[61] Depuis l’arrêt Grant (et plus particulièrement les par. 71 à 86 de cette décision), on aborde la question de l’admissibilité d’éléments de preuve en vertu du par. 24(2) en tenant compte des facteurs suivants :
• la gravité de la conduite de l’État portant atteinte à la Charte;
• l’incidence de la violation sur les droits de l’accusé garantis par la Charte;
• l’intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond.
[62] Les deux premiers critères s’appliquent conjointement, en ce sens qu’ils favorisent tous les deux l’exclusion de la preuve. Plus grave est la conduite attentatoire de l’État, plus importantes sont ses incidences sur les droits de l’appelant garantis par la Charte et plus les critères favorisent l’exclusion de la preuve. Le poids de l’argument en faveur de l’exclusion en vertu du par. 24(2) correspond à la somme des deux premiers critères énoncés dans l’arrêt Grant. Le troisième critère, celui de l’intérêt de la société à ce que l’affaire soit tranchée sur le fond, milite plutôt en faveur de l’admission de la preuve. Ce troisième facteur a d’autant plus de poids que la preuve est fiable et qu’elle revêt une importance capitale pour la thèse du ministère public (voir R. c. Harrison, 2009 CSC 34 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 494, par. 33 et 34).
[63] En pratique, le troisième critère acquiert de l’importance lorsque l’un des deux premiers volets, mais pas les deux, milite fortement en faveur de l’exclusion de la preuve (voir, par ex., Harrison, par. 35 à 42; Spencer, par. 75 à 80; R. c. Jones, 2011 ONCA 632 (CanLII), 107 O.R. (3d) 241, par. 75 à 103; Aucoin, par. 45 à 55). Si les deux premiers facteurs appuient fortement l’exclusion, le troisième volet fera rarement, voire même jamais, pencher la balance en faveur de l’admissibilité (voir, par ex., R. c. Côté, 2011 CSC 46 (CanLII), [2011] 3 R.C.S. 215, par. 81 à 89; R. c. Morelli, 2010 CSC 8 (CanLII), [2010] 1 R.C.S. 253, par. 98 à 112). De même, si les deux premiers facteurs appuient faiblement l’exclusion de la preuve, le troisième facteur confirmera presque assurément l’admissibilité de la preuve (voir, par ex., Grant, par. 140).
[64] Les trois facteurs proposés dans l’arrêt Grant exigent du juge du procès à la fois qu’il tire des conclusions de fait et qu’il mette en balance divers droits et intérêts souvent opposés. Le contrôle en appel en fonction de la norme de la décision correcte de l’une ou l’autre de ces tâches effectuées en première instance n’est pas pratique et ne sert pas les intérêts de l’administration de la justice en général. La décision du juge du procès d’admettre ou d’exclure des éléments de preuve en vertu du par. 24(2) commande la déférence en appel, sauf en cas d’erreur de principe, d’erreur factuelle manifeste et dominante, ou de conclusion déraisonnable (voir Grant, par. 86, 127; Côté, par. 44; R. c. Cole, 2012 CSC 53 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 34, par. 82; Jones, par. 79; R. v. Ansari, 2015 ONCA 575 (CanLII), 330 C.C.C. (3d) 105, par. 72).
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