jeudi 2 janvier 2025

Le fait de filmer le déroulement d'une infraction peut constituer, selon les circonstances de l'affaire, une forme d'encouragement au sens de l'article 21 Ccr

R. c. Herygers (W.), 1996 CanLII 4880 (NB BR)

Lien vers la décision


[12] Aucune preuve ne montre que M. Herygers a lui-même pêché à la turlutte. Sa culpabilité dépend de sa participation à l'infraction par application de l'art. 21 du Code criminel, L.R.C. 1985, c. C-46. L'article 21 du Code prévoit ce qui suit: "21(1) Participent à une infraction: a) quiconque la commet réellement; b) quiconque accomplit ou omet d'ac-complir quelque chose en vue d'aider quelqu'un à la commettre; c) quiconque encourage quelqu'un à la commettre. "(2) Quand deux ou plusieurs personnes forment ensemble le projet de poursuivre une fin illégale et de s'y entraider et que l'une d'entre elles commet une infraction en réalisant cette fin commune, chacune d'elles qui savait ou devait savoir que la réalisation de l'intention commune aurait pour conséquence probable la perpétration de l'infraction, participe à cette infraction. S.R., ch. C-34, art. 21." Suivant les alinéas 21(1)b) et c), quiconque aide ou encourage quelqu'un à commettre une infraction est coupable de cette infraction. Aux termes du paragraphe 21(2), la responsabilité du contrevenant principal et des participants dépasse celle de Pacte fautif projeté. La personne qui prend part à un acte illégal avec une autre personne est coupable non seulement de cette infraction, mais aussi d'une deuxième infraction commise par le contrevenant principal si la deuxième infraction était une conséquence prévisible, c'est-à-dire une conséquence probable de la perpétration de la première. En l'espèce, le paragraphe 21(2) ne nous concerne pas. 

[13] En conséquence, il faut établir si l'appelant est responsable et coupable, en tant que participant à l'infraction, d'actes ou d'omissions qui ont été commis dans le dessein d'aider l'auteur principal à perpétrer une infraction. La question à trancher en l'espèce est de savoir si la preuve est suf-fisante pour établir que M. Herygers a accompli dés actes dans le dessein d'aider ou d'encourager MM. Couture et Leger à commettre l'infraction de pêche à la turlutte, même s'il n'a pas lui-même pêché à la turlutte. En termes simples, M. Herygers a-t-il aidé ou encouragé MM. Couture et Leger à commettre l'infraction de pêche à la turlutte? 

[14] Quelqu'un qui acquiesce passivement, pendant qu'un autre commet un crime, n'est pas un participant à l'infraction. Un spectateur n'est pas un participant à une infraction à moins qu'il n'encourage effectivement le contrevenant principal ou n'accomplisse effectivement quelque chose pour l'aider. Le poursuivant doit prouver que l'accusé, par acte ou par omission, a aidé ou encouragé le contrevenant principal à commettre l'infraction et qu'il a agi ou omis d'agir ainsi dans l'intention de l'aider ou de l'encourager à commettre cette infraction. On lit ce qui suit à la page 90 de l'arrêt R. c. Mammolita (1983), 9 C.C.C.(3d) 85, arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario: 

"[...] pour que soit engagée la responsabilité d'une personne qui aide ou encourage la commission d'une infraction [...]: (i) Il faut un acte ou une omission qui constitue une aide ou un encouragement. (ii) On doit accomplir un acte ou omettre d'accomplir un acte tout en sachant que l'infraction sera commise ou est en train de l'être. (iii) L'acte doit être accompli ou l'omission doit se produire dans le dessein (avec l'intention) d'aider ou d'encourager l'auteur principal à commettre l'infraction." 

[15] Il ne peut y avoir aucun doute que M. Herygers savait que MM. Couture et Leger pêchaient à la turlutte. Compte tenu de toutes les circonstances, puisqu'il le savait, l'intention peut être inférée des actes décrits par le juge du procès dans ses conclusions, et auxquels M. Herygers avait pris part. 

[16] D'après la décision du juge du procès, l'examen de l'ensemble de la preuve révèle que les actes de M. Herygers suffisent à établir sa participation aux infractions commises par MM. Leger et Couture. Le juge du procès a conclu qu'il avait fourni une étiquette de pêche à M. Leger pour qu'il la fixe à l'un des saumons qu'il avait pêchés à la turlutte, et que M. Herygers était au courant de la méthode employée pour pêcher ce poisson. Il a aussi conclu que M. Herygers avait fourni une mouche à M. Couture pour remplacer le leurre qui lui avait servi à pêcher à la turlutte et savait que M. Couture pêchait le saumon à la turlutte. Le juge a conclu que le filetage effectué avec la caméra vidéo était sélectif, et je pense qu'il a également conclu que soit M. Couture, soit M. Leger, avait demandé à M. Herygers de l'aider à capturer l'un des saumons, selon les mots entendus vers la fin de la bande vidéo: "Attrape-le, Bill." 

[17] Vu toutes les circonstances, je suis convaincu que la preuve était suffisante pour amener le juge du procès à conclure que M. Herygers avait pris une part active à l'infraction de pêche à la turlutte et avait aidé et encouragé MM. Leger et Couture à la commettre. Le juge, en évaluant l'ensemble de la preuve, a conclu qu'il n'avait pas été un spectateur passif et avait bel et bien pris part à l'infraction. Le verdict est raisonnable, est appuyé par la preuve et ne devrait donc pas être modifié. 

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