mercredi 11 juin 2014

Il n'existe pas une règle absolue exigeant que toutes les déclarations faites à une personne en autorité soient enregistrées

Caron c. R., 2007 QCCA 1569 (CanLII)


[56]           La règle des confessions vise uniquement à déterminer si la déclaration a été faite librement et volontairement indépendamment de leur véracité.
[57]           Dans l'arrêt R. c. Moore-McFarlane, la juge Charron ne crée pas une règle absolue qui exigerait que toutes les déclarations soient enregistrées sur vidéocassette.
[58]           Elle indique simplement que dans le cadre de l'analyse du contexte de la prise d’une déclaration extrajudiciaire, si les policiers décident volontairement de ne pas se servir du système audio‑vidéo disponible pour interroger un détenu, cela rend l'interrogatoire suspect. Elle écrit au paragraphe [65] de ses motifs :
[…] Indeed, it is my view that where the suspect is in custody, recording facilities are readily available, and the police deliberately set out to interrogate the suspect without giving any thought to the making of a reliable record, the context inevitably makes the resulting non‑recorded interrogation suspect. In such cases, it will be a matter for the trial judge on the voir dire to determine whether or not a sufficient substitute for an audio or videotape record has been provided to satisfy the heavy onus on the Crown to prove voluntariness beyond a reasonable doubt.
[Italiques ajoutés par la juge Charron]
[59]           Il est important de lire cette affirmation dans le contexte du dossier. Dans cette affaire, les deux accusés avaient témoigné dans le cadre du voir‑dire que les policiers avaient confisqué leurs vêtements pour effectuer des analyses et que l'interrogatoire s'était déroulé dans un climat d'oppression et même de violence à leur égard. Appliquant l'approche moderne d'analyse des confessions, où la fiabilité doit être prise en compte de façon contextuelle, elle a conclu que les déclarations n'auraient pas dû être admises en preuve.
[60]           Ainsi, ce n'est pas tous les interrogatoires qui deviendront suspects parce que non enregistrés par les policiers. D'ailleurs, le juge Iacobucci écrit pour la majorité, dans l'arrêt R. c. Oickle :
[…]
Cela ne veut pas dire que les interrogatoires qui ne sont pas enregistrés sont intrinsèquement suspects, mais simplement que, de toute évidence, l'existence d'un enregistrement peut grandement aider le juge des faits à apprécier la confession.
[61]           Cela dit, les propos de la juge Charron n'ont pas eu pour effet d'exiger que toutes les déclarations prises par les policiers doivent nécessairement être enregistrées sur vidéocassette, bien que cela soit largement préférable.

[64]           Il est certain que la fiabilité de la déclaration est un facteur d'appréciation du caractère libre et volontaire de celle‑ci. Comme en l'espèce, le policier a noté les propos tenus lors de la rencontre, sans avoir plus de détails sur l'enquête que ceux fournis par l'appelant, cela laisse croire au caractère volontaire de la déclaration. De plus, l'agent banalisé ne pouvait se servir ici de menaces ou de promesses. Son approche était plutôt celle d'un individu ayant besoin de conseils à l'égard de son arrestation.

[69]           Dans Wilson, les policiers avaient délibérément omis d'enregistrer l'interrogatoire de l'accusé, alors qu'ils disposaient de tout le matériel nécessaire à cet effet, sans fournir de justification valable. Selon les policiers, l'accusé avait admis savoir qu'il transportait de la cocaïne dans ses bagages. De son côté, l'accusé niait avoir tenu de tels propos. Lors des discussions qui ont précédé les directives, le procureur de Wilson avait demandé au juge de mentionner au jury que l'absence d'enregistrement de l'interrogatoire est un facteur important à considérer sur la question de déterminer quelle version croire, ce qu'il refusa de faire. Sur l'opportunité d'émettre une telle directive, le juge Rosenberg écrit :
[20]   Most of the cases that have considered the issue of videotaping of statements have been concerned with the impact of the failure to videotape on admissibility. However, in my view, and for the reasons set out in Swanek, in appropriate circumstances, a special instruction should be given to the jury where the accused contests the accuracy of the non‑recorded statement. Over a decade ago, Carthy J.A. in his concurring reasons in R. v. Barrett 1993 CanLII 3426 (ON CA), (1993), 82 C.C.C. (3d) 266 (Ont. C.A.) at 270, noted the central feature a confession can play in a criminal case and the importance of having an accurate record of what occurred: and he said this: "On this determinative issue of conviction the police force has, by its own choice in this case, denied the court the opportunity of an undeniable record of what led to the 'conviction'. Given the modest cost of videotape equipment, such critical evidence should not, in fairness, be restricted to sworn recollection of two contesting individuals as to what occurred in stressful conditions months or years ago. The evidence is admissible under our present rules, but everyone involved in the criminal justice system should make reasonable efforts to better serve its ultimate ends."
[21]   These concerns do not relate solely to voluntariness; they also relate to the jury's task in attempting to decide whether the accused confessed as alleged by the police. Barrett was overturned on appeal to the Supreme Court of Canada 1995 CanLII 129 (SCC), (1995), 96 C.C.C. (3d) 319, on the basis that the failure of the trial judge to give reasons for admitting the statement did not amount to an error of law. That decision does not take away from the common sense identified by Carthy J.A.'s reasons.
[70]           Et il poursuit plus loin :
[23]   Thus, there must be other circumstances before a trial judge would be entitled to give the special instruction sought in this case. One set of circumstances was identified in R. v. Moore‑McFarlane at para. 65: "where the suspect is in custody, recording facilities are readily available, and the police deliberately set out to interrogate the suspect without giving any thought to the making of a reliable record, the context inevitably makes the resulting non‑recorded interrogation suspect". Admittedly, in that case, Charron J.A. was concerned with voluntariness, but for the reasons set out above the concern for accuracy that arises at the voluntariness stage also applies at the guilt or innocence stage.
[24]   In my view, it was open to the jury to find that the police deliberately set out to interrogate the appellant without giving any thought to the making of a reliable video or audio record. The jury should therefore have been instructed along the lines suggested in R. v. Swanek that this was an important factor to consider in deciding whether to rely on the officer's version of the statement.
[71]           Il y a lieu de distinguer les faits du présent dossier de ceux de l'arrêt Wilson. En l'espèce, les policiers n'ont pas délibérément omis d'enregistrer la discussion entre l'appelant et l'agent Savard. Il ne s'agissait pas d'un interrogatoire dans une salle prévue à cet effet disposant de l'équipement nécessaire pour procéder à l'enregistrement de la déclaration, mais plutôt d'une opération qui se voulait secrète par définition. Lorsque les policiers décident de ne pas enregistrer la déclaration d'un accusé alors qu'ils pouvaient le faire, et qu'ils n'expliquent pas cette omission, il est légitime de s'interroger sur la fiabilité du témoignage de celui qui rapporte la déclaration. En l'espèce, il s'agissait d'une opération d'infiltration et la cellule dans laquelle elle s'est déroulée n'était pas équipée d'un dispositif d'enregistrement audio et vidéo. Les policiers n'ont pas choisi délibérément de ne pas enregistrer la conversation et les circonstances ne rendaient pas le témoignage de l'agent Savard suspect.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire

Le processus que doit suivre un juge lors de la détermination de la peine face à un accusé non citoyen canadien

R. c. Kabasele, 2023 ONCA 252 Lien vers la décision [ 31 ]        En raison des arts. 36 et 64 de la  Loi sur l’immigration et la protection...