vendredi 13 février 2009

Droit d'être informé dans les plus brefs délais des motifs de son arrestation - Changement dans le but de l'interrogatoire mené par les enquêteurs

R. c. Evans, [1991] 1 R.C.S. 869

Résumé des faits
L'appelant Evans, un jeune déficient mental léger, a été déclaré coupable de meurtre au premier degré pour l'assassinat brutal de deux femmes. Au début, les policiers, croyant que son frère avait commis les meurtres, ont arrêté l'appelant sur une inculpation relative à de la marijuana dans l'espoir qu'il leur fournirait des éléments de preuve contre son frère. Les policiers ont informé Evans de son droit à l'assistance d'un avocat, mais quand on lui a demandé s'il comprenait son droit, il a répondu que non. Pendant l'interrogatoire qui a suivi, Evans est devenu le suspect principal des deux meurtres.

Analyse
Le droit d'être informé dans les plus brefs délais des motifs de son arrestation énoncé à l'al. 10a) de la Charte découle fondamentalement de la notion que personne n'est tenu de se soumettre à une arrestation dont il ne connaît pas le motif

Une personne ne peut valablement exercer le droit que lui garantit l'al. 10b) que si elle connaît l'ampleur du risque qu'elle court

Au moment de déterminer s'il y a eu violation de l'al. 10a) de la Charte, c'est la substance de qu'on peut raisonnablement supposer que l'appelant a compris qui est déterminante plutôt que le formalisme des mots exacts utilisés. Ce qui a été dit à l'accusé, considéré raisonnablement en fonction de toutes les circonstances de l'affaire doit être suffisant pour lui permettre de prendre une décision raisonnée de refuser de se soumettre à l'arrestation ou, subsidiairement, pour porter atteinte à son droit à l'assistance d'un avocat prévu à l'art. 10b).

Une personne qui ne comprend pas son droit n'est pas en mesure de l'exercer. L'objet de l'al. 10b) est d'exiger des policiers qu'ils fassent connaître à la personne détenue son droit à l'assistance d'un avocat.

Dans la plupart des cas, il est possible de conclure, d'après les circonstances, que l'accusé comprend ce qui lui est dit. Mais lorsque, comme en l'espèce, il y a des signes concrets que l'accusé ne comprend pas son droit à l'assistance d'un avocat, les policiers ne peuvent se contenter de la récitation rituelle de la mise en garde relative à ce droit de l'accusé; ils doivent prendre des mesures pour faciliter cette compréhension.

Les policiers ont le devoir d'informer à nouveau l'accusé de son droit à l'assistance d'un avocat quand un changement de circonstances fait que l'accusé est soupçonné d'une infraction différente et plus grave que celle dont il était soupçonné au moment de la première mise en garde. La décision de l'accusé d'exercer ou non son droit à l'assistance d'un avocat peut bien dépendre de la gravité de l'inculpation à laquelle il est exposé. Les nouvelles circonstances peuvent exiger de l'accusé qu'il reconsidère la renonciation première à l'assistance d'un avocat. Dans le cours d'une enquête exploratoire, les policiers ne sont toutefois pas tenus de renouveler la mise en garde au sujet de droit à l'assistance d'un avocat chaque fois que l'infraction visée par l'enquête change.

Bien qu'ils aient connu l'état de déficience mentale de l'accusé et malgré la déclaration qu'il leur a faite qu'il ne comprenait pas son droit à l'assistance d'un avocat, les policiers ont continué de le soumettre à plusieurs interrogatoires et à d'autres formes d'enquête. En plus, ils lui ont menti en lui laissant entendre que ses empreintes digitales avaient été trouvées. Les pressions que subissaient les policiers de trouver un suspect ne les autorisaient pas à mener des interrogatoires malhonnêtes et répétés contre une personne vulnérable, en violation des droits que lui garantissait la Charte. La gravité de la violation de la Charte n'est pas atténuée par ce que l'appelant savait de ses droits. Cette compréhension se limitait à des connaissances confuses apprises à la télévision américaine. De plus, l'appelant avait d'abord affirmé aux policiers qu'il ne comprenait pas ce que son droit signifiait.

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