samedi 12 octobre 2024

La question « Souhaitez-vous dire quelque chose? », posée à la fin de la mise en garde policière, alors que l'accusé avait déjà invoqué son droit à l’assistance d’un avocat, constitue une violation de l'obligation « de surseoir à l’enquête »

R. c. G.T.D., 2018 CSC 7

Lien vers la décision


[2]                              Suivant le droit à l’assistance d’un avocat garanti à une personne détenue par l’al. 10b) de la Charte, les policiers sont obligés, « jusqu’à ce que cette personne ait eu une possibilité raisonnable de communiquer avec un avocat, [. . .] de “surseoir” à toute mesure ayant pour objet de lui soutirer des éléments de preuve de nature incriminante »  (R. c. Prosper1994 CanLII 65 (CSC), [1994] 3 R.C.S. 236, p. 269). Le premier point litigieux en l’espèce consiste à décider si la question [traduction] « Souhaitez-vous dire quelque chose? », posée à la fin de la mise en garde habituelle du Service de police d’Edmonton, alors que G.T.D. avait déjà invoqué son droit à l’assistance d’un avocat, a constitué une violation de cette obligation « de surseoir à l’enquête ». Nous sommes tous d’avis que oui, car elle a donné lieu à une déclaration de la part de G.T.D.

[3]                              L’autre point litigieux consiste à décider si cette violation justifie l’exclusion de la déclaration de G.T.D. en application du par. 24(2) de la Charte. La Cour, à la majorité, répond par l’affirmative, appuyant pour l’essentiel sa décision sur les motifs de la juge Veldhuis de la Cour d’appel. Comme l’indique cette dernière au par. 83 de ses motifs, la Couronne a eu amplement l’occasion de présenter d’autres éléments de preuve sur les politiques ou la formation au sein du Service de police d’Edmonton, mais elle a décidé de ne pas le faire. Par conséquent, les juges majoritaires accueilleraient l’appel et ordonneraient la tenue d’un nouveau procès.

[4]                              Le juge en chef rejetterait l’appel au motif que la violation ne justifie pas l’exclusion de la déclaration de G.T.D. L’appelant a plaidé que le recours à la question « Souhaitez-vous dire quelque chose? » dans la mise en garde habituelle se traduit par une situation de violations systémiques de la Charte. Bien qu’une telle situation puisse exacerber la gravité de la conduite attentatoire de l’État, le juge en chef est d’avis que, dans la présente affaire, la situation n’a impliqué ni violation de règles bien établies ni négligence dans la détermination de ce que ces règles imposaient. L’obligation « de surseoir à l’enquête » est elle-même bien établie.

[5]                              Compte tenu des circonstances, la réponse à la question de savoir si cette forme de mise en garde respecte ou non la portée de l’obligation « de surseoir à l’enquête » n’était pas, de l’avis du juge en chef, suffisamment claire pour permettre de conclure que l’erreur des policiers, indépendamment de son caractère systémique, était déraisonnable ou dénuée de bonne foi. Selon lui, nous ne sommes pas non plus en présence d’un cas où les policiers ont irrégulièrement choisi « le moyen le moins compliqué lorsque [la Charte comportait] une zone grise » (R. c. Fearon2014 CSC 77, [2014] 3 R.C.S. 621, par. 94).

[6]                              Le juge en chef conclut que le fait que la question avait été accompagnée de renseignements clairs relativement au choix de G.T.D. de parler ou non aux policiers avait atténué à tel point l’incidence de la conduite de l’État sur le droit garanti par la Charte de l’accusé que, au regard de la gravité de la violation et de l’intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée sur le fond, l’admission de la déclaration ne serait pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

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