Merceus c. R., 2014 QCCA 1766
[58] La Cour suprême du Canada indique, dans l’arrêt Briscoe, la norme de droit qui doit recevoir application à celui qui aide ou encourage l’auteur principal d’un meurtre[7] :
[15] […] La personne qui aide ou qui encourage doit aussi avoir l’état d’esprit requis ou la mens rea requise. Plus précisément, aux termes de l’al. 21(1) b), la personne doit avoir prêté assistance en vue d’aider l’auteur principal à commettre le crime.
[16] L’exigence de la mens rea qui ressort de l’expression « en vue de » à l’al. 21(1) b) comporte deux éléments : l’intention et la connaissance. En ce qui concerne l’élément d’intention, il a été établi dans R. c. Hibbert, 1995 CanLII 110 (CSC), [1995] 2 R.C.S. 973, que l’expression « en vue de » de l’al. 21(1) b) devrait être considérée comme étant essentiellement synonyme d’« intention ». Le ministère public doit établir que l’accusé avait l’intention d’aider l’auteur principal à commettre l’infraction. La Cour a insisté sur le fait que les mots « en vue de » ne devraient pas être interprétés comme incorporant la notion de « désir » dans l’exigence de faute pour que la responsabilité du participant soit engagée. Il n’est donc pas nécessaire que l’accusé désire que l’infraction soit perpétrée avec succès (Hibbert, par. 35). La Cour a conclu, au par. 32, que les conséquences malencontreuses qui découleraient d’une interprétation de l’al. 21(1) b) voulant que l’expression « en vue de » s’entende d’un « désir » étaient clairement illustrées par la situation hypothétique suivante décrite par Mewett et Manning :
[traduction] Un homme se fait dire par un ami qu’il va dévaliser une banque, qu’il aimerait utiliser sa voiture pour s’enfuir et qu’il lui versera 100 $ en échange de ce service. Lorsqu’il est [...] accusé, en vertu de l’art. 21, d’avoir accompli quelque chose en vue d’aider son ami à commettre l’infraction, cet homme peut-il dire « Mon but était non pas d’aider à commettre le vol, mais de gagner 100 $ »? Il soutiendrait que, même s’il savait qu’il aidait à commettre le vol, son désir était d’obtenir les 100 $ et il lui était parfaitement égal que le vol réussisse ou non.
(A. W. Mewett et M. Manning, Criminal Law (2e éd. 1985), p. 112)
Ce raisonnement s’applique sans égard à l’infraction principale en cause. Même à l’égard du meurtre, il n’y a aucune « [autre exigence voulant] que celui qui aide ou encourage à commettre une infraction approuve ou désire subjectivement la mort de la victime » (Hibbert, par. 37 (soulignement omis)).
[17] En ce qui concerne l’élément de connaissance, l’intention d’aider à commettre une infraction suppose que la personne doit savoir que l’auteur a l’intention de commettre le crime, bien qu’elle n’ait pas à savoir précisément la façon dont il sera commis. Il relève tout simplement du bon sens qu’il faut avoir une connaissance suffisante pour avoir l’intention requise. […]
[18] Il est important de souligner que le juge Doherty, en faisant référence à l’arrêt R. c. Kirkness, 1990 CanLII 57 (CSC), [1990] 3 R.C.S. 74, de la Cour, a raison de dire que la personne qui a aidé à commettre le meurtre devait « sav[oir] que l’auteur du crime avait l’intention requise pour commettre un meurtre ». Bien que certains passages de l’arrêt Kirkness puissent être interprétés comme exigeant que le complice partage l’intention du meurtrier de tuer la victime, l’arrêt doit maintenant être interprété à la lumière de l’analyse susmentionnée tirée de l’arrêt Hibbert. La personne qui aide ou qui encourage doit connaître l’intention de l’auteur de tuer la victime, sans toutefois nécessairement la partager. Il ne faut pas interpréter de l’arrêt Kirkness qu’il existe une exigence que celui ou celle qui aide ou qui encourage l’auteur principal d’un meurtre ait la même mens rea que le véritable tueur. Il suffit que, connaissant l’intention de l’auteur de commettre le crime, cette personne agisse avec l’intention d’aider l’auteur à le commettre. Ce n’est qu’en ce sens qu’il est possible de dire que celui ou celle qui aide ou qui encourage doit avoir l’intention que l’infraction principale soit commise.
[59] L’arrêt Briscoe a été rendu dans le cadre d’une accusation de meurtre prémédité.
[60] Le juge Moldaver précise cet enseignement dans l’arrêt Vu[8], une affaire relative à une séquestration, lorsqu’il écrit :
[58] Aux termes du par. 21(1), encourt une responsabilité criminelle comme participant à une infraction la personne qui accomplit un des trois actes décrits – commettre, aider ou encourager – en ayant l’intention requise. Quel que soit le rôle joué, la responsabilité criminelle est la même: R. c. Thatcher, 1987 CanLII 53 (CSC), [1987] 1 R.C.S. 652, p. 689-690. Comme notre Cour l’a récemment expliqué dans R. c. Briscoe, 2010 CSC 13, [2010] 1 R.C.S. 411, une personne participe à l’infraction lorsqu’elle accomplit (ou, dans certaines circonstances, omet d’accomplir) quelque chose qui aide ou encourage l’auteur principal d’une infraction à la commettre, en ayant connaissance de l’intention de ce dernier de commettre le crime et en ayant l’intention de l’aider (par. 14-18).
[53] Il ressort clairement de l’art. 21 que la responsabilité d’un accusé ne saurait être écartée du seul fait qu’une ou plusieurs autres personnes pourraient également être jugées responsables de la même infraction. Ainsi, suivant l’al. 21(1)a), lorsque tous les éléments d’une infraction ont été établis à l’égard d’une personne, celle-ci verra sa responsabilité criminelle engagée à titre de coauteur, de même que toute autre personne à l’égard de laquelle tous ces éléments ont également été établis. Dans le cas des al. 21(1)b) et c), même si tous les éléments de l’infraction n’ont pas été prouvés à son égard, un accusé sera déclaré coupable de cette infraction s’il a fourni aide ou encouragement à la personne qui l’a perpétrée, et s’il avait la mens rea requise.
[…]
[64] En ce qui a trait au meurtre – infraction qui, comme nous l’avons indiqué plus tôt, requiert l’existence d’un lien de causalité (l’acte prétendument illégal doit « avoir causé » la mort) –, le scénario classique dans lequel pourrait s’appliquer la responsabilité en tant que coauteur est la situation où deux personnes ou plus agressent la victime en même temps et la battent à mort: voir, par exemple, R. c. McMaster, 1996 CanLII 234 (CSC), [1996] 1 R.C.S. 740. Dans un tel cas, comme on peut imputer à chacun des accusés tous les éléments de l’infraction de meurtre (l’actus reus au complet ainsi que la mens rea de l’infraction), et que seule la causalité factuelle peut demeurer incertaine (l’identité de la personne qui a porté le coup « fatal »), la notion de causalité juridique autorise l’incertitude relativement à l’acte qui a réellement causé la mort. Les seules situations requérant l’établissement du « lien de causalité entre l’acte et la mort » sont le meurtre et l’homicide involontaire coupable de façon générale. Il doit alors être démontré que les actes d’agression de chaque accusé à l’endroit de la victime ont constitué une « cause ayant contribué de façon appréciable » (pour l’homicide involontaire coupable ou le meurtre de façon générale) ou un « élément essentiel et substantiel du meurtre » (pour le meurtre au premier degré aux termes du par. 231(5)): Nette, par. 73.
[62] La responsabilité criminelle d’une personne présente sur les lieux du crime sera donc retenue lorsqu’il sera démontré, hors de tout doute raisonnable, que cette personne avait connaissance des intentions illicites de l’auteur réel du crime et qu’elle voulait, par son acte, ou son omission, aider ou encourager l’auteur réel dans l’accomplissement de son dessein illicite.
[63] Lorsqu’il est démontré, hors de tout doute raisonnable, que les agissements d’une personne ayant l’intention requise ont constitué une cause ayant contribué de façon appréciable au meurtre, cette personne pourra se voir trouver coupable de meurtre comme coauteur, même si l’identité de la personne qui a porté le coup fatal demeure incertaine.
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