Croisetière c. R., 2022 QCCA 980
[78] À mon avis, et avec égards, il est déraisonnable de conclure que la bonne foi de la policière pouvait, dans les circonstances, écarter la règle énoncée dans l’arrêt R. c. Fearon, 2014 CSC 77 (CanLII), [2014] 3 R.C.S. 621, rendue plus de 30 mois auparavant. La juge a eu tort de faire reposer la conduite de la policière sur la bonne foi. En l’espèce, l’erreur est déraisonnable et révèle une méconnaissance de l’étendue de ses pouvoirs et du droit : R. c. Grant, 2009 CSC 32 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 353, par. 75, 133 ; R. c. Tim, 2022 CSC 12, par. 85.
[79] Il est aussi douteux que la policière aurait découvert les photographies. La juge ne s’en explique pas et la preuve démontre plutôt que la possession de pédopornographie n’était pas une préoccupation des policiers avant la découverte d’images sur la clé. L’intérêt pour les ordinateurs et autres supports numériques n’avait jamais effleuré l’esprit de la policière qui n’avait jamais demandé à saisir autre chose que le téléphone cellulaire en lien avec les photographies concernant le plaignant. Dans un second temps, le mandat pour les obtenir était tout aussi vicié par la fouille illégale de la clé USB et ne pouvait autrement, dans les circonstances, se justifier. Les faits ne permettent pas d’établir avec certitude que les éléments de preuve auraient été découverts sans violation de la Charte : R. c. Grant, 2009 CSC 32 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 353, par. 122 ; R. c. Tim, 2022 CSC 12, par. 94.
[80] L’arrêt Fearon précise qu’une fouille sans mandat d’une clé USB est possible si elle est strictement accessoire à l’arrestation et que les policiers conservent des notes détaillées de la fouille et des raisons pour le faire : R. c. Fearon, 2014 CSC 77 (CanLII), [2014] 3 R.C.S. 621, par. 4, 82. Toutefois, l’État doit expliquer pourquoi la fouille ne pouvait pas être effectuée après l’obtention d’un mandat : R. c. Fearon, [2014] 3 R.C.S. 621, par. 80. La Cour suprême rappelle que, sauf lorsque l’enquête en serait paralysée ou sérieusement entravée, un mandat est nécessaire. Autrement, l’atteinte importante à la vie privée l’emporte sur l’objectif de la découverte d’éléments de preuve : R. c. Fearon, [2014] 3 R.C.S. 621, par. 80. L’absence d’urgence sera, en principe, fatale : R. c. Fearon, [2014] 3 R.C.S. 621, par. 81.
[81] Comme la Cour d’appel de l’Ontario, je ne crois pas utile de faire des distinctions entre une clé USB et d’autres dispositifs informatiques qui stockent des données : R. v. Tuduce, 2014 ONCA 547; R. v. Balendra, 2019 ONCA 68.
[82] Je suis d’avis que la violation elle-même était grave tout comme son incidence sur les droits de l’appelant. Ce dernier a raison de souligner les préoccupations particulières en matière de respect de la vie privée que soulèvent la saisie et la fouille des appareils qui stockent des données : R. c. Vu, 2013 CSC 60 (CanLII), [2013] 3 R.C.S. 657; R. c. Fearon, 2014 CSC 77 (CanLII), [2014] 3 R.C.S. 621; R. c. Morelli, 2010 CSC 8 (CanLII), [2010] 1 R.C.S. 253.
[83] Rien dans la preuve n’indique qu’avant la fouille illégale, les policiers avaient l’intention de fouiller la clé et les ordinateurs de l’appelant. Négliger d’obtenir un mandat pour fouiller une clé USB dans ses circonstances est de nature à miner à long terme l’intégrité du système de justice et de la confiance du public à son égard. La preuve des photographies devait être exclue : R. c. Reilly, 2021 CSC 38; R. c. Stairs, 2022 CSC 11, par. 158; R. c. Tim, 2022 CSC 12, par. 75 et 98; R. c. Le, 2019 CSC 34 (CanLII), [2019] 2 R.C.S. 692, par. 141-142 ; R. c. McGuffie, 2016 ONCA 365, par. 62-63 ; R. c. Stevens, 2016 QCCA 1707, par. 89 ; R. c. Cormier, 2021 QCCA 620, par. 24.
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