vendredi 30 mars 2012

Les éléments constitutifs de l'infraction d'enlèvement en contravention avec une ordonnance de garde

Bédard c. R., 2010 QCCA 527 (CanLII)

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[122] L'article 282(1) est de droit relativement nouveau et est rédigé ainsi :

(...)

Il s'agit, à sa face même, de ce qu'il est convenu d'appeler un crime d'intention spécifique. C'est-à-dire qu'il ne suffit pas de prouver hors de tout doute raisonnable le fait ou le geste de l'enlèvement, et la mens rea ou intention reliée à la commission de ce geste, mais de prouver en plus, hors de tout doute raisonnable, que le geste est posé avec l'intention spécifique de priver les personnes mentionnées de la possession de l'enfant. Cette disposition du Code criminel vise exclusivement l'enlèvement commis par une personne qui a la garde ou la charge légale de l'enfant, dans le cadre d'une ordonnance judiciaire.

[123] Il ne s'applique que dans la seule mesure où l'enlèvement (entraînement, retenue, réception, cachette ou hébergement) contrevient aux dispositions d'une ordonnance de garde rendue par un tribunal canadien.

[124] Je retiens donc du texte même de l'infraction décrite à l'article 282(1) qu'en l'espèce la poursuite avait le fardeau de prouver, hors de tout doute raisonnable, 1) le fait de l'enlèvement et de l'intention criminelle afférente à ce geste; 2) que ce geste contrevenait à l'ordonnance rendue par la Cour supérieure quant à la garde de l'enfant; et 3) une intention spécifique de priver le père de la possession de son enfant. Chacun des éléments est essentiel à la commission de l'infraction et chacun doit être établi de façon distincte.

mardi 27 mars 2012

La définition de lieu public relativement à une infraction de conduite d'un véhicule à moteur

R. c. Pelletier, 2012 QCCQ 1780 (CanLII)

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[16] L'article 259 (1) C.cr. énonce que le tribunal qui déclare un contrevenant coupable d'une infraction aux articles 253, 254 ou 259 doit lui interdire de conduire un véhicule à moteur « dans une rue, sur un chemin ou une grande route ou dans tout autre lieu public ».

[17] Avant 2006, le législateur utilisait plutôt la formule « […] dans une rue, sur un chemin public, une grande route ou dans un autre endroit public […] ».

[18] Conséquemment, cette interdiction de conduire ne s'applique pas en tous lieux puisqu'elle n'inclut pas les lieux strictement privés.

[19] Lorsque le législateur a criminalisé les courses de rues, il a défini cette notion comme « une épreuve de vitesse entre les véhicules à moteur dans une rue, un chemin ou une grande route ou tout autre lieu public
».

[20] Par la même occasion, il a modifié la version française de l'article 259 C.cr. alors que la version anglaise est demeurée la même (public place).

[21] La définition des termes « lieu public » ou « endroit public » ne se retrouve ni à l'article 2 ni à la partie VIII du Code criminel. Toutefois, d'autres dispositions définissent ces notions.

[22] Dans chacune d'elles, le législateur réfère à un endroit accessible au public.

[23] En vertu de la règle d'interprétation « ejusdem generis », certains juges estiment que le terme « lieu public » doit être interprété à la lumière des mots qui le précèdent alors que d'autres sont d'avis contraire.

[24] Ainsi, monsieur le Juge Morand explique qu'il n'y a pas lieu d'appliquer cette règle lorsque le texte de loi est clair. Sur le sujet, il écrit:

« [14] Le tribunal estime, en l'espèce, que la formulation du paragraphe 259 (1) du Code est limpide et que les mots «un autre endroit public» doivent donc être interprétés selon leur sens commun. Si le législateur avait voulu limiter cette expression à «d'autres voies de circulation publique seulement», comme le propose la défense, il l'aurait exprimé aussi simplement avec des termes précis.

[15] L'expression «endroit public» signifie, au sens courant, un lieu ou une place auquel le public a accès de droit, sur invitation expresse ou implicite. L'obligation de payer un tarif d'entrée ne change pas la nature publique d'un lieu.

[16] Il me paraît que le législateur a voulu, au paragraphe 259 (1) du Code, prévoir et indiquer les endroits où l'on circule avec des véhicules à moteur, qui ne sont pas une rue, un chemin ou une grande route.»

[25] À travers le Canada, plusieurs tribunaux ont abordé cette question. À titre d'exemples, il a été décidé qu'un terrain de camping, une route située sur une réserve amérindienne et une aire de travail sur une route fermée ne sont pas soit un lieu ou un endroit public alors qu'au contraire, la toundra, un tarmac, une emprise ferroviaire, un sentier de motoneige fédéré, un lac gelé ou non et un site où se déroule une compétition de motoneiges répondent à la définition de l'un de ces termes.

[26] L'accusé soumet que lors de ce spectacle, il n'a circulé avec son véhicule à moteur que dans la zone réservée aux participants dûment inscrits et que ces endroits sont des lieux privés et non publics.

[27] Ces arguments ne résistent toutefois pas à l'analyse de l'ensemble de la preuve.

jeudi 22 mars 2012

L'analyse et l'application du critère de fiabilité relativement à la notion de ouï-dire

R. c. Moussali, 2012 QCCS 849 (CanLII)

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[22] Une déclaration extrajudiciaire constitue du ouï-dire si elle est présentée pour établir la véracité de son contenu et s’il y a impossibilité de contre-interroger le déclarant au moment précis où il fait cette déclaration. Or, une preuve par ouï-dire est présumée inadmissible. Effectivement, la règle du ouï-dire est par nature une règle d’exclusion générale. Il y a toutefois certaines exceptions traditionnelles de common law à cette règle.

[23] Par ailleurs, c'est dans l'arrêt Khan que la Cour suprême a adopté une exception de principe à la règle interdisant la preuve par ouï-dire. Est donc admissible une telle preuve lorsque sa production est nécessaire et qu’elle est fiable. Ainsi, avant d’admettre une déclaration relatée en vertu de l’exception raisonnée à la règle du ouï-dire, le juge du procès doit tenir un voir-dire dans lequel il doit décider si les critères de nécessité et de fiabilité ont été établis. La partie qui cherche à présenter cette preuve doit établir ces critères selon la prépondérance des probabilités.

[24] Dans le présent cas, la juge d'instance a conclu que le critère de nécessité avait été démontré. Il restait donc le débat sur le critère de fiabilité à faire. En effet, une preuve par ouï-dire ne sera pas déclarée admissible si l’on ne peut pas vérifier sa fiabilité. Cela étant et comme la juge l'affirme " il s’ensuit que, selon la méthode d’analyse raisonnée, l’exigence de fiabilité vise à déterminer les cas où cette difficulté est suffisamment surmontée pour justifier l’admission de la preuve à titre d’exception à la règle d’exclusion générale."

[25] En ce qui concerne la fiabilité, il y a deux manières de satisfaire l'exigence de ce critère. Les auteurs Béliveau et Vauclair mentionnent à ce sujet que:

" on peut envisager la fiabilité de deux manières distinctes, de façon intrinsèque ou extrinsèque. La fiabilité intrinsèque, que la Cour suprême a désignée comme offrant des garanties circonstancielles, est celle qui découle des circonstances de l’espèce. Dans un tel cas, " il n’y a pas de préoccupation réelle quant au caractère véridique ou non de la déclaration, vu les circonstances dans lesquelles elle a été faite ". La fiabilité extrinsèque est celle qui découle des garanties procédurales attachées à la prise de la déclaration. Dans un tel cas, " le seuil de fiabilité repose essentiellement sur l’existence de substituts adéquats aux garanties traditionnelles invoquées pour vérifier la preuve".

[27] Pour déterminer si cette preuve rencontre le critère de fiabilité ou si elle offre suffisamment de garanties circonstancielles de fiabilité, il faut analyser, selon la jurisprudence, les circonstances dans lesquelles les notes ont été écrites.

[28] Or, bien que ces notes aient été rédigées par un agent dans la paix, dans l’exercice de ses fonctions, en utilisant une méthode de rédaction télégraphique, et qu’il ne possédait aucune raison de mentir lorsqu’il a mis sur papier ses observations, cette preuve ne comporte pas suffisamment d’indices de fiabilité et ne peut donc, ni être déposée par l’agent Davidson ni être corroborée par ce dernier.

[29] En effet, l’agent Davidson n’était pas dans le même véhicule que l’agent Graveley lorsque celui-ci écrivait ses notes et, ne pourrait donc pas fournir les explications nécessaires. Davidson n’étant pas aux côtés de Graveley, il n’a pas pu constater, par lui-même, les observations faites par son collègue. Par conséquent, seul Graveley pourrait expliquer ses propres notes car celles-ci sont en apparence incomplètes (blancs, interrogations, absence de réponses).

[30] Ainsi, les notes manuscrites de Graveley ne sont pas assez fiables pour qu'on puisse écarter le danger inhérent à la difficulté de les vérifier. De plus, les circonstances entourant leur prise ne confèrent pas suffisamment de crédibilité permettant de conclure que le seuil de fiabilité a été atteint. Une telle preuve ne peut donc être déclarée admissible et ces deux moyens d'appel doivent par conséquent échouer.

mardi 20 mars 2012

Les facteurs à considérer pour déterminer si le délai écoulé avant le procès a été déraisonnable

R. c. Askov, [1990] 2 RCS 1199

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De l'examen qui précède, il est possible, je crois, de résumer tous les facteurs à considérer pour déterminer si le délai écoulé avant le procès a été déraisonnable.

(i)La longueur du délai.

Plus le délai est long, plus il doit être difficile au tribunal de l'excuser. Il peut être impossible de justifier des délais extrêmement longs.

(ii)L'explication du délai.

a) Les délais imputables au ministère public.

Les délais occasionnés par les actes du ministère public ou de ses agents comptent en faveur de l'accusé. Les affaires Rahey et Smith fournissent des exemples de ce genre de délai.

Les affaires complexes qui exigent une préparation plus longue, l'utilisation de plus de ressources par le ministère public et une utilisation plus longue des installations institutionnelles justifieront des délais plus importants que les affaires simples.

b) Les délais systémiques ou institutionnels.

Les délais tenant au manque de ressources sont imputés au ministère public. Les délais institutionnels doivent être examinés en fonction du critère de comparaison défini plus haut. Le fardeau de justifier la pénurie de ressources qui crée des délais systémiques incombe toujours au ministère public. Il peut y avoir une période de transition pendant laquelle on excusera plus facilement les délais systémiques.

c) Les délais imputables à l'accusé
Certains actes de l'accusé peuvent justifier des délais. Par exemple, une demande d'ajournement ou d'un délai nécessaire pour retenir les services d'un autre avocat.

Il peut se présenter des cas où le ministère public pourra démontrer que les actes de l'accusé avaient pour but de retarder la tenue du procès.

(iii) La renonciation.

Si l'accusé renonce à son droit en consentant à un délai ou y acquiesçant, il faut en tenir compte. Cependant, pour être valide, la renonciation doit être en connaissance de cause, claire et consentie librement. Il incombe au ministère public de prouver que la renonciation découle implicitement des actes de l'accusé. Le consentement de l'avocat de l'accusé à la fixation de la date du procès constitue un exemple de renonciation ou d'acquiescement.

(iv) Le préjudice subi par l'accusé.

Il existe une présomption simple selon laquelle le seul écoulement du temps cause un préjudice à l'accusé et dans le cas de délais très longs la présomption devient pratiquement irréfragable. Lorsque le ministère public peut prouver que l'accusé n'a pas subi de préjudice en raison du délai, cette preuve peut servir à justifier le délai. Il est aussi possible à l'accusé de présenter des éléments de preuve tendant à démontrer qu'il a effectivement subi un préjudice en raison du délai, afin de renforcer sa demande de réparation.

Je crois que les facteurs que j'ai énumérés correspondent en grande partie à ceux que les juges L'Heureux‑Dubé et Sopinka ont mentionnés respectivement dans l'arrêt Conway et dans l'arrêt Smith. Ces critères visent à établir une méthode qui s'appuie sur l'objet qui sous‑tend l'al. 11b) et qui permette aux tribunaux de pondérer les éléments de fond applicables de façon cohérente. Il vaut la peine de rappeler qu'on arrive à un équilibre entre l'objet explicite de l'al. 11b), soit la protection de la personne individuelle, et son objet implicite, soit la dimensions sociale de l'al. 11b), en imposant au ministère public le fardeau de prouver que, par ses actes, l'accusé a délibérément causé les délais, que ceux‑ci équivalent à une renonciation ou encore que l'accusé n'a pas subi de préjudice en raison du délai.

mercredi 14 mars 2012

L’arrêt Kienapple ne signifie pas qu’un accusé qui serait trouvé coupable sous deux chefs peut éviter la condamnation la plus sévère en plaidant tout simplement coupable de l’infraction la moins grave

R. c. Loyer et autre, [1978] 2 RCS 631

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(...) L’arrêt Kienapple ne signifie pas qu’un accusé qui, d’après la preuve, serait trouvé coupable sous deux chefs (comme en l’espèce) peut éviter la condamnation la plus sévère en plaidant tout simplement coupable de l’infraction la moins grave, si ce plaidoyer est accepté. En somme, lorsqu’un accusé est inculpe sous deux ou plusieurs chefs d’accusation d’infractions de gravité différente et que le même délit ou la même chose sert de fondement à deux des chefs d’accusation, l’accusé doit être acquitté de l’inculpation la moins grave, s’il est trouvé coupable sous la plus grave ou y plaide coupable. Toutefois si, comme en l’espèce, l’accusé plaide coupable sous l’inculpation la moins grave, il faut remettre la décision sur le plaidoyer en attendant le procès sur l’infraction la plus grave. Si l’accusé en est déclaré coupable et qu’une condamnation est alors prononcée, le plaidoyer déjà offert sous l’inculpation la moins grave doit être radié et un acquittement ordonné.

Lorsqu’au procès devant un juge seul ou devant un juge avec jury, il y a deux ou plusieurs chefs d’accusation d’infractions de gravité différente et que le même délit ou la même chose sert de fondement à deux des chefs d’accusation, il convient d’appliquer la règle à l’encontre des condamnations multiples. Le juge du procès doit alors se dire, ou dire au jury, que s’il trouve l’accusé coupable sur l’inculpation la plus grave, il doit l’acquitter de la moins grave; mais s’il l’acquitte de l’inculpation la plus grave, il doit se pencher sur la question de la culpabilité sur l’inculpation la moins grave et rendre un verdict au fond.

De même si, au procès, il y a un plaidoyer de culpabilité sur l’inculpation la plus grave et inscription de la condamnation, il faut prononcer un acquittement sur l’inculpation la moins grave ou donner une directive à cet effet. Toutefois si, comme en l’espèce, l’accusé plaide coupable sur l’inculpation la moins grave, il faut remettre la décision sur le plaidoyer en attendant le procès sur l’infraction la plus grave. Si l’accusé en est déclaré coupable et qu’une condamnation est alors prononcée, le plaidoyer déjà offert sur l’inculpation la moins grave doit être radié et un acquittement ordonné.

*** Voir décision au même effet : Sheppe c. La Reine, [1980] 2 RCS 22 ***

lundi 12 mars 2012

Détermination de la peine relativement à l'infraction d'avoir volontairement causé à un animal une douleur, souffrance ou blessure, sans nécessité

R. c. Girard, 2012 QCCQ 1436 (CanLII)

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[52] Pour connaître la gravité objective du crime, il suffit de prendre connaissance de l'article 445 paragraphe 2 du Code criminel, lequel prévoit une amende maximale de $10,000.00 et un emprisonnement maximal de dix-huit mois, ou de l'une de ces peines.

[53] L'article 445.1 paragraphe 2b) prévoit aussi une peine maximale de $10,000.00 et un emprisonnement maximal de dix-huit mois, ou de l'une de ces peines.

[60] La jurisprudence citée par le procureur de la poursuite provient des provinces de l'Ouest.

[61] Majoritairement, les tribunaux ont prononcé des peines d'emprisonnement variant entre 45 jours et 90 jours, pour des accusations similaires.

[62] Le 25 février 2011, mon collègue Martin Gagnon, dans R. c. Bérubé, a prononcé un sursis au prononcé de la peine et imposé une période de probation de 2 ans, à un individu qui avait omis, à titre de propriétaire, de fournir à ses bovins l'eau, l'abri et les soins convenables, commettant ainsi l'acte criminel prévu à l'article 446(1)b)(2)a) du Code criminel. Il s'agit d'une accusation de maltraitance envers un troupeau de vaches laitières. À partir de janvier 2009, l'accusé ne s'occupe plus de ses animaux, de sorte que ceux-ci s'affaiblissent et deviennent malades. La majorité de ceux-ci ne peuvent plus de déplacer, en raison de leurs mauvaises conditions physiques et de l'état de lieux. Conscient de leur souffrance, l'accusé en abat un nombre indéterminé. Le 27 mars 2009, 62 vaches ainsi que 17 veaux sont retrouvés morts dans l'étable. 13 autres vaches sont toujours vivantes.

[63] Le juge Gagnon s'exprime comme suit:

«Selon la preuve soumise, il est impossible de conclure que l'accusé a agi par sadisme, méchanceté ou malice.»

[64] Dans la jurisprudence canadienne soumise par le procureur de la poursuite, on retrouve un niveau élevé de cruauté, ce qui n'est pas le cas dans la présente cause.

[65] Dans R c. Zeller, l'accusé tue son chien en le frappant à coups de pelle, alors que dans Wicker l'accusé bat le chat et l'ébouillante.

[66] Le juge Michel Babin, dans La Reine c. Huard, a sursis au prononcé d'une sentence et émis une probation prévoyant l'obligation d'exécuter 150 heures de travaux communautaires, de faire un don de $1 000.00 à un organisme voué à la protection des animaux, comprenant l'interdiction de faire l'élevage de bovins.

[67] Huard a reconnu sa culpabilité à deux accusations: soit celle d'avoir omis, à titre de propriétaire, de fournir à ses bovins l'eau, l'abri et les soins convenables, ainsi que celle d'avoir causé volontairement à ses bovins, une douleur, souffrance ou blessure, sans nécessité. La trame factuelle se résume à ceci: Au printemps 2008, l'accusé isole ses bovins, lesquels deviennent malades dans les jours suivants. 28 bêtes sont mortes graduellement. Lors de la perquisition, une seule vache est toujours vivante. Elle circulait librement dans la grange parmi les carcasses en état de putréfaction de ses congénères. Le sol de la grange était recouvert d'environ 1½ pied de fumier dans lequel pataugeait la survivante.

[68] Le juge Babin s'exprime comme suit:

«Les faits, à première vue, sont dégoûtants et on pourrait penser qu'ils justifient une sentence exemplaire. Mais quand on s'attarde à l'ensemble des faits et en particulier aux circonstances vécues par l'accusé, je suis d'opinion que ce n'est pas la solution, que ce n'est pas un cas pour prononcer une sentence exemplaire.»

[69] Le Tribunal doit, avant d'envisager la privation de liberté, examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes, lorsque les circonstances le justifient notamment, par le prononcé de toute sanction substitutive applicable, justifiée par les circonstances

[75] Toutefois, cette peine doit aussi refléter les facteurs aggravants précédemment mentionnés. Cela peut se traduire par un nombre d'heures de services communautaires et l'imposition d'un don important à un organisme voué à la protection des animaux.

PAR CES MOTIFS, LA COUR:

SURSOIT au prononcé de la peine;

IMPOSE une probation de deux ans aux conditions suivantes:

• Suivi probatoire à la discrétion de l'agent de probation;

• Accomplir 150 heures de services communautaires dans un délai maximal de dix (10) mois;

• Verser au greffe de la Cour la somme de $2,000.00 au bénéfice de SPA Granby et ce, dans un délai d'un an;

• Continuer ou entreprendre toute thérapie qui pourrait être indiquée par votre agent de probation, incluant celle relative à un suivi psychologique s'il y a lieu.

Détermination de la peine pour les multi-récidivistes de l'alcool au volant - Revue de la jurisprudence

R. c. Vachon, 2012 QCCQ 1434 (CanLII)

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[5] La particularité de cette affaire est le fait que l'accusé a 13 antécédents judiciaires en cette matière. Ceux-ci sont antérieurs à 1996. Entre 1996 et novembre 2007, l'accusé n'a commis aucune récidive de quelque nature que ce soit.

[6] Alcoolique, mais abstinent pendant environ 12 ans, une rechute attribuable à des difficultés personnelles est à l'origine du passage à l'acte de l'accusé.

[31] Le 3 juin 2002, dans l'affaire Morrisseau, la Cour d'appel a majoré la peine à 12 mois d'emprisonnement, pour un récidiviste en matière de conduite automobile avec facultés affaiblies, lequel en était à sa onzième infraction de cette nature.

[32] Il est à noter que depuis la décision rendue dans l'affaire Rodrigue remontant à novembre 2008, la Cour d'appel a eu l'opportunité de se pencher sur des sentences et des peines prononcées lorsque l'accusé avait conduit son véhicule moteur, alors que ses capacités étaient affaiblies par l'effet de l'alcool.

[33] La Cour souligne l'arrêt de la Cour d'appel du 28 novembre 2011, dans l'affaire Boulay, alors que pour une cinquième condamnation en matière de conduite d'un véhicule avec facultés affaiblies, elle a maintenu la décision de la Cour de première instance, soit 12 mois de détention ferme à laquelle était assujettie une probation d'une durée de trois ans, avec l'obligation d'effectuer 200 heures de travaux communautaires.

[34] La Cour d'appel, sous la plume du juge Guy Gagnon n'a pas estimé nécessaire d'intervenir pour modifier la peine infligée. La peine de 12 mois d'emprisonnement était une suggestion commune des procureurs, alors que la probation et l'exécution des travaux communautaires ne faisait pas partie de cette suggestion.

CONDAMNE l'accusé à un (01) an d'emprisonnement à être purgé en Centre de détention

jeudi 8 mars 2012

Revue exhaustive de la jurisprudence sur la garde et contrôle

R. c. Lemay, 2012 QCCQ 1437 (CanLII)

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[42] Par l'article 253 du Code criminel, le législateur a voulu prévenir des situations à risques, c'est-à-dire éviter qu'un individu qui a les facultés affaiblies se place en situation où l'opportunité de conduire le véhicule se présente à lui.

[43] Dans l'affaire, R. c. Mallery, rendue le 28 février 2008 par la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick, on peut lire, au paragraphe 46, à propos de l'article 253, ce qui suit :

« Cette disposition donne aux agents de police le pouvoir de détenir et d’arrêter les personnes qui constituent un danger immédiat ou éventuel pour la sécurité publique. Les personnes prises en train de conduire lorsque leur capacité de le faire est affaiblie constituent le danger immédiat. Celles qui ont la garde ou le contrôle d’un véhicule constituent une menace ou un risque éventuel de préjudice. L’élimination du danger ou du risque de préjudice est le principal objet des dispositions législatives en question.»

B. La preuve par l'application de la présomption

[44] Pour établir qu'un accusé a la garde ou le contrôle d'un véhicule automobile, la poursuite bénéficie de deux modes de preuve qu'elle peut cumuler : la preuve directe d'acte de garde ou de contrôle et la preuve par l'utilisation de la présomption prévue à l'article 258.1 a) du Code criminel.

[45] En vertu de la présomption édictée au Code criminel, lorsqu'il est prouvé hors de tout doute raisonnable qu'une personne occupe le siège du conducteur, celle-ci sera considérée à toutes fins que de droit comme ayant la garde ou le contrôle du véhicule automobile, à moins qu'elle n'apporte une preuve prépondérante qu'elle n'occupait pas cette place dans le but de mettre le véhicule en mouvement (cf. R. c. Appelby et Ford c. La Reine).

[46] Pour renverser la présomption, l'accusé doit convaincre d'une part, que son intention n'était pas de mettre le véhicule en marche et d'autre part, établir une intention autre : le seul fait de nier l'intention de mettre le véhicule en marche est insuffisant (cf. MacAulay).

[47] Dans l'arrêt R. c. Olivier rendu le 1er juin 1998, la Cour d'appel énonce au paragraphe 18 ce qui suit :

« La proposition de l'appelante suivant laquelle le fait pour un conducteur d'être assis derrière le volant d'une voiture, avec la clé dans le contact, entraîne nécessairement la conclusion que ce conducteur a le contrôle de la voiture est trop absolu [sic]: dans la très grande majorité des situations on pourra conclure que c'est le cas, mais, devant un jeu de circonstances donné, le tribunal pourra, sans errer en droit, conclure que ce n'est pas le cas;»

C. La preuve directe des actes de garde ou de contrôle

[48] Si l'accusé réussit à renverser la présomption édictée à l'article 258(1)a) du Code criminel, la poursuite dispose du second mode de la preuve, soit en démontrant directement et hors de tout doute raisonnable l'existence d'actes de garde ou de contrôle du véhicule.

[49] Il faut rappeler que l'intention de mettre le véhicule en mouvement n'est pas essentielle en matière de preuve directe d'acte de garde ou de contrôle, cette intention n'étant nécessaire que si la poursuite souhaite se prévaloir de l'article 258(1)a).

[50] Somme toute, la non-intention de mettre le véhicule en marche ou de quitter les lieux avec celui-ci ne constitue pas un moyen de défense à l'accusation de garde et contrôle lorsque la preuve directe est administrée.

[51] C'est plutôt la possibilité de quitter les lieux, de mettre en mouvement ce véhicule par une personne en état d'ébriété qui rejoint la notion de garde ou de contrôle.

[52] Dans l'arrêt R. c. Ford, la Cour suprême mentionne que la poursuite n'a pas à faire la preuve de l'intention de l'accusé de mettre en marche le véhicule :

« Il n'est pas non plus nécessaire, à mon avis, que la poursuite fasse la preuve de l'intention de mettre le véhicule en marche […] Il peut y avoir garde même en l'absence de cette intention lorsque comme c'est la cas en l'espèce, un accusé accomplit un acte ou une série d'actes ayant trait à l'utilisation du véhicule ou de ses accessoires, qui font que le véhicule peut être mis en marche involontairement, créant le danger que l'article vise à prévenir.»

[53] Nous aborderons maintenant les points suivants :

1) les éléments essentiels de l'accusation

2) les actes de garde

3) le lien avec le risque

4) la nature du risque

1) Les éléments essentiels de l'accusation

i. Actus reus

[54] L'actus reus est l'acte (actes) qui consiste(nt) à assumer la garde ou le contrôle d'un véhicule alors que la consommation volontaire d'alcool ou d'une drogue a affaibli les capacités de conduire.

ii. Mens rea

[55] La mens rea de l'infraction d'avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur est l'intention d'assumer la garde ou le contrôle après avoir volontairement consommé de l'alcool ou une drogue.

2) Les actes de garde

[56] La Cour d'appel de Colombie-Britanique dans l'arrêt R. c. Sinclair précise la notion de ce que constituent des actes de garde ou de contrôle :

Three different circumstances which, short of driving, could establish care and control of a vehicle :

a) Acts which would involve some use of the car, or

b) Acts which would involve some use of its fittings and equipment, or

c) Some course of conduct associated with the vehicle;

which would involve a risk of putting the vehicle in motion so that it could become dangerous.

3) Le lien avec le risque

[57] Il faut que l'accusé pose des actes de garde ou de contrôle et que ces actes comportent le risque de mettre le véhicule en mouvement. Il doit donc exister un lien entre les deux suffisamment soutenu par la preuve.

[58] En d'autres termes, la situation dangereuse découle donc d'actes de garde ou de contrôle entraînant un risque de mettre en mouvement le véhicule.

[59] La poursuite doit démontrer la présence d'actes impliquant une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires ou encore une conduite quelconque à l'égard de ce véhicule qui comporte un risque de danger compte tenu de la possibilité qu'il soit mis en mouvement (cf. R. c. Rousseau et R. c. Rioux).

[60] Dans l'affaire Sergerie c. La Reine, la Cour d'appel, en se référant à la décision de R. c. Clarke, insiste pour souligner que lorsque la présomption est renversée, l'on doit considérer et analyser le risque que le véhicule soit mis en mouvement délibérément ou non.

[61] La possibilité que le véhicule soit mis en mouvement délibérément ou non par une personne en état d'ébriété peut exister en considérant la nature des actes accomplis par un accusé. C'est ce qu'il ressort dans la décision Sergerie.

[62] Cette notion de risque pour le public a été maintes fois reprise par la Cour d'appel du Québec. On pense ici aux autres décisions de R. c. Hamel et R. c. Olivier.

[63] L'arrêt Penno rendu par la Cour suprême mentionne que : « (…) lorsque l'utilisation du véhicule à moteur ne comporte aucun risque de le mettre en marche et de le rendre dangereux, les cours de justice devraient conclure qu'il y a absence d'actus reus.»

[64] La décision rendue par mon collègue l'Honorable Pierre Bélisle le 1er février 2011 dans R. c. Brière illustre l'avis de la Cour suprême dans Penno, en concluant qu'il n'existait pas de possibilité réelle que l'accusé change d'avis et entraîne le risque de danger pour la sécurité publique, en raison précisément du fait que celui-ci avait un plan bien établi non équivoque et crédible.

4) La nature du risque

[65] L'élément déterminant est donc le risque de danger pour le public et ce risque peut être actuel ou potentiel.

[66] Dans la décision Hamel, le juge Proulx, à la page 17, dégage la proposition : « […] qu'une personne qui se trouve dans une voiture et a à sa portée les moyens de la mettre en marche en a le contrôle. »

[67] De cette décision, on peut constater, d'une part, qu'il n'est pas requis que cette personne ait l'intention immédiate de mettre en marche le véhicule et que, d'autre part, le risque de danger ne se limite pas aux risques immédiats; il peut inclure le risque potentiel que le véhicule soit mis en mouvement accidentellement, non intentionnellement ou encore que l'accusé change d'avis.

[68] Les tribunaux reconnaissent la nécessité pour la poursuite de démontrer un risque réaliste que le véhicule soit mis en mouvement de façon à constituer un danger pour le public et non un risque purement théorique.

[69] Le risque à établir en preuve doit être plus qu'hypothétique et doit être fondé sur la preuve pour être réaliste.

[70] En conclusion, chaque cas est d'espèce et l'analyse du risque doit s'effectuer en examinant les actes de garde ou de contrôle posés par l'accusé et en prenant compte toutes les circonstances entourant l'affaire, y compris l'état d'intoxication de l'accusé.

[71] À cet égard, il est évident que l'état d'intoxication de l'accusé participe à l'évaluation du risque comme on peut le constater dans la décision Sergerie.

[72] Somme toute, la poursuite doit simplement démontrer, selon son fardeau, que l'accusé s'est placé dans une situation susceptible de devenir dangereuse compte tenu de l'ensemble des circonstances.
A. La preuve par l'application de la présomption de garde ou de contrôle

[73] Suivant l'article 258(1)a) du Code criminel, lorsqu'il est prouvé qu'un accusé est assis à la place du conducteur dans un véhicule automobile, il y a présomption qu'il en a la garde ou le contrôle à moins qu'il ne réussisse à renverser cette présomption.

[74] L'accusé pourra renverser cette présomption s'il démontre par une preuve prépondérante qu'en occupant cette place, il n'avait pas l'intention de mettre le véhicule en marche.

[75] Il ne suffit donc pas de nier cette intention mais de prouver qu'il avait une intention différente.

Divers types de fraude par chèque

Fraude simple :
Le suspect vole les papiers d'identité et le carnet de chèques d’une personne. Il se présente à une succursale de l’institution financière et effectue un retrait au comptoir sur le compte de la victime.

Chèque sans provision :
Le suspect se présente chez un commerçant et paie avec un chèque sans provision.

Achat avec chèque sans provision sous forme de réseau :
Le suspect ouvre des comptes bancaires dans différentes institutions financières sous de fausses identités. Par la suite, il fait des achats dans plusieurs magasins et paie avec des chèques tirés de ces comptes sans provision.

Fraude par chèque certifié :
Le suspect s’intéresse aux petites annonces classées où il y a des objets de valeur tels que télévision, caméra, vidéo, bijoux, etc. Il rencontre le vendeur et tous deux s’entendent sur un prix et le mode de paiement qui est un chèque certifié. Le suspect quitte les lieux, en prétextant aller faire certifier le chèque. Il revient un peu plus tard avec un chèque certifié frauduleux.

Chèque du gouvernement :
Le suspect vole des chèques du gouvernement dans les boîtes aux lettres (impôt, bien-être social, allocation familiale, etc.). Il encaisse ces chèques, surtout en achetant des marchandises dans des dépanneurs, tout en se faisant remettre la balance en argent comptant.

Fraude par chèque volé ou contrefait (réseau) :
Un suspect ouvre des comptes bancaires dans différentes institutions financières. Il y dépose des chèques contrefaits ou volés. Par la suite, il retire, au comptoir ou au guichet automatique, les sommes déposées. Dans la plupart des cas, il s’agit de chèques de compagnies importantes. Cela lui permet de faire des chèques aux montants plus importants et il gagne du temps avant que le Service de comptabilité de ces compagnies ait vérifié la validité de ces chèques (période de compensation).

Cavalerie de chèques (kiting) :
Un suspect ouvre des comptes bancaires dans plusieurs institutions financières sous une fausse identité. Il se fait faire des chèques. Il ne dépose pas d’argent ou en dépose peu dans ces comptes. Par la suite, il fait des retraits sur des chèques qu’il a déposés soit au comptoir ou au guichet automatique. Il peut faire ce stratagème dans une dizaine de succursales au cours de la même journée. Les banques ne se rendent compte de la fraude que de trois à sept jours plus tard, à cause du délai de compensation entre les institutions financières.

Arnaque aux chèques frauduleux :
Aussi appelée arnaque aux chèques frauduleux d’Europe ou stratagème de l’intermédiaire. Les fraudeurs vous font parvenir une lettre ou un courriel où l’on vous propose de gagner rapidement une grosse somme d’argent. On vous demande de déposer un chèque d’entreprise dans votre compte de banque à titre d’intermédiaire. En retour, vous toucherez un certain pourcentage et vous devrez retourner l’argent qui reste. Le chèque en question est une contrefaçon et n’a aucune valeur. Tôt ou tard, votre banque remarquera le tout et votre compte sera débité du montant du chèque. Cette arnaque s’apparente à la fraude nigériane.

Fraude par chèque de paiement en trop :
Vous annoncez dans le journal ou sur Internet un article que vous voulez vendre. Un acheteur communique avec vous et vous vous entendez sur le prix. Celui-ci vous envoie un chèque beaucoup plus élevé que le prix demandé. Lorsque vous le lui faite remarquer, il invoque l’erreur comptable, mais vous demande quand même de l’encaisser et de lui retourner la différence en vous suggérant même de conserver un montant supplémentaire pour votre « honnêteté ». Vous apprendrez plus tard que le chèque est faux et vous serez tenu responsable de la fraude, alors que le voleur aura votre argent et peut-être même l’article que vous lui aurez « vendu ».

Tiré de :
Fraude par chèque - Arnaque - Sûreté du Québec
Lien vers le site
http://www.sq.gouv.qc.ca/prevenir-la-criminalite/la-surete-vous-conseille/fraude-cheque-prevenir.jsp

mercredi 7 mars 2012

Le fait pour une personne de refuser de s'identifier à un agent de la paix lorsqu'elle est arrêtée pour une infraction pénale peut constituer une entrave au sens de l'article 129 du Code criminel

Longueuil (Ville) c. Dumberry, 2004 CanLII 20708 (QC CS)

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[41] Par ailleurs, quant au motif d'appel allégué dans l'avis d'appel, le tribunal est d'opinion qu'il est fondé. En effet, le fait pour une personne de refuser de s'identifier à un agent de la paix lorsqu'elle est arrêtée pour une infraction pénale peut constituer une entrave au sens de l'article 129 du Code criminel : R. c. Vigneault, (C.A.M. 500-10-002139-010, 2002-11-19), [2002] J.Q. No 2225 (autorisation d'appel à la Cour suprême refusée, [2003] C.S.C.R. numéro 26); voir également R. c. Moore, 1978 CanLII 160 (CSC), [1979] 1 R.C.S. 195.

[42] L'intimé a été intercepté valablement pour une infraction en vertu du Code de la sécurité routière et devait s'identifier en vertu des articles 35, 36, 97 et 102 du Code de la sécurité routière. À ce propos, la preuve était non équivoque : l'intimé avait brûlé un signal d'arrêt et il a refusé de s'identifier lorsque requis de ce faire. Ces faits étaient établis avant l'arrestation pour capacités affaiblies.

lundi 5 mars 2012

L’assermentation d’une dénonciation par le juge de paix qui la reçoit est une procédure essentielle à sa validité

Vinet c. R., 2012 QCCQ 1178 (CanLII)

Lien vers la décision

[10] Dans R. c. Carrière, 2010 QCCQ 1524 (CanLII), 2010 QCCQ 1524, mon collègue le juge Perreault souligne que l’assermentation d’une dénonciation par le juge de paix qui la reçoit est une procédure essentielle à sa validité et précise qu’une erreur « cléricale » peut être corrigée par une preuve testimoniale. Aux paragr. 44 à 47, il s’exprime ainsi :

[44] Le serment prêté devant le juge de paix commence les procédures.

[45] La sommation n'a pas à être signée par le même juge de paix que celui qui a reçu la dénonciation sous serment.

[46] Une dénonciation non assermentée est de nullité absolue. Si une dénonciation a été assermentée, mais que le juge de paix a omis de l'indiquer sur celle-ci, cela ne la rend pas nulle.

[47] Dans Société Radio-Canada c. Montréal (Communauté urbaine) Service de police, [2000] J.Q. no. 1936 (C.S.), le juge Béliveau rappelle que la preuve testimoniale de l'assermentation d'un dénonciateur peut corriger l'erreur cléricale de ne pas avoir coché que cela avait été fait.

[11] Dans R. c. Champagne, [1999] J.Q. no. 1700, le juge Downs, de la Cour supérieure, était saisi d’une demande similaire. Dans cette affaire, le juge de paix avait affirmé avoir assermenté la dénonciation, mais avait toutefois omis de cocher la case appropriée. Le juge Downs a estimé que ce témoignage était suffisant pour corriger la lacune de la dénonciation.

[12] Traitant du formalisme en matière de droit criminel, le juge Downs considère qu’il y a lieu d’appliquer la maxime « omnia praesumuntur rite esse acta » traduite par « on présume que les formalités exigées par la loi ont été observées » (paragr. 9). Il conclut à la « présomption de validité d’une dénonciation signée par le dénonciateur et le juge de paix » (paragr. 10) et spécifie qu’il revient à l’accusé de démontrer par prépondérance de preuve que la dénonciation n’a pas été assermentée (paragr. 11).

[13] Bien que la défense ait signalé certaines faiblesses dans le témoignage de l’agent Côté sur l’heure où il s’est représenté devant la juge Hénault pour quérir les documents nécessaires afin que justice suive son cours, ou sur d’autres dénonciations relativement à d’autres accusés impliqués dans cette opération d’envergure, l'on ne peut écarter le fait qu’il a rencontré la juge de paix et lui a, à cette occasion, déclaré sous serment que la dénonciation contenait la vérité.

[14] À la lecture de l’article 504 du Code criminel, la juge de paix devait d’abord recevoir la dénonciation puisque le dénonciateur alléguait sous serment que les accusés avaient commis un acte criminel. « Dans un tel cas, le juge de paix ne peut exercer aucune discrétion », précise les juges Béliveau et Vauclair dans leur Traité général de preuve et de procédures pénales, 17e éd., 1010, p. 602-603, paragr. 1563, se référant à R. c. Ellis, 2009 ONCA 483 (CanLII), 2009 ONCA 483 (CanLII), paragr. 48.

[15] Une fois cette étape franchie, la juge de paix devait, en vertu de l’al. 507(1)a) du

Code criminel, entendre et examiner ex parte les allégations du dénonciateur et, si elle l’estimait utile, les dépositions des témoins aux fins de décerner une sommation ou un mandat d’arrestation obligeant l’accusé à comparaître pour répondre à l’inculpation. Bien que ces dispositions soient mandatoires, il a été décidé qu’elles n’étaient que d’ordre procédural. Par conséquent, le défaut de tenir une audition n’invalide pas la dénonciation et n’entraîne aucune perte de compétence sur l’infraction.

[16] Par ailleurs, dans R. c. Boucher, 2002 CanLII 37981 (QC CS), 2002 CanLII 37981 (QC CS), le juge Grenier, de la Cour supérieure, déclare valide une dénonciation ayant été autorisée par un substitut du Procureur général et, comme c’est le cas en l’espèce, dont le nom y apparaît. L’agent de liaison s’est ensuite présenté devant un juge de paix aux fins d’assermentation sans avoir pris connaissance du dossier au préalable. Au paragr. 12, il cite avec approbation les propos du juge Salhany, dans Canadian Criminal Procedure, édition du mois de novembre 2001, page 7-20, au sujet de la connaissance personnelle des faits par l’agent dénonciateur ou de l’absence de celle-ci :

« The person who lays the information may swear as to his personal knowledge of the facts if such is the case; if he does not have personal knowledge, then he may swear that he has reasonable grounds to believe that the offence named has been committed. »

[17] Aux paragr. 16 à 18 de sa décision, le juge Grenier conclut que la dénonciation a été autorisée conformément à la loi en ces termes :

[16] […] Il apparaît, à cette Cour, tout à fait conforme à la loi et à la réalité qu'un policier déclare avoir des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise, alors qu'il se base sur une dénonciation autorisée par un substitut du Procureur général.

[17] […] Il serait étonnant qu’un policier, sans formation juridique, décide qu’un procureur de la couronne ait erré, en autorisant une plainte, compte tenu qu’il évalue les faits tant à leur mérite qu’à la lumière du droit et de la jurisprudence. L'agent de liaison qui prend possession d'un dossier où la plainte a été autorisée par un procureur de la couronne, a sûrement des motifs raisonnables de croire que l'infraction mentionnée à la dénonciation a été commise.

[18] Le Tribunal est donc convaincu que le système en vigueur dans la province de Québec est conforme aux dispositions du Code criminel et qu'il a l'avantage de prévenir les abus et de protéger les citoyens contre des plaintes qui pourraient être portées, alors qu'il n'y a pas suffisamment de preuve, ou pas de preuve du tout.