mardi 11 juin 2013

Préparer la voie ou organiser des rencontres ne constitue pas en soi un exercice d’influence & l'appréciation de la notion de bénéfice

R. c. Giguère, 1983 CanLII 61 (CSC), [1983] 2 RCS 448


Le juge du procès a commis une erreur en présumant qu’en droit il n’y avait aucun «bénéfice» à moins que Giguère n’ait reçu plus que la juste valeur marchande de ses actions. Le prix d’achat en entier constitue un bénéfice au sens des al. 110(1)a) et d) du Code. 

Toutefois, pour être illégal, le bénéfice doit être reçu en considération d’une collaboration, d’une aide ou d’un exercice d’influence. C’est dans ce contexte que la question de la juste valeur marchande devient importante. Si une personne reçoit l’équivalent de la valeur marchande de ses actions ou plus, il importe de chercher à déterminer l’objet du paiement. Si le paiement est fait pour rémunérer une personne pour des interventions antérieures ou futures de la nature de celles interdites par l’art. 110, il y a attribution d’un bénéfice illégal. En l’espèce, la valeur des actions de Canadian Advertising s’est accrue grâce aux contrats obtenus du gouvernement. Si ces contrats pouvaient être attribués à l’influence de Giguère, le paiement des actions de Giguère pourrait constituer un paiement pour cette influence. Le juge du procès n’a pas tiré les conclusions de fait nécessaires sur ce point parce qu’il a cru, à tort, que la juste valeur marchande était la seule question en litige.

Le juge du procès a aussi commis une erreur dans sa façon de traiter la juste valeur marchande. Pour déterminer si les actions de Giguère ont été acquises à leur juste valeur marchande, le juge du procès aurait dû tenir compte de la somme effectivement reçue par Giguère et non du coût pour celui qui l’a donnée.

Le juge du procès a aussi eu tort de conclure que le fait que Giguère ait préparé la voie et organisé des rencontres ne constitue pas une collaboration ou une aide visée par l’art. 110. Préparer la voie ou organiser des rencontres ne constitue pas en soi un exercice d’influence. Cependant, si quelqu’un prépare la voie et organise des rencontres comme première étape des démarches faites par quelqu’un d’autre pour obtenir un contrat du gouvernement, il s’agit vraiment d’une aide ou d’une collaboration concernant la conclusion d’affaires avec le gouvernement au sens des al. 110(1)a) et d).

Enfin, même si l’acte d’accusation imputait «collaboration, aide et exercice d’influence», la poursuite n’était pas tenue de faire la preuve des trois éléments. Un accusé peut être déclaré coupable pour toute partie de l’acte d’accusation qui constitue une infraction. En conséquence, il y aurait dû y avoir déclaration de culpabilité si la poursuite avait prouvé l’existence d’un complot en vue de verser un bénéfice à Giguère en considération d’une collaboration ou d’une aide, mais non d’un exercice d’influence. En l’espèce, le juge du procès a conclu à l’absence de preuve de l’existence d’une entente pour que Giguère collabore, aide ou exerce une influence. Une telle entente est un élément essentiel des infractions imputées. 

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