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mercredi 23 juillet 2025

Les inférences raisonnables selon l’expérience humaine et le bon sens

R. c. St-Jean, 2025 QCCA 178

Lien vers la décision


[48]      Selon un principe de droit bien connu, les « inférences doivent être raisonnables compte tenu d’une appréciation logique de la preuve ou de l’absence de preuve, et suivant l’expérience humaine et le bon sens »[12].

[49]      À cet égard, le poursuivant souligne que le juge qui avait présidé l’enquête préliminaire, et appliqué le même critère juridique[13], avait renvoyé les coaccusés à procès à l’égard d’une accusation de meurtre au premier degré. Cet autre juge s’exprimait ainsi :

La jurisprudence reconnaît que l’identification, l’intention de tuer, ainsi que la préméditation et le propos délibéré peuvent être étayés par une preuve exclusivement circonstancielle. Par ailleurs, il va de soi que l’absence de mobile explicite n’est pas synonyme d’insuffisance de preuve de préméditation, de propos délibéré ou d’intention de tuer. En l’espèce, après l’analyse de toutes les circonstances, il est clair que la preuve circonstancielle est de nature à démontrer l’implication de messieurs François et St-Jean dans le meurtre de monsieur Belange. Par ailleurs, aux yeux du Tribunal, un jury pourrait assurément conclure qu’ils étaient tous les deux sur les lieux; qu’ils s’y sont rendus de manière concertée et planifiée; qu’ils avaient prévu de se munir d’une arme de poing avant de se rendre à cet endroit; et qu’ils avaient planifié de s’enfuir à bord du véhicule de fuite qui les attendait. Bien que le coup de feu fatal ait été tiré après que monsieur Belange eut tenté de repousser ses deux assaillants, la chronologie de tous les événements, la nature concertée des actions des personnes impliquées, ainsi que la rapidité d’exécution, sont des éléments importants, significatifs et probables qui sont de nature à étayer l’infraction de meurtre au premier degré. Ayant procédé à une évaluation limitée de la preuve au sens de l’arrêt Arcuri […] et tenant compte de toutes les circonstances étayées par la preuve présentée à l’enquête préliminaire, le Tribunal est d’avis qu’un jury pourrait conclure que les accusés ont commis le meurtre de monsieur Valery Belange avec préméditation et de propos délibéré.


 

[50]      Ainsi, deux juges d’expérience tirent des conclusions divergentes au sujet des inférences qu’une preuve essentiellement semblable permet d’étayer.

[51]      Que doit-on en conclure? Que suggère cette évaluation différentielle? Comment dénouer ce désaccord à l’égard des inférences qui peuvent être tirées et quels principes permettent de trancher ces questions?

[52]      Les auteurs de l’ouvrage The Law of Evidence examinent le défi que pose le recours à l’expérience humaine et au bon sens pour identifier les inférences raisonnables pouvant être tirées de la preuve. À mon avis, leurs observations esquissent la voie à suivre pour résoudre ce désaccord au sujet des inférences que la preuve est susceptible d’étayer :

We draw inferences based on human experience and “common sense.” Yet, not everyone has had the same experiences or sees the world the same way. This can create controversy about whether evidence logically supports the desired inference. In R v White, the Supreme Court of Canada split starkly because of this. Some judges found that the failure of the accused to hesitate before running away after his illegal handgun discharged was logically more consistent with an intentional shooting than with the accidental shooting that the accused claimed. Other judges found this inference to be entirely speculative. “It seems to me every bit as plausible to conclude,” said Binnie J, “that a person in possession of an illegal handgun that just shot a stranger – accidentally or otherwise – would run away as fast and as far as he could without any hesitation.”

In general, given the room for debate that exists on questions of logical relevance, there are numerous sage passages suggesting that triers of fact should be given access to information they may find helpful in resolving the factual issues, even if others would disagree. After all, triers of fact are to render decisions according to their oaths and their consciences, and they should have available to them all the information they may consider to be of importance. If an inference is not “speculative or unreasonable,” the relevance standard will be met even if a judge would not personally rely on the evidence were they the trier of fact. As La Forest J said in R v Corbett:

[A]t the stage of the threshold inquiry into relevancy, basic principles of the law of evidence embody an inclusionary policy. . . .

In the absence of cogent evidence establishing that evidence . . . is irrelevant . . . the fact that reasonable people may disagree about its relevance merely attests to the fact that unanimity in matters of common sense and human experience is unattainable.[14]

[Les soulignements sont ajoutés et les références omises]

[53]      Dans la mesure où les inférences favorables au poursuivant doivent être préférées et qu’il appartient généralement au juge des faits de tirer les inférences appropriées, j’estime que le juge du procès a commis une erreur en imposant un verdict d’acquittement par rapport à l’infraction de meurtre au premier degré.

[54]      À mon avis, le fait que deux juges aient tiré des conclusions différentes démontre indubitablement qu’il appartenait au jury de déterminer si la preuve établissait la culpabilité des coaccusés pour l’infraction de meurtre au premier degré.

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