mardi 10 octobre 2017

Ce qu'on entend, en droit, par la garde et le contrôle d’un véhicule

Scazzosi c. R., 2015 QCCS 111 (CanLII)

Lien vers la décision

[14]        Le Code criminel prévoit à l’art. 258(1)a) que si la preuve établit que l’accusé occupait la place du conducteur, cette preuve suffit à établir qu’il a la garde et le contrôle du véhicule. Mais si la preuve n’est pas concluante sur ce point, alors la poursuite doit faire la preuve que l’accusé avait la garde ou le contrôle du véhicule autrement.
[15]        Ainsi, la question de la garde ou du contrôle du véhicule s’est posée suite à la conclusion du juge d’instance que l’appelant a soulevé un doute quant à savoir s’il occupait la place du conducteur à l’arrivée des policiers.
[16]        C’est l’arrêt R. c. Boudreault 2012 CSC 56 (CanLII) de la Cour suprême du Canada qui a défini ce qu'on entend, en droit, par la garde et le contrôle d’un véhicule. Le juge d’instance s’y réfère à bon droit en citant les passages suivants de cette décision:
[9] Pour les motifs qui suivent, j’estime que, pour avoir « la garde ou le contrôle » au sens où il faut l’entendre pour l’application du par. 253(1) du Code criminel, il faut (1) une conduite intentionnelle à l’égard du véhicule; (2) par une personne dont la capacité de conduire est affaiblie ou dont l’alcoolémie dépasse la limite légale; (3) dans des circonstances entraînant un risque réaliste, et non une infimepossibilité, de danger pour autrui ou pour un bien.
(…)
[41] Un risque réaliste que le véhicule soit mis en mouvement constitue un risque réaliste de danger, cela va de soi.  Ainsi, l’intention de mettre le véhicule en mouvement suffit à elle seule à créer le risque de danger que vise l’infraction de garde ou de contrôle.  Par contre, l’accusé qui convainc le tribunal qu’il n’avait pas pareille intention ne sera pas forcément acquitté. En effet, la personne trouvée ivre, assise à la place du conducteur et capable de mettre le véhicule en mouvement — même sans en avoir l’intention à ce moment‑là — pourrait néanmoins présenter un risque réaliste de danger.
[42] En l’absence d’une intention concomitante de conduire, il peut survenir un risque réaliste de danger d’au moins trois façons.  D’abord, une personne ivre qui, initialement, n’a pas l’intention de conduire peut, ultérieurement, alors qu’elle est encore intoxiquée, changer d’idée et prendre le volant.  Ensuite, une personne ivre assise à la place du conducteur peut, involontairement, mettre le véhicule en mouvement.  Enfin, par suite de négligence ou d’un manque de jugement ou autrement, un véhicule stationnaire ou qui n’est pas en état de fonctionner peut mettre des personnes ou des biens en danger.
[17]        Puis, analysant la preuve faite devant lui et appliquant le droit à cette preuve il s’exprime ainsi :
Alors, dans le présent dossier, l’accusé n’a pas témoigné qu’il n’avait pas l’intention de conduire le véhicule d’aucune façon, il a plutôt témoigné à l’effet contraire, à l’effet que du moment où le véhicule pourrait être sorti de l’enlisement dans lequel il était, son intention était de conduire le véhicule et de retourner chez lui. 
Alors, cette preuve et cette déclaration de l’accusé font en sorte que l’accusé a eu une conduite intentionnelle à l’égard du véhicule. La preuve révèle, je le répète, qu’il était la seule personne présente, qu’il avait les clés du véhicule sur lui et que son intention était de conduire le véhicule du moment qu’il sortirait de l’enlisement dans lequel il était. Et toute cette conduite intentionnelle à l’égard du véhicule était faite alors qu’il avait une alcoolémie qui dépassait la limite légale.
En conséquence, comme l’accusé avait comme intention de mettre le véhicule en mouvement, qu’il avait à ce moment-là plus que le taux légal d’alcoolémie, il créait du fait même le risque de danger que vise l’infraction de garde et de contrôle.  
[18]        La question de savoir si l’appelant avait la garde ou le contrôle de son véhicule est une question de fait, comme l’a dit le juge Kasirer de la Cour d’appel du Québec dans Scott Hugues v Her Majesty the Quee2014 QCCA 1095 (CanLII)n, 500-10-005599-145, 28 mai 2014 :
[5] In my view, despite its formulation, the first ground of appeal seeks to raise questions of fact relating to whether or not the petitioner had care and control of the vehicle in the circumstances. In particular, the petitioner seeks to challenge the finding of the existence of a realistic risk of danger to persons or property given that the petitioner was « merely present » in the back seat of a car and had no intention to drive. I am of the view that this ground fails to disclose a question of law.
[6] It is true that the presence of a realistic risk of danger to persons or property is a legally required element of the offence as set out in Boudreault, para. (33). The judge of the Superior Court made no mistake in this regard, recalling correctly, in my view, the law on point.  
[19]        Plus loin le juge Kasirer ajoute :
[8] As the Supreme Court reminds us at para. (50) of Boudreault, « (t)he existence or not of a realistic risk of danger is a finding of fact ». Courts can be expected to come to different conclusions, on the facts, as to whether such a risk exists.    
[20]        L’appelant plaide qu’il ne représentait pas un danger ou une menace pour autrui et qu’il se trouvait à l’abri dans un autre véhicule. Par cet argument, il demande à la Cour d'intervenir sur les faits et de substituer son évaluation de la preuve à celle du juge d’instance et de conclure qu'il n'avait pas la garde et le contrôle de son véhicule.

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