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dimanche 2 novembre 2025

La personne qui décide de participer à la séquestration de la victime, après avoir appris que celle‑ci a été enlevée, peut être tenue responsable de l’infraction d’enlèvement en application du par. 21(1)

R. c. Vu, 2012 CSC 40


[57]                          Le paragraphe 21(1) du Code est ainsi libellé :

                           21.     (1) [Participants à une infraction] Participent à une infraction :

                           a)      quiconque la commet réellement;

                           b)      quiconque accomplit ou omet d’accomplir quelque chose en vue d’aider quelqu’un à la commettre;

                           c)      quiconque encourage quelqu’un à la commettre.

[58]                          Aux termes du par. 21(1), encourt une responsabilité criminelle comme participant à une infraction la personne qui accomplit un des trois actes décrits — commettre, aider ou encourager — en ayant l’intention requise.  Quel que soit le rôle joué, la responsabilité criminelle est la même : R. c. Thatcher1987 CanLII 53 (CSC)[1987] 1 R.C.S. 652, p. 689‑690.  Comme notre Cour l’a récemment expliqué dans R. c. Briscoe2010 CSC 13[2010] 1 R.C.S. 411, une personne participe à l’infraction lorsqu’elle accomplit (ou, dans certaines circonstances, omet d’accomplir) quelque chose qui aide ou encourage l’auteur principal d’une infraction à la commettre, en ayant connaissance de l’intention de ce dernier de commettre le crime et en ayant l’intention de l’aider (par. 14‑18).

[59]                          Les principes bien établis de la responsabilité criminelle au sens du par. 21(1) s’appliquent selon moi avec la même force aux infractions continues qui sont complètes en droit, mais non en fait.  Plus particulièrement, la responsabilité en tant que participant est établie lorsqu’un accusé, connaissant l’intention de l’auteur principal de mener une infraction continue à son terme, accomplit quelque chose (ou omet de l’accomplir), en vue d’aider ou d’encourager la perpétration de l’infraction continue en question.

[60]                          Lorsqu’on applique ce principe en l’espèce, dès lors qu’on considère l’enlèvement comme une forme aggravée de la séquestration — qui se poursuit jusqu’à la libération de la victime — il n’existe aucune raison d’ordre juridique ou logique justifiant de ne pas reconnaître la responsabilité à titre de participant à l’infraction d’enlèvement par application du par. 21(1) du Code d’une personne qui, sachant que la victime a été enlevée, décide néanmoins de participer à l’entreprise d’enlèvement.

[61]                          Des arrêts de juridictions d’appel sont instructifs à cet égard.  Les cours d’appel de l’Ontario et de la Nouvelle‑Écosse ont statué, après avoir conclu que l’importation de stupéfiants constituait une infraction continue, qu’une personne pouvait être accusée en tant que participant à l’infraction, en application du par. 21(1), à l’égard d’un acte ou d’une omission survenant à tout moment entre l’entrée des marchandises au Canada et leur arrivée à la destination finale, même si l’infraction pouvait être considérée comme complète en droit dès lors que les marchandises avaient traversé la frontière : R. c. Hijazi (1974), 1974 CanLII 1533 (ON CA)20 C.C.C. (2d) 183 (C.A. Ont.)R. c. Whynott (1975), 1975 CanLII 1513 (NS CA)12 N.S.R. (2d) 231 (C.S. (Div. app.)); R. c. Tanney (1976), 1976 CanLII 1319 (ON CA)31 C.C.C. (2d) 445 (C.A. Ont.).  Dans Bell, l’interprétation étroite du mot « importer » de l’art. 5 de la Loi sur les stupéfiants formulée par les juges majoritaires a fait naître un doute à l’égard de ces arrêts.  Cependant, l’opinion majoritaire ne s’écarte pas du principe général établi par la jurisprudence selon lequel une personne qui est pleinement au courant d’une infraction continue et qui décide d’y prendre part peut être tenue criminellement responsable en tant que participant à cette infraction en application du par. 21(1) du Code.

[62]                          Dans l’opinion concordante qu’il a formulée dans Bell, le juge Dickson s’est appuyé sur les arrêts précités pour conclure que l’infraction d’importation n’avait pas « pr[is] fin » et que la responsabilité criminelle pouvait être retenue tant que la perpétration se poursuivait dans les faits.  Comme l’a exposé le juge Dickson :

                    Pour qu’on puisse dire qu’il « commet réellement » l’infraction d’importation, un accusé doit introduire ou faire introduire au Canada des marchandises provenant d’un pays étranger; cela nécessite par définition qu’elles franchissent la frontière canadienne.  Quelqu’un dont la participation ne commence qu’après cette étape peut toutefois être coupable d’avoir aidé et encouragé une personne à faire venir des marchandises de l’extérieur du Canada à une destination à l’intérieur du Canada.  [Je souligne; p. 478‑479.]

En conséquence, une personne qui n’est pas partie à une infraction lorsque l’auteur principal commence à la commettre peut le devenir tant que la perpétration de l’infraction n’a pas « pr[is] fin ».

[63]                          Si on applique ce principe dans notre contexte — étant entendu que le crime d’enlèvement se poursuit tant que la victime n’est pas libérée — la personne qui décide de participer à la séquestration de la victime, après avoir appris que celle‑ci a été enlevée, peut être tenue responsable de l’infraction d’enlèvement en application du par. 21(1)

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