Céré c. Directeur des poursuites criminelles et pénales, 2024 QCCA 344
[99] Dans l’arrêt La Souveraine, le juge Wagner (tel était alors son titre) explique que le refus de reconnaître une défense d’erreur de droit se justifie par des exigences normatives liées au bon fonctionnement de l’administration de la justice et à la préservation de l’ordre social :
[69] La raison d’être de la règle relative à l’ignorance de la loi est d’assurer la bonne marche du système de justice pénale et le maintien de l’ordre social. Les auteurs G. Côté-Harper, P. Rainville et J. Turgeon donnent les explications suivantes à l’égard de cette règle traduite par la maxime « nul n’est censé ignorer la loi » (Traité de droit pénal canadien (4e éd. 1998), p. 1098):
La présomption de connaissance de la loi devient la contrepartie du principe de la légalité. Le législateur assure les citoyens qu’il ne les punira pas sans leur avoir au préalable indiqué ce qui est interdit ou impératif. Mais, en échange, il leur impose l’obligation de se renseigner avant d’agir. . .
La crainte du désordre social et de l’anarchie est l’argument majeur invoqué par ceux qui désirent le maintien de la maxime. Il serait dangereux et abusif d’admettre sans restriction que l’on puisse s’abriter derrière une excuse subjective d’ignorance.
[100] Comme on l’a vu auparavant, l’erreur de droit suppose qu’une personne « ignore la règle de droit ou se méprend sur son contenu, sa portée ou son application »[64]. À titre d’exemple, la croyance erronée qu’une disposition du Code criminel ne s’applique pas sur une réserve autochtone constitue une erreur de droit[65].
[101] Une erreur de droit ne peut excuser la perpétration d’un crime[66] ou d’une infraction de responsabilité stricte[67]. La Cour suprême « a appliqué fermement et constamment le principe de l’irrecevabilité d’une défense d’ignorance de la loi. Elle a d’ailleurs donné effet à ce principe, non seulement en droit criminel proprement dit, mais aussi à l’égard des infractions réglementaires »[68].
[102] Dans l’arrêt La Souveraine, le juge Wagner écrit que « dans l’état actuel du droit au Canada, aussi raisonnable que puisse être une erreur de droit, contrairement à l’erreur de fait et à l’exception fondée sur une erreur de droit provoquée par une personne en autorité, cette erreur de droit ne peut servir de défense valable dans le cas d’une infraction de responsabilité stricte »[69].
[103] Le juge Wagner reproduit ensuite le passage qui suit de l’arrêt Molis : « l’arrêt Sault Ste-Marie parle de la défense de diligence raisonnable par rapport à l’accomplissement d’une obligation imposée par la loi et non par rapport aux recherches sur l’existence d’une interdiction ou sur son interprétation »[70].
[104] La « croyance honnête mais erronée quant aux conséquences juridiques d'actes délibérés ne constitue pas un moyen de défense opposable à une accusation criminelle, même si l'erreur ne peut être attribuée à la négligence de l'accusé »[71]. Il s’avère conséquemment « inutile pour un défendeur de démontrer qu’il a déployé des efforts raisonnables pour connaître la loi ou que, par méconnaissance de celle-ci, il a agi de bonne foi »[72].
[105] Un défendeur ne peut invoquer comme défense « qu’il s’est enquis de façon raisonnable de la légalité de ses actes ou de sa situation »[73]. En effet, le juge Wagner signale que « l’objectif de la protection du public qui est à la base de la création des infractions réglementaires milite fortement contre la recevabilité d’une défense générale d’erreur de droit raisonnable dans ce domaine »[74].
[106] De plus, la bonne foi du défendeur sera en soi rarement déterminante sauf si elle confirme ou tend à démontrer la diligence raisonnable du défendeur[75].
E. Erreur de droit provoquée par une personne en autorité
[107] Il peut toutefois être fait exception aux principes que je viens d’exposer si le défendeur démontre que l’erreur de droit a été provoquée par une personne en autorité[76] et si les conditions encadrant cette défense sont respectées[77].
[108] Selon cette défense, qui peut conduire à un arrêt des procédures dans les cas les plus clairs et non à un acquittement[78], l’avis obtenu doit provenir « d’une personne en autorité compétente en la matière »[79]. On considère « en général, [que] les fonctionnaires qui sont responsables de l’application de la loi en question seront considérés comme des personnes en autorité compétentes en la matière »[80].
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