El Morr c. R., 2010 QCCA 812
[101] L'intimée plaide qu'il faut relativiser les choses :
[…] rappelons qu'il s'agissait ici d'un procès devant juge seul et non d'un procès devant jury et la facture du jugement de première instance démontre que le juge n'a fait aucun usage de la question ici contestée ou de la réponse donnée par l'appelant. La seule référence faite par le premier juge du passage de l'appelant dans l'armée est celle livrée par l'appelant lui-même à propos de ses connaissances des armes à feu et de leur maniement.
[Souligné dans l'exposé écrit de l'intimée.]
[102] Je ne retiens pas cet argument. Il est vrai qu'un procès présidé par un juge seul réduit considérablement le risque que cette preuve crée de la confusion à l'égard des enjeux soulevés. Par contre, comme le soulignait l'avocat de l'appelant à l'audience, ce n'est pas une raison en soi ni une licence pour justifier le dépôt d'éléments de preuve inadmissibles ou encore les questions illégales. Comme le mentionne à ce sujet le juge Helper dans R. v. W. (R.S.) (1990), 1990 CanLII 10983 (MB CA), 55 C.C.C. (3d) 149 (Man. C.A.), à la p. 157, un arrêt prononcé à la suite d'un procès présidé par un juge seul :
A trial judge is charged with the responsibility of ensuring that proceedings before him (or her) are conducted fairly. He has an overriding duty in every case to ensure a fair trial. He is the ultimate umpire whose duties include excluding inadmissible evidence and preventing cross-examination which goes beyond permissible limits, even though not objected to by counsel for the accused.
[103] Dans R. c. Duguay, [2001] J.Q. n° 4037, J.E. 2001-1769 (C.A. Qué.), au paragr. 46, le juge Biron écrivait, pour la Cour :
Présumé innocent, un accusé a droit à un procès équitable.
[104] Or, un contre-interrogatoire abusif peut rendre le procès inéquitable. Dans R v. R. (A.J.), (1994) 1994 CanLII 3447 (ON CA), 94 C.C.C.(3d) 168 (C.A. Ont.), le juge Doherty écrit :
23 There are, however, well-established limits on cross- examination. Some apply to all witnesses, others only to the accused. Isolated transgressons of those limits may be of little consequence on appeal. Repeated improprieties during the cross-examination of an accused are, however, a very different matter. As the improprieties mount, the cross-examination may cross over the line from the aggressive to the abusive. When that line is crossed, the danger of a miscarriage of justice is very real. If improper cross-examination of an accused prejudices that accused in his defence or is so improper as to bring the administration of justice into disrepute, an appellate court must intervene […]
[Je souligne.]
[105] Dans R. v. White (1999), 1999 CanLII 3695 (ON CA), 132 C.C.C. (3d) 373 (C.A. Ont.), le juge Doherty s'exprime ainsi :
6 There is no need to review the well-established and unfortunately ever-growing line of authority relating to improper cross-examination by Crown counsel. Improper cross-examination of an accused may taint a trial either by resulting in actual prejudice to an accused or by creating the appearance of unfairness.
[Je souligne.]
[106] Je suis d'avis que c'est le cas en l'espèce et que le contre-interrogatoire de l'appelant a mis en cause l'équité du procès. Le juge ne pouvait demeurer passif. Dans R. v. Snow (2004), 2004 CanLII 34547 (ON CA), 190 C.C.C. (3d) 317 (C.A. Ont.), il est écrit :
[24] On the other hand, a trial judge is certainly entitled to control the proceedings and to intervene when counsel fail to follow the rules or abide by rulings. A trial judge is not a mere observer who must sit by passively allowing counsel to conduct the proceedings in any manner they choose. It is well recognized that a trial judge is entitled to manage the trial and control the procedure to ensure that the trial is effective, efficient and fair to both sides:
[107] Dans ces circonstances, la disposition réparatrice du paragr. 686 (1)b)(iii) C.c.r. ne saurait s'appliquer: R. c. Fanjoy, 1985 CanLII 53 (CSC), [1985] 2 R.C.S. 233; R. c. Khan, 2001 CSC 86 (CanLII), [2001] 3 R.C.S. 823. Par ailleurs, et de toute façon, la preuve n'est pas suffisamment forte, notamment à cause de la question de l'identité du tireur, pour conclure que le procès ne pouvait se terminer que par un verdict de culpabilité.
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