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jeudi 3 juin 2010

La distinction entre aveu et confession

Rothman c. La Reine, [1981] 1 R.C.S. 640

Les savants auteurs de Phipson on Evidence (12e éd., 1976) énoncent au paragraphe 671:

[TRADUCTION] Dans les affaires criminelles, les déclarations que fait l’accusé hors de cour sont également recevables contre lui, même si elles sont assujetties à des conditions particulières si elles sont faites à une personne ayant autorité; elles sont alors habituellement appelées «confessions».

Graduellement, le droit a évolué de façon à séparer du domaine général des aveux les déclarations faites par un accusé à une personne ayant autorité: on parle alors de confessions, et c’est à elles que s’appliquent des règles particulières de recevabilité au procès.

Les règles de la preuve en droit pénal, et même en droit civil, portent toutes sur la pertinence, la véracité et l’impartialité, ainsi que sur d’autres préoccupations telles l’économie relative et l’efficacité du procès. Les règles relatives aux confessions ont un élément supplémentaire, soit la préoccupation du public pour l’intégrité du système de l’administration de la justice. Si la véracité des déclarations d’un accusé était le seul aspect à examiner pour établir leur recevabilité, les cours n’auraient pas adopté des principes applicables uniquement aux déclarations faites aux personnes ayant autorité et non aux déclarations incriminantes en général. La véracité ne peut être le seul critère de recevabilité, parce que des déclarations peuvent paraître assez véridiques pour assurer que le juge des faits s’y réfère, et être quand même écartées suivant les normes de la confession.

Les déclarations d’un accusé à des personnes ordinaires sont présumées admissibles, comme étant des aveux faits par une partie opposée, sans voir‑dire

R. c. S.G.T., 2010 CSC 20

[20] La distinction entre aveu et confession est pertinente en l’espèce. Selon les règles de preuve, les déclarations d’un accusé sont des aveux faits par une partie opposée et, à ce titre, elles relèvent d’une exception à la règle du ouï‑dire. Elles sont admissibles comme preuve de la véracité de leur contenu. Les déclarations d’un accusé à des personnes ordinaires, tels des amis ou des membres de sa famille, sont présumées admissibles sans voir‑dire. C’est seulement lorsque l’accusé fait une déclaration à une « personne en autorité » que le ministère public doit prouver le caractère volontaire de la déclaration pour que celle‑ci soit admise en preuve. Il s’agit là, bien sûr, de la règle des confessions.

Manquement à ordonnance de probation VS Indigence de l’accusé - Ce que constitue le concept de “sans excuse raisonnable”.

R. c. Tremblay, 2001 CanLII 13135 (QC C.Q.)

[11] Le débat tourne autour du changement de l’article 740(1) pour l’article 733.1 du Code criminel qui substitue les mots « sans excuse raisonnable » au mot « volontairement ».

[13] En l’occurrence, aux modifications apportées par le législateur, le juge Laurier dans R. c. Foglia explique que :

« En substituant les mots « excuse raisonnable » à « volontairement », il semblerait que le législateur ait voulu réduire ce niveau élevé d’exigence en facilitant la preuve de la poursuite. »

[14] Pour sa part, dans R. c. Greco, le juge Lampkin s’exprime ainsi :

Unlike the former s. 666(1) which was a straight summary conviction offence, s 733.1(1) is now a hybrid offence and may be prosecuted by way of indictment or by way of conviction. More importantly, the word « willfully » has been removed and has been replaced by the phrase « without reasonable excuse ».

[...]

I believe those words would be read in the construction of the section. If the probationer can prove on a balance of probabilities that he had a reasonable excuse to act in the manner he did, then he would be acquitted of the chare of breach of probation.

[15] Le juge Handrigan abonde dans le même sens:

This provision was replaced with that which I have set out above by an amendment to the criminal Code in 1996. It changed that offence from one punishable only summary conviction to a hybrid offence which follows the Crown election.

[…]

It is clear that remodeling which Parliament has done to the subsection of the Criminel Code which defines “breach of probation” has lowered the bar for the Crown to prove the element of “willfulness”. It will be recognized that proof of this (mens rea of the old offence) would be a difficult thing in most cases.

[…]

Whatever the merits of the debate about the charge in this former statement as being a “general intent v. Specific intent” offence, subsection 733.1(1) in its present form, clearly creates on offence of general intent. It might even be argued that something less than an intention to cause the actus reus of the crime will constitute a sufficient mens rea I refer here simply to the possibility that “recklessness”, in appropriate the mens rea of a breach of probation charge.

[16] Dans R. Monrose, le juge Boilard souligne que

Similarly, failure to comply with a condition of a probation order pursuant to s. 733.1 (formerly 666(10 renumbered 740(1) requires a subjective mens rea i.e. blameworthy state of mind that exceeds carelessness. I do not believe that reworking the description of the offense as failing to comply without a reasonable excuse (s. 733.2) or willfully failing to comply as s. 666(1) read, has changed the nature of the requisite mental ingredient.

[17] Pour ma part, je ferai mienne l’opinion du juge Laurier puisque en changeant le mot “volontairement” par ceux de “sans excuse raisonnable”, il va de soi que le législateur a voulu réduire le fardeau qui incombait à la poursuite de devoir prouver, au niveau de la mens rea, que l’accusé avait l’intention de violer les conditions de la probation et la connaissance coupable de la part de l’accusé.

[18] La jurisprudence antérieure à cette modification accepte comme défense valable l’indigence. Ainsi, dans Grandbois c. R., la Cour a renversé une déclaration de culpabilité pour le bris de probation consistant au non-remboursement d’une somme. La preuve de la mens rea devant être faite hors de tout doute raisonnable, l’appelant a soulevé un doute en faisant la preuve du dénuement le plus complet.

[19] Dans l’arrêt Sugg c. R. cité par la Cour suprême du Canada, l’appelant n’était pas parvenu à payer le plein montant de la restitution qu’il devait faire selon les conditions de sa probation. Le juge MacDonald, au nom de la division d’appel de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, a tenu pour acquis que l’appelant ne pouvait acquitter le plein montant. Selon la Cour suprême, on ne peut dire que l’appelant a volontairement omis de payer un tel montant d’argent; il manquait l’intention criminelle.

[20] Dans le cas présent, la défense d’indigence ne pourrait trouver application puisque cette défense exige le dénuement le plus complet, ce qui n’était pas le cas de monsieur Tremblay puisqu’il a acquitté les dettes qui lui semblaient préférables, en l’occurrence les honoraires de son avocat, au détriment de son ordonnance de probation. De plus, étant homme d’affaires, il savait ou s’est aveuglé volontairement qu’il ne pourrait à court et à moyen terme (c’est-à-dire dans les délais prescrits) rembourser les sommes dues. L’accusé, trop content de recevoir une absolution conditionnelle à son remboursement émis dans l’ordonnance de probation, n’a pas voulu faire de vagues et expliquer sa situation de peur d’une peine plus lourde. Il a accepté la peine et a même payé dans l’intervalle d’autres dettes que la peine qui lui avait été infligée. Il est donc clair que l’accusé n’a pas pris les mesures raisonnables pour s’acquitter de sa dette ou s’est aveuglé volontairement.

[21] Monsieur Tremblay ne peut non plus invoquer comme moyen de défense qu’il ignorait pouvoir obtenir une extension de délai à cause du changement de procureur au dossier. En effet, même si dans R. c. Docherty une exception est créée au principe que nul n’est censé ignorer la loi, cette exception s’applique à une croyance honnête que son comportement ne contrevient pas à l’ordonnance parce que ce n’était pas un crime.

[22] L’accusé savait pertinemment que le fait de ne pas payer le montant de 3 000 $ contrevenait à l’ordonnance de probation. Il ne peut donc invoquer l’exception à l’article 19 C. cr.

[23] L’auteur Sophie Bourque explique

Depuis la décision R. Docherty le législateur a modifié le Code criminel en remplaçant à l’article 733.1 le mot « volontairement » par « sans excuse raisonnable », dans l’intention évidente de ne plus permettre l’utilisation de l’erreur de droit à l’encontre d’une accusation de bris de probation. Le degré de mens rea n’étant plus aussi élevé, il est peu probable que les tribunaux accepteront l’ignorance de la loi à titre d’excuse raisonnable à la perpétration d’une telle infraction.

[24] Pour répondre à la dernière question, puisque l’article 733.1 fait référence aux mots « sans excuse raisonnable », la Couronne n’a pas à prouver que l’accusé avait l’intention d’omettre volontairement de payer. La preuve d’indigence ne doit servir qu’à lui procurer une excuse raisonnable.

L'ignorance d'une disposition légale qui peut donner lieu à une interprétation est un facteur très important lorsqu'il s'agit de décider si l'accusé doit jouir d'une absolution

R. c. Cogger, 2001 CanLII 20626 (QC C.A.)

En somme l'appelant ignorait la loi, et l'ignorance de la loi n'est pas un moyen de défense.

Cependant, à mon humble avis, l'ignorance d'une disposition légale qui peut donner lieu à une interprétation est un facteur très important lorsqu'il s'agit de décider si l'accusé doit jouir d'une absolution

Ceci, alors que l'appelant n'a pas commis de turpitude et ne sachant pas qu'il commettait un acte criminel. L'infraction prévue à l'al. 121(1)a) n'est pas un malum in se, mais un malum prohibitum. L'intérêt public n'exige nullement autre chose qu'une absolution.

Quant à la dissuasion spécifique, il y a fort à parier que l'appelant a eu sa leçon et qu'il ne recommencerait pas même s'il redevenait «fonctionnaire».

Quant à la dissuasion générale, elle doit céder le pas à la mansuétude dans le cas où l'accusé a agi dans l'ignorance de la loi, en toute bonne foi, et a subi un préjudice singulièrement important.

mardi 1 juin 2010

Étude de la Cour d'appel au sujet des règles juridiques devant gouverner le contre-interrogatoire

El Morr c. R., 2010 QCCA 812 (CanLII)

[83] (...) Une preuve dont le seul but est de démontrer que l’accusé est le genre de personne susceptible d’avoir commis une infraction, est inadmissible à moins d'exception, ce qui n'est pas le cas ici : R. c Shearing, 2002 CSC 58 (CanLII), [2002] 3 R.C.S. 33; R. c. Handy, 2002 CSC 56 (CanLII), [2002] 2 R.C.S. 908; R. c. Arp, 1998 CanLII 769 (C.S.C.), [1998] 3 R.C.S. 339.

[85] Un contre-interrogatoire autorise bien des questions qui portent sur la crédibilité. Je ne vois cependant pas en quoi ces dernières questions pouvaient permettre de croire ou de ne pas croire le témoignage de l'appelant. En réalité, de l'aveu même de l'avocat de la poursuite, le but n'était pas d'affaiblir sa crédibilité, mais plutôt de laisser croire qu'il était plus susceptible, pour cette raison, d'avoir proféré des menaces.

[86] Comme le souligne le juge Cory dans R. c. Osolin, 1993 CanLII 54 (C.S.C.), [1993] 4 R.C.S. 595, le droit de contre-interroger n'est pas illimité :

Malgré son importance, le droit de contre‑interroger n'a jamais été illimité. Il doit respecter le principe fondamental selon lequel tout élément de preuve doit être pertinent pour être admissible. En outre, la valeur probante de la preuve doit être soupesée en regard de son effet préjudiciable.

[87] L'appelant n'avait pas mis en cause sa bonne réputation et sa bonne moralité pour démontrer qu'il n'était pas une personne susceptible de commettre l'infraction ou pour rehausser sa crédibilité et la poursuite ne pouvait donc pas tenter de faire la preuve de sa mauvaise réputation, de sa moralité ou de son mode vie pour démontrer le contraire.

[97] Dans R. v. G. (A.), 1998 CanLII 7189 (ON C.A.), (1998) 130 C.C.C. (3d) 30 (C.A. Ont.), le juge Labrosse rappelle cette règle :

46 This clear rebuke from the trial judge resulted when he ascertained that defence counsel had no basis for believing or suspecting that the complainant had revealed to the doctor that anything had been inserted into her vagina, let alone the appellant's fist. Based on disclosure, defence counsel would have known the substance of the complainant's allegations. As such, the questions were improper, outrageous and clearly exceeded the proper limits of cross-examination. The questions could only have been intended to embarrass the complainant. […]

[98] Un contre-interrogatoire ne peut avoir pour objectif de dénigrer ou de diminuer l'accusé : R. v. Robinson 2001 CanLII 24059 (ON C.A.), (2001), 153 C.C.C. (3d) 398 (C.A. Ont.); R. v. Bouhsass 2002 CanLII 45109 (ON C.A.), (2003), 169 C.C.C. (3d) 444 (C.A. Ont.).

[102] Je ne retiens pas cet argument. Il est vrai qu'un procès présidé par un juge seul réduit considérablement le risque que cette preuve crée de la confusion à l'égard des enjeux soulevés. Par contre, comme le soulignait l'avocat de l'appelant à l'audience, ce n'est pas une raison en soi ni une licence pour justifier le dépôt d'éléments de preuve inadmissibles ou encore les questions illégales. Comme le mentionne à ce sujet le juge Helper dans R. v. W. (R.S.) reflex, (1990), 55 C.C.C. (3d) 149 (Man. C.A.), à la p. 157, un arrêt prononcé à la suite d'un procès présidé par un juge seul :

A trial judge is charged with the responsibility of ensuring that proceedings before him (or her) are conducted fairly. He has an overriding duty in every case to ensure a fair trial. He is the ultimate umpire whose duties include excluding inadmissible evidence and preventing cross-examination which goes beyond permissible limits, even though not objected to by counsel for the accused.

[103] Dans R. c. Duguay, [2001] J.Q. n° 4037, J.E. 2001-1769 (C.A. Qué.), au paragr. 46, le juge Biron écrivait, pour la Cour :

Présumé innocent, un accusé a droit à un procès équitable.

[104] Or, un contre-interrogatoire abusif peut rendre le procès inéquitable. Dans R v. R. (A.J.), 1994 CanLII 3447 (ON C.A.), (1994) 94 C.C.C.(3d) 168 (C.A. Ont.), le juge Doherty écrit :

23 There are, however, well-established limits on cross- examination. Some apply to all witnesses, others only to the accused. Isolated transgressons of those limits may be of little consequence on appeal. Repeated improprieties during the cross-examination of an accused are, however, a very different matter. As the improprieties mount, the cross-examination may cross over the line from the aggressive to the abusive. When that line is crossed, the danger of a miscarriage of justice is very real. If improper cross-examination of an accused prejudices that accused in his defence or is so improper as to bring the administration of justice into disrepute, an appellate court must intervene […]

[105] Dans R. v. White 1999 CanLII 3695 (ON C.A.), (1999), 132 C.C.C. (3d) 373 (C.A. Ont.), le juge Doherty s'exprime ainsi :

6 There is no need to review the well-established and unfortunately ever-growing line of authority relating to improper cross-examination by Crown counsel. Improper cross-examination of an accused may taint a trial either by resulting in actual prejudice to an accused or by creating the appearance of unfairness.

[106] Je suis d'avis que c'est le cas en l'espèce et que le contre-interrogatoire de l'appelant a mis en cause l'équité du procès. Le juge ne pouvait demeurer passif. Dans R. v. Snow 2004 CanLII 34547 (ON C.A.), (2004), 190 C.C.C. (3d) 317 (C.A. Ont.), il est écrit :

[24] On the other hand, a trial judge is certainly entitled to control the proceedings and to intervene when counsel fail to follow the rules or abide by rulings. A trial judge is not a mere observer who must sit by passively allowing counsel to conduct the proceedings in any manner they choose. It is well recognized that a trial judge is entitled to manage the trial and control the procedure to ensure that the trial is effective, efficient and fair to both sides

lundi 24 mai 2010

Exposé de la Cour Suprême concernant le traitement d'une requête en séparation des chefs d'accusation

R. c. Last, 2009 CSC 45, [2009] 3 R.C.S. 146

[16] Selon le par. 591(3) du Code, l’ultime question à laquelle se trouve confronté le juge de première instance lorsqu’il s’agit de décider s’il y a lieu de donner suite à une demande de séparation de chefs d’accusation est celle de savoir si les intérêts de la justice exigent une telle séparation. Les intérêts de la justice englobent le droit de l’accusé d’être jugé en fonction de la preuve admissible contre lui, ainsi que l’intérêt de la société à ce que justice soit rendue d’une manière raisonnablement efficace, compte tenu des coûts. Le risque évident que comporte l’instruction des chefs d’accusation réunis est que la preuve admissible à l’égard d’un chef influencera le verdict sur un chef non lié.

[17] Les tribunaux ont concrétisé les critères généraux établis au par. 591(3) et ont dégagé des facteurs qui peuvent être appréciés quand il s’agit de décider de séparer ou non les chefs d’accusation. L’exercice d’appréciation permet d’établir un équilibre raisonnable entre le risque de préjudice pour l’accusé et l’intérêt de la société à ce qu’il y ait un seul procès. Il importe de rappeler que les intérêts de la justice exigent souvent la tenue d’une instruction conjointe. L’arrêt Litchfield, dans lequel le ministère public a été empêché de plaider la cause de façon appropriée en raison d’une ordonnance de séparation contraire aux normes judiciaires, est un exemple. La séparation peut nuire non seulement à l’efficacité, mais aussi à la fonction de recherche de la vérité du procès.

[18] Les facteurs relevés par les tribunaux ne sont pas exhaustifs. Ils aident seulement à dégager la façon dont les intérêts de la justice peuvent être servis dans un cas particulier et à éviter qu’une injustice soit commise. Les facteurs que les tribunaux utilisent à bon droit sont notamment les suivants : le préjudice causé à l’accusé, le lien juridique et factuel entre les chefs d’accusation, la complexité de la preuve, la question de savoir si l’accusé entend témoigner à l’égard d’un chef d’accusation, mais pas à l’égard d’un autre, la possibilité de verdicts incompatibles, le désir d’éviter multiplicité des instances, l’utilisation de la preuve de faits similaires au procès, la durée du procès compte tenu de la preuve à produire, le préjudice que l’accusé risque de subir quant au droit d’être jugé dans un délai raisonnable et l’existence de moyens de défense diamétralement opposés entre coaccusés

Analyse de ce que constitue la défense d'erreur de droit - le concept de l'erreur extra-pénale

R. c. Kairouz, 2010 QCCQ 2649 (CanLII)

[106] Rappelons, d'entrée de jeu, que la défense d'erreur de droit est en principe irrecevable en droit pénal canadien. Les professeurs Côté-Harper, Rainville et Turgeon expliquent pourquoi, aux pages 1071 et 1072 de leur ouvrage précédemment cité :

« L'erreur de droit ne peut en principe avoir aucune incidence sur la mens rea d'un individu. Cette règle se retrouve à l'article 19 du Code criminel, voulant que l'ignorance de la loi ne puisse constituer ni une excuse ni une justification pour la perpétration d'une infraction criminelle […]. »

[107] Cela dit, cette règle n'est pas absolue. Ainsi, dans Droit pénal, infractions, moyens de défense et peine (Collection de droit 2009-2010, École du Barreau et Les Éditions Yvon Blais Inc., Montréal, 2009), la juge Sophie Bourque, de la Cour supérieure, écrit-elle, aux pages 193 et 194 :

« Nul n'est censé ignorer la loi. L'article 19 C.cr. énonce que «l'ignorance de la loi chez une personne qui commet une infraction n'excuse pas la perpétration de l'infraction». L'erreur quant à la loi, même sincère et honnête, n'est pas une excuse. Cependant, cette interdiction n'est pas absolue. Il faut faire attention de ne pas qualifier d'erreur de droit ce qui ne l'est pas et ainsi priver un accusé d'un moyen de défense par ailleurs valable […].

[…]

Les enseignements de l'arrêt Docherty [1989 CanLII 45 (C.S.C.), [1989] 2 R.C.S. 941] sont cependant toujours d'actualité lorsque la mens rea de l'infraction implique un élément de connaissance de certains faits. […]

[…]

Par ailleurs, une erreur quant à une notion de droit privé ou de droit civil est généralement une défense opposable à une accusation. […] »

[108] Or, les professeurs Côté-Harper, Rainville et Turgeon expliquent, aux pages 1082 à 1084 de leur ouvrage précité, que la défense d'erreur de droit fondée sur la méprise à l'égard d'une règle de droit civil ou de droit de la famille doit être traitée à la lumière des règles applicables à la défense d'erreur de fait :

« L'erreur extra-pénale est l'erreur commise au sujet d'une règle empruntée à une branche autre que le droit pénal et qui prévoit une incrimination. Il arrive, en effet, qu'un texte à caractère pénal incorpore des normes ou des notions empruntées à une autre branche du droit. Dans la plupart des cas, il s'agit de notions provenant du droit civil comme les notions de propriété ou de mariage. […] En ce qui concerne la bigamie, il faut prouver l'existence d'un premier mariage valide. Les auteurs ont estimé qu'il serait abusif de ne pas accepter l'erreur commise par rapport à une telle norme ou notion. Étant donné la complexité du droit civil, le citoyen ne devrait pas subir les conséquences d'une condamnation criminelle dans un tel cas.

[…]

En outre, la discrimination entre la loi pénale et la loi civile est tout à fait arbitraire si, en refusant de prendre en considération l'erreur de droit, on sanctionne l'indifférence des justiciables.

Pour acquitter l'accusé, les tribunaux n'invoqueront pas l'erreur de droit et jugeront qu'il y avait absence de mens rea ou assimileront cette erreur à une erreur de fait. C'est ainsi que la Cour suprême du Canada a admis, dans un jugement majoritaire, qu'une erreur portant sur une norme extra-pénale incorporée dans un texte d'incrimination pourrait être acceptée en défense sous la forme d'une erreur de fait. […]

[…]

L'assimilation d'une erreur extra-pénale à une erreur de fait ne constitue pas une solution souhaitable. Qualifier les éléments normatifs incorporés dans les textes d'incrimination comme des faits ne servira qu'à compliquer davantage les choses. La question principale sera déplacée une fois de plus. Au lieu de se demander si l'erreur de droit a été excusable ou raisonnable, on cherchera à déterminer si l'erreur porte sur un autre domaine du droit que le droit pénal.

Il faut quand même admettre que, jusqu'au moment où l'erreur de droit sera reconnue comme défense par le législateur canadien, le concept de l'erreur extra-pénale constitue une alternative préférable à la stricte application de la règle «nul n'est censé ignorer la loi ». »

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Lorsqu’il s’agit d’un objet qui n’est pas spécifiquement conçu pour blesser (et dont la possession pourrait être bénigne), il doit y avoir une preuve d’intention malveillante de la part de l’accusé, associée à la possession

R. v. Constantine, 1996 CanLII 11099 (NL CA) Lien vers la décision [ 8 ]                             The more favoured approach in recent ye...