[9] L’infraction d’entrave en vertu de l’article 129 a) du Code criminel est un crime d’intention générale. L’élément moral de l’infraction se rattache simplement à la perpétration de l’acte illégal. La seule intention requise est celle de poser le geste constituant l’infraction.
[10] Récemment, la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Tatton[1], s’exprime ainsi concernant l’élément moral d’une infraction d’intention générale :
[35] Dans le cas des crimes d’intention générale, l’élément moral se rattache simplement à la perpétration de l’acte illégal. De tels crimes n’exigent pas l’existence d’une intention de faire survenir certaines conséquences étrangères à l’actus reus : Bernard p. 863; George, p. 877 (le juge Fauteux). … De même les crimes d’intention générale n’exigent pas la connaissance effective de certaines circonstances ou conséquences dans la mesure où cette conséquence est le produit du processus de pensée et de raisonnement complexe. Dans chaque cas, l’élément moral est simple et ne requiert qu’une faible acuité mentale.
[11] Le juge Boilard dans la décision Rousseau[2], définit ainsi l’entrave de l’article 129 a) C.cr. :
… entraver volontairement un agent de la paix signifie de façon délibérée, de façon consciente, poser un geste à l’égard d’un agent de la paix qui agit dans l’exécution de ses fonctions, sachant que ce geste est susceptible d’entraver, de nuire, de déranger cet agent de la paix dans l’accomplissement de sa tâche.
Il y aura entrave d’un agent de la paix dans l’exécution de ses fonctions si quelqu’un pose à son endroit un geste volontaire sachant ou prévoyant que cette action aura pour effet de nuire à l’exécution du travail du policier ou de le rendre plus difficile, peu importe que le contrevenant réussisse son entreprise, et quelle que soit sa motivation véritable. C’est un crime d’intention générale.
[38] … Cette entrave doit avoir été de nature à solliciter plus qu’un petit effort additionnel de la part du policier en raison de l’égarement ou un manque de jugement qui ne dure que l’espace d’un instant, d’une distraction momentanée. Il y a lieu de ne pas exposer à une condamnation criminelle ces comportements qui seraient une peccadille ou une faute sans gravité par une interprétation trop vaste et libérale alors qu’il n’y a pas de conséquences significatives imposées dans le travail policier.
[14] Dans le Traité de droit criminel[5], l’auteur Hugues Parent se prononce sur l’interprétation du mot volontairement que l’on retrouve à l’article 129 C.cr. et reprend aussi la jurisprudence relative à la définition d’entrave :
317. L’adverbe «volontairement» étant synonyme d’intention, il convient maintenant de s’interroger sur les formes que peut emprunter cet état d’esprit. Sur ce point, la jurisprudence est unanime : l’intention découlant de l’utilisation de l’adverbe «volontairement» peut, selon le texte d’incrimination, être générale ou spécifique. Générale, tout d’abord, puisque l’individu qui entrave volontairement un agent de la paix dans l’exécution de ses fonctions sera coupable d’un acte criminel s’il «pose un geste volontaire sachant ou prévoyant que l’effet sera de nuire au travail des policiers ou de le rendre plus difficile»709. …
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709 R. c. Maalouf, [2003] J.Q. No. 6811, par. 40 et 41 (C.M.), R. v. Gunn, (1997) 1997 ABCA 35 (CanLII), 113 C.C.C. (3d) 174 (C.A. Alta.), R. c. Gagnon, [2000] J.Q. No. 5299, par. 28 (C.M.), R. c. Bouchard, [1999] J.Q. No. 2543, par. 60 (C.M.) :
«L’entrave à un agent de la paix est une infraction où l’intention coupable (mens rea) requise en est une d’intention générale. Il suffit de démontrer qu’un défendeur pose un geste volontaire sachant ou prévoyant que l’effet est de nuire au travail des policiers ou de le rendre plus difficile. C’est la conclusion à laquelle arrive monsieur le juge Boilard dans R. c. Rousseau [1982] C.S. 461; J.B. 82-790, lorsqu’il écrit à la page 463 (C.S.) :
«Ces différentes décisions, je pense, indiquent que l’élément intentionnel mentionné à l’article 118 [maintenant 129] pour employer une terminologie acceptée à l’heure actuelle réfèrent à une intention générale au sens donné à cette expression par la Cour suprême du Canada dans la décision de R. c. George (1961) 1960 CanLII 45 (SCC), 128 C.C.C. 289.»»
[15] Quant au fardeau de preuve, pour qu’une personne soit déclarée coupable d’une entrave, la poursuite doit prouver de façon hors de tout doute raisonnable les trois éléments essentiels de l’infraction, à savoir l’entrave, que celle-ci a été commise à l’endroit d’un agent de la paix exerçant dans l’exécution de ses fonctions et que ce geste soit volontaire.
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