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jeudi 22 juillet 2010

L'article 9 de la Charte n'oblige pas les policiers à s'abstenir d'interagir avec les membres du public tant qu'ils n'ont pas de motifs précis permettant de rattacher une personne à la perpétration d'un crime

R. c. Dault / 2010 QCCA 986 / 500-10-004041-081 / Le 20 mai 2010

[32] Il est de jurisprudence bien établie que les policiers peuvent patrouiller pour assurer la paix et la sécurité, prévenir la commission d'infraction et venir en aide à un citoyen (R. c. Cotnoir, [2000] R.J.Q. 2488 (C.A.)). Il est aussi indéniable qu'en vertu de leurs pouvoirs généraux, les policiers peuvent interpeller des personnes et leur poser des questions dans le cadre d'une patrouille de routine. Comme l'écrivent la juge en chef du Canada et la juge Charron dans Grant, précité, au paragr. 38 :

L'article 9 de la Charte n'oblige pas les policiers à s'abstenir d'interagir avec les membres du public tant qu'ils n'ont pas de motifs précis permettant de rattacher une personne à la perpétration d'un crime.

[33] Bien entendu, les personnes interpellées n'ont aucune obligation de répondre et peuvent décider de s'en aller (Dedman c. R, [1985] 2 R.C.S. 2 ). Si rien n'oblige la personne interpellée à répondre, l'honnête citoyen préférera généralement collaborer plutôt que de continuer bêtement son chemin (Rice c. Connolly, [1966] 2 All ER 649, p. 652, arrêt cité avec approbation dans Grant, paragr. 37)).

[34] En l'espèce, les policiers n'avaient aucune infraction précise en tête et encore moins d'indices qu'un crime se préparait ou était en voie d'exécution. Ils voulaient tout simplement faire des vérifications à l'égard d'un véhicule immobilisé, qui avait attiré leur attention : le conducteur avait-il besoin d'aide? les passagers se livraient-ils à une activité illicite? le conducteur hésitait-il à mettre le véhicule en marche parce que ses facultés étaient affaiblies?

[35] Avec égards pour mes collègues et l'avocat de l'intimé, cela était tout à fait légal et soutenir le contraire revient à empêcher les policiers de faire leur travail de prévention et d'aide.

[36] Une fois légalement à proximité du véhicule de l'intimé, les policiers pouvaient en toute légalité faire des observations, visuelles et olfactives. Jusqu'à ce moment, aucune interception et encore moins détention n'a eu lieu. De même, il n'y a eu aucune fouille, perquisition ou saisie.

La différence entre les notions de crédibilité et de fiabilité

Sutton c. R. / 2010 QCCA 1356 / 200-10-002258-080 / 20 juillet 2010

[13] La juge de première instance a aussi pris le soin d’expliquer la différence entre les notions de crédibilité et de fiabilité en recourant à l'extrait suivant d’un texte dans lequel mon collègue le juge Doyon écrit :

La crédibilité se réfère à la personne et à ses caractéristiques, par exemple son honnêteté, qui peuvent se manifester dans son comportement. L'on parlera donc de la crédibilité du témoin.

La fiabilité se réfère plutôt à la valeur du récit relaté par le témoin. L'on parlera de la fiabilité de son témoignage, autrement dit d'un témoignage digne de confiance.

Ainsi, il est bien connu que le témoin crédible peut honnêtement croire que sa version des faits est véridique, alors qu'il n'en est rien et ce, tout simplement parce qu'il se trompe; la crédibilité du témoin ne rend donc pas nécessairement son récit fiable

mercredi 21 juillet 2010

Les éléments constitutifs de l’infraction d'appels téléphoniques harassants créée par l’article 372 (3)

R. c. Gamache, 2004 CanLII 56849 (QC C.Q.)

[30] Le Tribunal a pris connaissance d’une décision de la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick, qui a interprété l’article 372 (3) du Code criminel dans l’affaire Regina c. Sabine.

[32] À la page 211, le juge Stevenson fournit les éléments de l’infraction créée par l’article 372 (3) :

«a) The elements of the offence are : (a) the making of repeated telephone calls to a person, (b) absence of lawful excuse, and (c) an intent to harass.»

[33] Le terme anglais «harass» correspond en français à «harasser».

[34] Le juge Stevenson fournit la définition du terme «harass» et statut que son synonyme est «annoy», et je cite :

«Despite the use of different words in s-ss. (2) and (3) of s. 372 of the Criminal Code, it is my view that the word «harass» in s-s. (3) is synonymous with «annoy».

The respondent’s explanation to the police was not plausible. When one telephones for a particular person and someone else answers, the caller normally inquires for the person he wants to speak to or asks to leave a message. The repeated calls here give rise to an inference that the respondent intented to harass whoever was on duty at the security office.»

[35] Si on traduit en langue française, le mot «annoy» signifie:

Annoy : ennuyer (person), embêter : (stronger), agacer, énerver ; (by going against somebody’s wishes etc) contrarier.»

mardi 20 juillet 2010

Les facteurs d’analyse concernant le par. 24(2) de la Charte n’ont pas changé depuis l'arrêt Grant

R. c. Beaulieu, 2010 CSC 7

[7] Premièrement, comme la Cour l’a fait observer dans Grant, les facteurs d’analyse n’ont pas changé : « [b]ien qu’elles ne recoupent pas exactement les catégories élaborées dans Collins, ces questions visent les facteurs pertinents pour trancher une demande fondée sur le par. 24(2), tels qu’ils ont été formulés dans Collins et dans la jurisprudence subséquente » (par. 71, citant R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 256).

samedi 17 juillet 2010

Comment traiter le fait qu'un accusé doive, dans certaines circonstances, fournir deux échantillons d'haleine dans 2 alcooltest différents

R. c. Martin, 2000 CanLII 9414 (QC C.A.)

Considérant que la prétention de l'appelant consiste essentiellement à soutenir que dès lors que les analyses des échantillons prévues à la loi n'ont pas été faites sur le même alcootest, en bon état de fonctionnement, mais comme ici sur deux appareils, les résultats obtenus n'ont pas été recueillis conformément à la Loi;

Considérant que le juge de la Cour supérieure a conclu à cet égard que :

« Il ressort clairement que l'intimé ne peut se plaindre qu'on l'a privé d'un droit. Si le législateur a voulu que l'accusé soit soumis à deux tests d'ivressomètre c'est avant tout pour éviter que ne se produise une erreur. Le fait que les deux test soient passés avec des appareils différents, non seulement ne nuit pas aux garanties données à l'accusé, mais pourrait même accorder une protection additionnelle à l'accusé, deux appareils différents confirmant le même résultat. »

Considérant que le juge de la Cour supérieure a répondu à la question qui lui était soumise en interprétant correctement un texte clair et que cette interprétation ne mérite pas d'être questionnée devant cette Cour.

La légalité d'une intervention peut s'apprécier en fonction de trois grandes catégories de motifs

R. c. Legault, 1998 IIJCan 9510 (QC C.S.)

8 C'est dans cette optique que le qualificatif «arbitraire» utilisé à l'article 9 prend tout son sens. En effet tous reconnaissent que la Charte ne confère pas une immunité complète contre les arrestations ou la détention; elle assure plutôt qu'une personne ne sera pas importunée par les policiers sans raison valable. Afin d'appliquer ce critère, il faut analyser le fondement de l'intervention des policiers et se demander si, dans les circonstances, leur gestes étaient justifiés. À cette étape, il n'est pas tenu compte des résultats obtenus par les agents car les tribunaux ont refusé d'endosser une conduite sur cette seule base: une enquête ne devient pas légale parce que fructueuse.

9 Si ces principes semblent clairs, leur application constitue une source de tracas. C'est pourquoi il est nécessaire de recourir à la jurisprudence, où l'on dénombre une multitude de causes traitant du sujet. Toutes ces affaires examinent la légalité d'une intervention en fonction de trois grandes catégories de motifs. Ainsi, les policiers agissent:

1) en vertu d'une loi qui leur accorde le pouvoir d'intervenir pour lutter contre le crime commis par la personne interpeltée;

2) pour des motifs obliques, par intuition, ou pour des raisons ne justifiant pas, en elles-mêmes, une intervention;

3) pour des motifs valables autre que la prévention du crime observé au moment de l'intervention.

mercredi 14 juillet 2010

Les principes applicables pour déterminer ce qu’est une infraction moindre et incluse en vertu du Code criminel

R. c. G.R., 2005 CSC 45, [2005] 2 R.C.S. 371

11 Une fonction importante d’un acte d’accusation est de notifier formellement à l’accusé le risque qu’il court sur le plan juridique. Il est, bien sûr, tout aussi important que, lorsque le ministère public est en mesure d’établir l’existence d’une partie seulement des faits décrits dans l’acte d’accusation ou énoncés dans la définition légale de l’infraction et qu’une telle preuve partielle établit l’existence des éléments constitutifs d’une infraction moindre et incluse, il y ait non pas acquittement mais plutôt déclaration de culpabilité à l’égard de l’infraction incluse. Comme l’a écrit le professeur Glanville Williams, [traduction] « une infraction incluse est une infraction constituée de fragments de l’infraction reprochée » (« Included Offences » (1991), 55 J. Crim. L. 234, p. 234). Tout autre résultat engendrerait un gaspillage des ressources consacrées au procès.

25 Une infraction est « incluse » si ses éléments constitutifs sont compris dans l’infraction imputée (telle qu’elle est décrite dans la disposition qui la crée ou telle qu’elle est portée dans le chef d’accusation) ou si le Code criminel la qualifie expressément d’infraction comprise ou incluse. Le critère est strict : l’infraction doit « nécessairement » être comprise, comme l’affirmait le juge Martland dans l’arrêt Lafrance c. La Reine, 1973 CanLII 35 (C.S.C.), [1975] 2 R.C.S. 201, p. 214 :

. . . l’infraction créée par l’art. 281 [balade dans une voiture volée] n’est pas nécessairement comprise dans l’infraction de vol [. . .] et n’est pas comprise dans le chef d’accusation porté en la présente espèce.

Ce qui n’est pas « nécessairement compris » est exclu. Voir également Fergusson c. The Queen, 1961 CanLII 97 (S.C.C.), [1962] R.C.S. 229, p. 233; Barton c. The King, 1928 CanLII 17 (S.C.C.), [1929] R.C.S. 42, p. 46‑48.

26 L’interprétation stricte de l’art. 662 est liée à l’exigence de notification raisonnable du risque couru sur le plan juridique, comme le juge Sheppard l’a souligné dans l’arrêt R. c. Manuel (1960), 128 C.C.C. 383 (C.A.C.‑B.) :

[traduction] De plus, pour constituer une infraction incluse, l’inclusion doit être une composante si claire et essentielle de l’infraction imputée que l’accusé qui lit le chef d’accusation sera, dans tous les cas, raisonnablement informé qu’il devra se défendre non seulement contre l’infraction reprochée, mais également contre les infractions précises qui seront incluses. Une telle inclusion claire doit ressortir de la « disposition qui [. . .] crée » l’infraction ou de l’infraction « portée dans le chef d’accusation »; [le par. 662(1)] permet de tenir compte de l’une ou l’autre de ces situations, mais non de l’exposé initial de l’avocat ni de la preuve. [Je souligne; p. 385.]

27 Le juge Martin de la Cour d’appel de l’Ontario a également insisté sur l’importance d’expliquer clairement à l’accusé l’ampleur exacte du risque qu’il court sur le plan juridique :

[traduction] L’infraction imputée, telle qu’elle est décrite dans la disposition qui la crée ou telle qu’elle est portée dans le chef d’accusation, doit contenir les éléments essentiels de l’infraction qualifiée d’incluse. . .

. . . l’infraction imputée, telle qu’elle est décrite dans la disposition qui la crée ou telle qu’elle est portée dans le chef d’accusation, doit être suffisante pour informer l’accusé des infractions incluses contre lesquelles il devra se défendre.

28 Les principes énoncés par le juge Martin dans les motifs de jugement encyclopédiques qu’il a rédigés dans l’affaire Simpson (No. 2) ont, depuis lors, été adoptés et appliqués partout au Canada, y compris par la Cour d’appel du Québec dans les arrêts R. c. Drolet (références omises)

29 En common law, lorsqu’une infraction comportait plusieurs éléments constitutifs (« infraction divisible »), le jury pouvait déclarer une personne coupable de toute infraction [traduction] « dont les éléments constitutifs étaient compris dans l’infraction imputée, sous réserve de la règle selon laquelle le jury ne pouvait pas prononcer une déclaration de culpabilité d’infraction mineure lorsque l’acte d’accusation imputait un crime grave » (Simpson (No. 2), p. 132). La loi écrite traite maintenant de cette question et l’art. 662 autorise les déclarations de culpabilité d’infractions « incluses » dans le cas seulement de trois catégories d’infractions :

a) les infractions incluses par la loi comme, par exemple, celles qui sont mentionnées aux par. 662(2) à (6), et les tentatives de commettre une infraction, dont fait état l’art. 660;

b) les infractions incluses dans la loi qui crée l’infraction imputée comme, par exemple, les voies de fait simples dans une accusation d’agression sexuelle;

c) les infractions qui deviennent incluses par l’ajout de mots appropriés dans la description de l’accusation principale.

Aucune de ces catégories ne mentionne le « caractère suffisant » des détails factuels de l’affaire à l’origine de l’accusation. Il s’agit là d’un sujet totalement différent dont traite l’art. 581 du Code.

30 En ce qui concerne la nécessité d’une notification raisonnable, les infractions « incluses » relevant de la première catégorie peuvent être dégagées du Code criminel lui‑même; voir, par exemple, R. c. Wilmot, [1940] R.C.S. 53. Les cas relevant de la deuxième catégorie satisfont aussi au critère de notification raisonnable parce qu’[traduction] « un acte d’accusation imputant une infraction impute également toutes les infractions qui, en droit, sont nécessairement commises lorsqu’est commise l’infraction principale, telle qu’elle est décrite dans la loi qui la crée » (références omises)

31 En ce qui a trait à la deuxième catégorie, on peut dire que [traduction] « [s]i l’infraction imputée peut être commise intégralement sans que soit commise une autre infraction, cette autre infraction n’est pas incluse » (P. J. Gloin, « Included Offences » (1961‑62), 4 Crim. L.Q. 160, p. 160 (je souligne)). La Cour d’appel du Manitoba a souscrit à cette proposition dans l’arrêt R. c. Carey (1972), 10 C.C.C. (2d) 330, p. 334, le juge en chef Freedman, comme l’ont fait la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Simpson (No. 2), p. 139, le juge Martin, et la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Colburne, p. 1206, où le juge Proulx a ajouté ce qui suit :

J’ajouterai, pour ma part, que sera incluse l’infraction dont les éléments essentiels sont partie de l’infraction imputée. [En italique dans l’original.]

Il est évident qu’il est possible de commettre l’infraction d’inceste sans se livrer à une agression sexuelle ou à des contacts sexuels.

32 C’est la troisième catégorie de cas qui est la plus susceptible de causer des difficultés. Elle exige que les mots descriptifs de faits dans le chef d’accusation lui‑même informent l’accusé que, s’ils sont prouvés, ces faits pris avec les éléments de l’accusation révéleront la perpétration d’une infraction « incluse » (Allard). Par exemple, dans l’affaire Tousignant c. The Queen (1960), 33 C.R. 234 (B.R. Qué. (juridiction d’appel)), l’acte d’accusation reprochait à l’accusé d’avoir tenté de tuer la victime « en l[a] frappant sur la tête à l’aide d’un objet contondant » (p. 235 (je souligne)). Les mots soulignés n’étaient pas essentiels à l’accusation de tentative de meurtre, mais leur inclusion a, de toute façon, permis de prononcer une déclaration de culpabilité à l’égard de l’infraction moindre et (ainsi) incluse consistant à causer des lésions corporelles dans l’intention de blesser ou à commettre des voies de fait : voir Simpson (No. 2), p. 139. De même, dans l’arrêt R. c. Kay, [1958] O.J. No. 467 (QL) (C.A.), l’acte d’accusation faisait état d’un homicide involontaire coupable [traduction] « résultant d’un coup ou de coups ». L’ajout de ces mots descriptifs dans l’acte d’accusation faisait état de l’allégation de voies de fait, et la déclaration de culpabilité de l’accusé relativement à l’infraction incluse de voies de fait causant des lésions corporelles a été maintenue en appel.

33 Les mots ajoutés doivent, bien sûr, avoir trait à l’infraction imputée. Comme l’a écrit le juge Evans, dans l’arrêt Harmer and Miller :

[traduction] . . . l’accusation doit être libellée de façon à notifier raisonnablement à l’accusé l’infraction ou les infractions que comprendrait l’infraction principale qui lui est reprochée. De plus, l’infraction doit être incluse à juste titre dans le chef d’accusation. [p. 19]

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Les déclarations d'un accusé à son complice ne sont pas du ouï-dire

R v Ballantyne, 2015 SKCA 107 Lien vers la décision [ 58 ]             At trial, Crown counsel attempted to tender evidence of a statement m...