mardi 5 août 2014

Le complot de 2 conspirateurs

R. c. Huneault, 1997 CanLII 10009 (QC CA)


Est bien connue la directive consacrée dans l'arrêt R. v. Carter, [1982] R.C.S. 938 et reprise dans l'arrêt R. v. Barrow1987 CanLII 11 (CSC), [1987] 2 R.C.S. 694, laquelle doit comporter trois éléments:

1.le jury doit être convaincu hors de toute doute raisonnable de l'existence du complot;

2.si convaincu, alors le jury doit examiner la preuve et décider si, d'après la preuve admissible contre lui, il est probable que l'accusé ait participé au complot;

3.si tel est le cas, alors la preuve de ouï-dire peut être recevable.

              Cette directive pose problème si la preuve ne met en cause que deux possibles participants au complot.  C'est ce qu'a souligné, dans une opinion majoritaire, le juge Tyndale, dans l'arrêt Comeau c. R.1991 CanLII 3541 (QC CA), [1992] R.J.Q. 339, en soulignant que dans le cas d'un complot qui ne vise que deux conspirateurs, la preuve de l'existence du complot (élément no 1 de la directive) établit du même coup la participation alléguée des deux conspirateurs, avec la conséquence qu'il n'est pas très logique d'inviter par la suite le jury, en accord avec l'élément no 2, à décider s'il est probable que l'accusé ait participé au complot, ce qui a été déterminé à la première étape.  Dans ces circonstances, il serait donc préférable d'éliminer l'élément no 2 du modèle Carter.

              En l'espèce, l'acte d'accusation reprochait à l'appelant un complot entre deux personnes, soit lui-même et Jean-Guy Tremblay.

              Dans ses directives, le premier juge s'est conformé au modèle de l'arrêt Carter, supra, mais sans apporter la réserve exprimée dans l'arrêt Comeau, supra.

                            Je ne peux souscrire à cette prétention.  Jamais le ministère public n'a soutenu que le complot impliquait plus de deux personnes.  Ni les plaidoiries, ni les directives n'indiquent telle prétention.  La possibilité, hypothétique il faut bien le dire, qu'une tierce personne ait apporté son aide pour l'exécution de la victime et son enfouissement n'a jamais été rattachée au chef reprochant le complot.  J'estime que la poursuite est mal venue d'invoquer pareille hypothèse en appel pour justifier les propos du juge du procès. À ce stade, cette proposition factuelle n'est que pure conjecture.

              Cela dit, retenant que l'accusation reprochait un complot entre deux personnes et que dans les circonstances il eût été approprié d'éliminer en quelque sorte la deuxième partie du modèle Carter dans les directives, je suis néanmoins d'avis que l'erreur n'est pas fatale et qu'un jury bien instruit en serait nécessairement arrivé à la même conclusion.  Contrairement à l'arrêt Comeau, supra, où l'existence du complot était en litige, en l'espèce la preuve à charge relative au meurtre et à l'existence du complot entre l'appelant et Tremblay pour assassiner Guido Sommer, bien que circonstancielle, était constituée d'une foule d'éléments qui, pris ensemble, ne suscitait aucune autre hypothèse raisonnable que celle qu'a retenue le jury. 

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