R. c. Constant, 2021 QCCQ 12995
[51] La jurisprudence reconnaît la capacité d’un témoin ordinaire d’identifier un accusé sur une bande vidéo ou sur une photographie, dans la mesure où ce témoin est mieux placé que le juge des faits pour faire cette démonstration[10].
[52] Avant qu’un témoin ne puisse être appelé à reconnaître un suspect sur une image en lien avec le crime, le Tribunal doit tenir un voir-dire pour déterminer si, d’une part, le témoin a une familiarité préalable avec le suspect servant comme base à son identification et si, d’autre part, cette familiarité le met véritablement dans une meilleure position que le juge des faits pour identifier l’accusé[11].
[53] Le juge du droit doit être convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que la relation du témoin avec l’accusé permet au témoin de fournir des informations pertinentes et autrement indisponibles sur l’identité de cette personne[12].
[54] À l’étape de l’admissibilité, le Tribunal peut tenir compte des éléments suivants :
• La durée de la relation entre l’accusé et le témoin;
• Les circonstances entourant cette relation;
• Le caractère récent des contacts entre l’accusé et le témoin[13];
• La fréquence des contacts entre l’accusé et le témoin[14].
[55] Bien que le critère d’admissibilité ne soit pas particulièrement exigeant, il n’est pas une simple formalité non plus. Une familiarité générale avec le suspect ne suffira pas, car un tel seuil risquerait de faire admettre un éventail trop vaste d’opinions qui seraient non fondées, mais pourtant fermes et imperméables à toute forme d’attaque, tout en donnant une apparence indue de fiabilité[15]. L’opinion du témoin doit plutôt reposer sur une assise solide et elle doit apporter un éclairage utile au juge des faits que ce dernier n’aurait pas en visionnant lui-même la preuve audiovisuelle.
[56] Selon une jurisprudence constante, une preuve d’opinion de reconnaissance pourra être admise même si le témoin est incapable de décrire avec précision des traits distinctifs appartenant à l’accusé qu’il a pu identifier dans la vidéo[16]. À ce sujet, dans le récent arrêt R. v. Wanihadie, la Cour d’appel de l’Alberta a reconnu que lorsqu’une familiarité claire est établie, « for the purposes of admissibility… nothing more was required than that bare, but principled, recognition of special knowledge »[17]. Dans cette affaire, une agression avait eu lieu dans un centre de détention. Le témoin était un agent correctionnel qui était responsable du secteur de la prison où était survenue l’attaque. Il connaissait les détenus sous sa garde et il avait visionné les images immédiatement après l’incident.
[57] Il découle du bon sens que plus le témoin connaît étroitement le suspect, moins le Tribunal exigera de sa part qu’il puisse nommer des traits distinctifs. Le lien est inversement proportionnel. Comme le citait avec approbation la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’arrêt R. v. Field :
Where a witness has but little acquaintanceship with the accused, his or her recognition evidence may be of little value unless the witness can explain its basis in some considerable detail. But at the other end of the spectrum, the bare conclusory recognition evidence of a person long and closely familiar with the accused may have a substantial value, even where the witness does not articulate the particular features or idiosyncrasies that underlie the recognition.
That said, a complete inability to respond to questions about the basis for the opinion may, even in a person long familiar with the subject identified, call into question the value of the opinion[18].
[58] Ceci dit, la capacité du témoin de nommer des particularités physiques au soutien de son identification sera certes pertinente à la valeur probante de la preuve en dernière analyse[19].
[59] De l’avis du Tribunal, la qualité de la vidéo, la clarté des images et leur impact sur la fiabilité de l’opinion du témoin relèvent plutôt de l’analyse finale du juge des faits quant à la valeur probante ultime de la preuve. Ainsi, ces questions ne sont pas pertinentes au stade de l’admissibilité. En l’espèce, les deux parties ont référé à ce critère lors de leurs représentations, citant le paragraphe 17 de l’arrêt Boutarene de notre Cour d’appel. Or, avec égards et contrairement aux parties, je suis d’avis que cet extrait porte sur une question différente, soit l’évaluation de l’identification au fond. Une lecture des motifs dans leur ensemble révèle que la question de l’admissibilité Leaney est déjà tranchée au paragraphe 15 de la décision. Les paragraphes subséquents portent plutôt sur l’appréciation finale de la bande vidéo par la juge de première instance.
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