jeudi 27 janvier 2011

Les éléments constitutifs de l'infraction d’intimidation d’une personne associée au système judiciaire

R. c. Murat, 2010 QCCQ 2552 (CanLII)

[10] Comme je l’ai déjà mentionné, je n’hésite pas à dire que la conduite et les propos de l’accusé étaient mal avisés sinon bêtes. Mais, et voici ma deuxièmement conclusion, ses gestes et ses paroles ne peuvent pas constituer l’infraction reprochée en l’absence de la double intention édictée à l’article 423.1 – à savoir (1) l’intention de provoquer la peur (2) en vue de nuire une personne associée au système judiciaire dans l’exercice de ses attributions. La preuve devant la cour, même le témoignage du plaignant, est loin d’une preuve de ces deux éléments hors de tout doute raisonnable. Selon le plaignant, l’accusé aurait prononcé les paroles les plus agressives au moment où il commençait à reculer et là il y a au moins un doute raisonnable quant à son intention de provoquer la peur ou de nuire un policier dans l’exercice de ses attributions.

[11] La Cour d’appel a souligné que ces deux éléments à l’article 423.1 exigent, non seulement une fois, mais deux fois, la preuve d’une intention spécifique. En l’espèce, même le témoignage du plaignant soulève des doutes importants quant à ces deux éléments. De plus, les gestes et les paroles de l’accusé, quoique mal avisés, ne rencontrent pas les critères énoncés par la Cour suprême en ce qui concerne une conduite menaçante.

[12] Même si je n’avais aucun doute que l’accusé ait prononcé les paroles relatées par l’agent JJ-B, je ne suis pas convaincu qu’une telle preuve pourrait établir en droit, et hors de tout doute raisonnable, les éléments de l’infraction reprochée contre l’accusé. La poursuite doit prouver un acte visé au paragraphe (2) de l’article 423.1. La dénonciation en l’espèce reproche que l’accusé aurait fait usage de violence contre l’agent JJ-B. La «violence» dans ce contexte n’est pas définie par le législateur, mais à mon avis ce terme signale la violence physique contre une personne, et plus particulièrement la violence causant la mort ou des lésions corporelles. Cette idée est renforcée par la référence à la destruction ou le dédommagement des biens dans le même paragraphe. Cette hypothèse est renforcée à l’alinéa b) de ce même paragraphe par l’inclusion des menaces de faire usage de violence. Même si les propos relatés par l’agent JJ-B sont susceptibles d’être interprétés comme une menace, la preuve n’exclut pas tout doute raisonnable sur cette question.

[13] D’autant plus, le paragraphe (1) de l’article 423.1 impose à la poursuite le fardeau de prouver que l’accusé avait la double intention de provoquer la peur en vue de nuire l’agent JJ-B dans l’exercice de ses attributions. Dans ce contexte, l’intention signale que l’objectif tel que décrit par le législateur est le but exprès ou le désir de l’accusé en prononçant les propos qu’on lui reproche.

[14] L’article 423.1 fut introduit dans le Code dernièrement mais le libellé suit en partie celui de l’article 423. Il est à noter qu’au paragraphe (1) de ce dernier le législateur utilise les mots «dans le dessein de … », tandis qu’au paragraphe (1) de l’article 423.1 il dit «dans l’intention de … ». En droit criminel le concept d’intention est flexible et le sens précis peut varier selon le contexte. Compte tenu des similarités entre les deux articles, et compte de la double intention édictée à l’article 423.1, je suis d’avis que la poursuite est tenue de prouver que l’intention immédiate et directe de l’accusé est de faire peur à l’autre par une menace de violence physique envers le constable et de ce faire dans le but exprès de frustrer l’accomplissement de ses devoirs policiers.

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