samedi 28 septembre 2024

Comment un juge doit apprécier l’absence de preuve d’une raison de mentir d'un témoin ou de son absence d’amplification lorsqu'il rend témoignage

R. c. Gerrard, 2022 CSC 13

Lien vers la décision


[4]               Deux de ces facteurs appellent quelques commentaires additionnels. L’absence de preuve qu’un plaignant a des raisons de mentir peut être pertinente dans l’appréciation de la crédibilité, particulièrement lorsque la défense suggère qu’il en a (R. c. Stirling2008 CSC 10[2008] 1 R.C.S. 272, par. 10‑11R. c. Ignacio2021 ONCA 69400 C.C.C. (3d) 343, par. 38 et 52). L’absence de preuve d’une raison de mentir ou l’existence de preuve réfutant une raison particulière de mentir constitue un facteur empreint de bon sens qui tend à indiquer qu’un témoin pourrait être davantage susceptible de dire la vérité parce qu’il n’a pas de raison de mentir. Cela dit, lorsque le juge qui préside un procès prend ce facteur en considération, il doit avoir deux risques à l’esprit : (1) l’absence de preuve qu’un plaignant a des raisons de mentir (c.‑à‑d. l’absence de preuve dans un sens ou dans l’autre) ne peut être assimilée à une preuve réfutant l’existence d’une raison particulière de mentir (c.‑à‑d. une preuve établissant que la raison n’existe pas), car la seconde situation requiert qu’on en fasse la preuve et constitue donc une indication plus solide de crédibilité — aucune de ces situations n’est concluante dans l’analyse sur la crédibilité; et (2) on ne peut renverser le fardeau de la preuve en exigeant que l’accusé démontre que le plaignant a une raison de mentir ou qu’il explique pourquoi le plaignant a formulé des allégations (R. c. Swain2021 BCCA 207406 C.C.C. (3d) 39, par. 31‑33).

[5]               L’absence d’amplification peut elle aussi être pertinente dans l’appréciation de la crédibilité d’un plaignant et elle se soulève souvent par suite de suggestions portant que le plaignant a des raisons de mentir. Cependant, contrairement à l’absence de preuve d’une raison de mentir ou à l’existence de preuve réfutant une raison particulière de mentir, l’absence d’amplification n’est pas un indice qu’un témoin est davantage susceptible de dire la vérité, car tant une déposition véridique qu’une déposition malhonnête peut ne contenir aucune exagération ou amplification. L’absence d’amplification ne peut pas être invoquée pour renforcer la crédibilité du plaignant — elle a tout simplement pour effet de ne pas nuire à la crédibilité. Elle peut toutefois constituer un facteur à prendre en considération dans l’examen de la question de savoir si un témoin avait ou non une raison de mentir.

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