Cela est encore plus vrai lorsque la violence au sein du couple est cyclique et persistante[40]. Il en est de même, dans les cas où la violence a perduré pendant des années, qu’elle touche aussi des jeunes enfants et qu’elle ait été accompagnée de menaces constantes[41].

[28]        De même, en matière de violence conjugale, il peut arriver que le principe de retenue doive céder, jusqu’à une certaine mesure, devant les principes de dénonciation et de protection des victimes[42].

[29]        L’auteur Clayton Ruby souligne qu’un accusé n’ayant aucun antécédent judiciaire peut recevoir une peine sévère, ou même, la peine maximale, lorsque les circonstances de l’infraction sont d’une gravité importante, qu’il s’agit d’un cas où plusieurs infractions ont été commises sur une longue période, que la culpabilité morale de l’accusé est élevée ou lorsqu’il s’agit d’infractions commises dans un contexte de violence conjugale[43].

[30]        Toutefois, le Tribunal ne doit pas se laisser guider par la clameur publique, car il n’y a pas de place pour la vengeance dans la détermination de la peine[44]. La peine imposée doit plutôt chercher à responsabiliser le délinquant et lui faire réaliser le mal que sa conduite a fait non seulement à la victime immédiate, mais aussi à l’ensemble de la société[45]. Comme le souligne de façon imagée le juge Valmont Beaulieu dans la décision R. c. Malo, une peine constitue un avertissement clair pour tous ceux qui pense qu’une conjointe n’est qu’un objet que l’on peut pousser lorsqu’on la trouve encombrante[46].

[31]        Pour le guider lors de la détermination de la peine, le Tribunal peut se poser la question suivante: « Quelle serait la peine appropriée si les gestes de l’accusé avaient été commis à l’endroit d’une victime inconnue de lui ? »[47].

[32]        Par ailleurs, la loi s’applique également à tous les Canadiens, aucune différence ethnique, religieuse ou culturelle ne doit être prise en compte, pour tenter de minimiser la problématique de la violence conjugale[48].

[33]        Le fait qu’un accusé soit un nouvel arrivant plutôt qu’une personne née et élevée au Canada ne constitue pas un facteur atténuant[49].

[34]      Cela dit, lors de la détermination de la peine, la « déclaration de la victime » se doit d’être prise en compte[50] pour s’informer des conséquences du crime. Toutefois,  l’opinion de la victime quant à la peine appropriée ne doit pas, en principe, être sollicitée ou prise en compte[51].

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