R. c. Douiri, 2023 QCCQ 8020
[144] Tragiquement, les cas impliquant des agressions sexuelles de victimes intoxiquées se comptent par centaines. Elles surviennent dans des bars, des boîtes de nuit, des campus, de même que lors de soirées bien arrosées dans des résidences privées. De toute évidence, en raison de leur état de vulnérabilité accrue, ces victimes méritent une protection engagée de la part du système judiciaire et ce, même lorsque leur intoxication est à la base volontaire. Souvent, ce sera justement à cause de leur état d’ébriété que les prédateurs opportunistes cibleront ces femmes. Les Tribunaux doivent être sensibles à cette réalité.
[145] Par ailleurs, il est évident que la valeur probante du récit de tout témoin sera grandement affectée s’il est fortement intoxiqué au moment des événements pertinents. En temps normal, la fiabilité d’un témoin, sa capacité d’observation pendant l’événement, sa capacité de se remémorer les faits et la fidélité ultime de sa mémoire seront toutes affaiblies par l’intoxication. Il s’agit de l’un des principes élémentaires en matière d’appréciation de la preuve. Ce constat n’est pas moins vrai en matière d’accusations d’ordre sexuel. Les prévenus accusés d’agression sexuelle ont le droit aux mêmes principes d’appréciation de la preuve et à l’application entière de la présomption d’innocence. L’évaluation des témoignages doit être tout aussi rigoureuse qu’elle le serait pour un dossier de voies de fait dans un bar ou de vol qualifié.
[146] Qu’on ne se méprenne pas : à l’instar de la juge Griffin dans l’arrêt R. v. Patrick, je crois utile de souligner qu’en focalisant sur l’état d’intoxication d’une plaignante, nous n’entendons aucunement suggérer que les victimes sont à blâmer. Toutefois, l’intoxication demeure une considération incontournable dans l’évaluation de la fiabilité[71].
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