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vendredi 4 juillet 2025

La fourchette de peines pour les infractions de contacts sexuels et d’incitation aux contacts sexuels, ainsi que la fourchette des peines pour le leurre et celle pour la production et la possession de pornographie juvénile

Marien Frenette c. R., 2024 QCCA 207

Lien vers la décision


[27]      La fourchette de peines pour les infractions de contacts sexuels et d’incitation aux contacts sexuels est très large, puisque ces infractions peuvent couvrir un large éventail de comportements. Les peines infligées refléteront l’analyse des faits du dossier[18]Selon les professeurs Parent et Desrosiers, « [l]es contacts sexuels donnent généralement lieu à des peines de quelques mois de prison à 4 ans d’emprisonnement environ », avec quelques cas méritant des peines supérieures allant de 4 à 6 ans[19].

[28]      La fourchette de peines pour le leurre[20], tout comme celle pour la production et la possession de pornographie juvénile[21], se situe généralement entre 12 et 18 mois.

[29]      Quant aux objectifs de dénonciation et de dissuasion, ils méritaient effectivement d’être privilégiés par la juge.

[30]      L’arrêt Friesen enjoint les juges à infliger des peines qui « reflètent et illustrent pleinement le caractère hautement répréhensible et la grande nocivité des infractions d’ordre sexuel contre les enfants »[22]Comme le souligne la juge Bich dans l’arrêt R. c. Bergeron, les adolescents sont des personnes vulnérables qui doivent être protégés au même titre que les enfants[23].

[31]       Le législateur a augmenté à plusieurs reprises les peines prévues pour les infractions d’ordre sexuel contre des enfants[24] et dans les cas de mauvais traitements d’une personne âgée de moins de 18 ans, l’article 718.01 du Code criminel exige que le tribunal « accorde une attention particulière (« primary consideration ») aux objectifs de dénonciation et de dissuasion d’un tel comportement ». Néanmoins, dans l’arrêt Bertrand Marchand, la juge Martin explique que la priorité accordée à ces objectifs ne permet pas d’écarter les autres objectifs de détermination de la peine :

[28] Les termes souples de l’art. 718.01 limitent le pouvoir discrétionnaire des tribunaux en accordant la priorité à ces objectifs, mais l’importance primordiale de ceuxci n’exclut pas la prise en compte d’autres objectifs de détermination de la peine, y compris la réinsertion sociale (Rayo, par. 102108). Le juge peut accorder un poids important à d’autres facteurs, mais ne peut leur accorder une priorité équivalente ou plus grande qu’aux objectifs de dénonciation et de dissuasion (Friesen, par. 104, citant Rayo, par. 103 et 107108; voir aussi R. c. J. (T.)2021 ONCA 392, 156 O.R. (3d) 161, par. 27)[25].

[32]      Quant à l’infliction de peines consécutives à celles imposées pour les contacts sexuels et l’incitation aux contacts sexuels pour les infractions de production de pornographie juvénile et de leurre, la juge ne commet aucune erreur.  

[33]      En ce qui concerne les chefs de pornographie juvénile, l’al. 718.3 (7)aC.cr., obligeait la juge à infliger une peine consécutive[26] :

718.3 (7) Le tribunal qui inflige, au même moment, des peines d’emprisonnement pour diverses infractions sexuelles commises contre un enfant ordonne :

a) que la peine d’emprisonnement qu’il inflige pour une infraction prévue à l’article 163.1 soit purgée consécutivement à celle qu’il inflige pour une infraction sexuelle prévue à un autre article de la présente loi commise contre un enfant;

[34]      Pour l’infraction de leurre, elle doit en principe être punie de façon consécutive afin de refléter que cette infraction « protège un intérêt social distinct et cause des préjudices distincts de ceux que causent les infractions secondaires »[27]

[35]      Sans aucun doute, une peine sévère s’imposait en l’espèce. Rappelons qu’il y a eu trois incidents de contacts sexuels avec une victime de 14 ans par quelqu’un, en qui elle avait confiance (son collègue de travail), impliquant entre autres sa première relation sexuelle complète, avec douleur, dans sa propre chambre à coucher, et que les conséquences sur elle, sur ses parents et sur son jeune frère sont dévastatrices.

[36]      Cependant, tout en respectant les fourchettes applicables, la priorité aux objectifs de dénonciation et de dissuasion, et le principe des peines consécutives, la juge devait s’assurer que la peine totale ne devienne pas excessive (al. 718.2cC.cr.)[28] et qu’elle soit proportionnelle à la gravité des infractions commises et au degré de responsabilité du délinquant[29]. Voilà comment la Cour suprême l’expliquait dans R. c. M. (C.A.) :

[42] Dans le contexte de peines consécutives, ce principe général de proportionnalité se présente sous la forme plus particulière du «principe de totalité». En bref, en vertu de ce principe, le juge qui impose la peine et ordonne au contrevenant de purger des peines consécutives pour des infractions multiples doit s’assurer que la peine cumulative prononcée ne dépasse pas la culpabilité globale du délinquant.

[37]      La proportionnalité demeure le principe fondamental de toute peine infligée[30] et l’on ne saurait y déroger au nom de la réprobation sociale, malgré le sérieux des infractions commises. La Cour suprême le reconnaît dans l’arrêt Bertrand Marchand où elle écrit :

[171] De fait, malgré les énoncés fermes dans l’arrêt Friesen concernant le caractère répréhensible inhérent et la nocivité de la violence sexuelle contre les enfants, la Cour a expressément mentionné que ses commentaires ne devraient pas être considérés comme une directive de faire abstraction des facteurs pertinents qui peuvent réduire la culpabilité morale du délinquant. Le principe de la proportionnalité continue de s’appliquer et exige que « la peine infligée soit “juste et appropriée, rien de plus” » (par. 91, citant M. (C.A.), par. 80 (soulignement omis)).[31]

[38]      La peine infligée à l’appelant devait refléter l’importance du principe de modération qui s’imposait en raison de son jeune âge[32]. Ainsi, malgré l’importance des facteurs de dénonciation et de dissuasion générale dans l’imposition de peines pour des abus sexuels contre des enfants, la question de la proportionnalité exigeait tout de même de considérer que « la réinsertion sociale et la dissuasion spécifique sont les objectifs premiers lorsque vient le temps de déterminer les peines à infliger à de jeunes délinquants qui en sont à leur première infraction »[33]. La Cour suprême réitère dans Bertrand-Marchand qu’un jeune délinquant qui en est à sa première infraction devrait bénéficier de la peine la plus courte possible, proportionnelle à l’infraction en cause[34].

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