dimanche 22 mai 2011

Revue de l'état du droit au sujet de la garde et contrôle par le juge Vauclair

Ugur c. R., 2011 QCCS 2420 (CanLII)

[16] Dans l'arrêt R. c. Ford 1982 CanLII 16 (CSC), [1982] 1 R.C.S. 231, la Cour a conclu que si la preuve de la poursuite repose uniquement sur la présomption et que celle-ci est réfutée, l'accusé doit être acquitté. Le juge Ritchie a écrit, à la page 247 (je souligne):

I have also had the benefit of reading the reasons for judgment delivered by Jessup J.A. on behalf of the Ontario Court of Appeal in R. v. McPhee; R v. Mullen (1975), 30 C.R.N.S. 4 and I note his conclusion that:

... if the only proof offered by the Crown of care or control is that the accused occupied the seat ordinarily occupied by the driver of a motor vehicle and the accused establishes that he did not enter or mount the vehicle for the purpose of setting it in motion, the accused must be acquitted.

With all respect this amounts to nothing more than saying that where the Crown is relying exclusively on the presumption and the presumption is rebutted, there is then no evidence left for the prosecution and the accused must be acquitted. There can in my view be no denying the force of this reasoning.

[17] Il faut donc conclure qu'une fois la présomption écartée, l'unique preuve d'occuper le siège du conducteur sans autres actes de garde ou de contrôle entraîne l'acquittement. Il n'est pas question de s'interroger, à ce moment, sur des risques hypothétiques de mise en mouvement. C'est d'ailleurs le sens du raisonnement de la Cour dans l'arrêt R. c. Toews, 1985 CanLII 46 (CSC), [1985] 2 R.C.S. 119 et j'y reviendrai.

[18] Par contre, toujours dans l'arrêt R. c. Ford, précité, aux pages 246-247, la Cour a précisé que l'absence d'intention de mettre le véhicule en mouvement n'est pas un élément de l'infraction de garde ou de contrôle. Elle a ajouté que l'acquittement ne suit donc automatiquement pas la réfutation de la présomption si la poursuite peut démontrer par d'autres preuves des actes de garde ou contrôle: R. c. Ford, précité, page 248.

[19] En fait, la garde ou le contrôle peut être prouvé indépendamment de l'intention de mettre le véhicule en mouvement. La Cour suprême, à la page 249, a conclu que même en l'absence de cette intention, il y a garde ou contrôle :

Care or control may be exercised without such intent where an accused performs some act or series of acts involving the use of the car, its fittings or equipment, such as occurred in this case, whereby the vehicle may unintentionally be set in motion creating the danger the section is designed to prevent.

[20] La présomption, et c'est son rôle, entre en jeu si la place occupée est celle du conducteur. À défaut pour l'accusé de la réfuter, il sera déclaré coupable même si la preuve ne révèle aucun acte de garde ou de contrôle: R. c. Whyte, 1988 CanLII 47 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 3, p. 18. Mais sans cette présomption, la simple présence dans un véhicule ne permet pas de conclure à une garde ou contrôle.

[21] C'est d'ailleurs ce qu'a observé le juge Lamer dans l'arrêt R. c. Penno 1990 CanLII 88 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 865, alors que la Cour était saisie d'une tout autre question, lorsqu'il écrit, à la page 877, que : " la loi ne manque pas totalement de souplesse et ne va pas jusqu'à punir la simple présence dans un véhicule à moteur d'une personne dont la capacité de conduire est affaiblie. " Notre Cour d'appel a rappelé que cette dernière situation, alors qu'il y avait pourtant d'autres actes de garde ou contrôle, n'entraîne pas nécessairement une condamnation, même si généralement, ce sera le cas: R. c. Olivier, 1998 CanLII 12928 (QC CA), 1998 CanLII 12928 (C.A.Q.).

[22] Tout doute à cet égard avait été dissipé dans l'arrêt R. c. Toews, précité, où la Cour était saisie de la question spécifique des éléments constitutifs de l'infraction et plus particulièrement de l'intention. Comme elle l'avait fait dans l'arrêt R. c. Ford, elle a rejeté l'argument voulant que l'intention de mettre le véhicule en mouvement soit un élément de l'infraction de garde ou de contrôle: R. c. Toews, précité, p. 123.

[23] Arrêtons ici un instant pour rappeler que les policiers avaient trouvé Toews endormi et couché sur le siège avant de son camion et qu'il avait la tête près de la portière du côté du passager, enveloppé jusqu'à la ceinture dans un sac de couchage étendu jusque sous le volant. La clé de contact était dans le démarreur, la radio jouait, mais le moteur et les phares étaient éteints. La Cour a conclu que la présomption n'entrait pas en jeu. Toews avait affirmé qu'un ami l'y avait reconduit et qu'il s'est endormi tout en attendant son retour. Il a témoigné que son intention n'était pas de conduire lorsqu'il est monté dans le camion. Le premier juge l'a trouvé coupable parce que Toews aurait pu changer d'idée et conduire: voir R. c. Toews, précité, p. 121.

[24] Le juge McIntyre, pour la Cour, a donc confirmé l'arrêt R. c. Ford, précité, concernant l'élément de l'intention de conduire pour ajouter que cette intention était néanmoins pertinente pour trancher celle de la garde ou contrôle. Dans l'arrêt R. c. Toews, précité, il a écrit, à la page 123 (je souligne):

I am of the view that the intention of an accused charged under s. 234(1) is relevant in so far as it may contribute to the presence of the required mens rea for the offence or tend to exclude it..

[25] Le juge McIntyre a ensuite déterminé les éléments constitutifs de l'infraction, à la page 124, à savoir que «…the mens rea for having care or control of a motor vehicle is the intent to assume care or control after the voluntary consumption of alcohol or a drug. The actus reus is the act of assumption of care or control when the voluntary consumption of alcohol or a drug has impaired the ability to drive.»

[26] Cela dit, le juge McIntyre a alors posé la question précise de savoir ce qu'est la garde ou le contrôle d'un véhicule lorsqu'on ne le conduit pas. Il a admis d'emblée l'impossibilité d'en faire une nomenclature exhaustive et il a conclu, à la page 125:

The cases cited, however, illustrate the point and lead to the conclusion that acts of care or control, short of driving, are acts which involve some use of the car or its fittings and equipment, or some course of conduct associated with the vehicle which would involve a risk of putting the vehicle in motion so that it could become dangerous. Each case will depend on its own facts and the circumstances in which acts of care or control may be found will vary widely.

[27] Ainsi, il faut que l'accusé pose des actes de garde ou contrôle et que ces actes comportent le risque de le mettre en mouvement. Il doit exister un lien entre les deux suffisamment soutenu par la preuve. D'ailleurs, dans l'arrêt R. c. Toews, précité, la Cour a conclu que rien dans la preuve ne démontrait des actes de cette nature et conséquemment, l'actus reus n'avait pas été démontré. Ce faisant, la Cour a rejeté le raisonnement et la conclusion du premier juge dans cette affaire qui avait conclu que l'accusé Toews aurait pu changer d'idée et conduire.

[28] Ces règles sont bien connues et elles sont d'application constante, dont notamment : (références omises)

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