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lundi 27 janvier 2025

La défense De minimis non curat lex en matière de possession de drogue

Dubourg c. R., 2018 QCCA 1999

Lien vers la décision


[37]        Par ce moyen, l’appelant prétend, qu’étant donné la quantité infime en cause, il aurait dû être acquitté du chef de possession de cannabis en application du principe de minimis non curat lex (la loi ne se soucie pas des petites choses sans importance). L’intimée soutient que l’existence de cette défense est controversée en jurisprudence et qu’elle n’est certainement pas applicable à l’espèce.

[38]        Il existe effectivement une controverse en jurisprudence et en doctrine quant à l’existence et l’étendue du principe de minimis non curat lex en tant que moyen de défense en droit criminel. Ce principe a alternativement été décrit comme considération pour les agents de la paix et le ministère public dans l’exercice de leur discrétion, principe de détermination de la peine et moyen de défense complet. Il est manifeste que l’ampleur minime, voire négligeable, du comportement infractionnel est une considération importante pour la détermination de la peine. Si le comportement n’a pas vraiment causé le mal que l’infraction vise à réprimer et ne lui correspond que techniquement, l’auteur, en temps normal, ne devrait pas être sanctionné sévèrement par le droit pénal. Toutefois, la question soulevée devant la Cour n’est pas l’incidence sur la peine d’une violation de très faible importance d’une loi pénale, mais bien son incidence sur la culpabilité de l’auteur. Autrement dit, l’auteur devrait-il être acquitté de l’accusation quand le comportement infractionnel est de très faible importance ou gravité?

[39]        La jurisprudence a généralement refusé d’exclure ce moyen de défense de common law, tout en soulignant que son application est fort limitée[28]. Néanmoins, il existe des précédents dans lesquels cette défense a été admise et la personne accusée fut acquittée pour ce motif[29]. Plus particulièrement dans le contexte de la possession de drogues, une distinction paraît entre les affaires qui concernent une quantité utilisable et celles qui concernent des traces ou résidus. C’est dans la seconde catégorie que le principe de minimis non curat lex est parfois retenu comme un moyen de défense valide[30], mais pas systématiquement[31]. Il faut cependant noter qu’en présence de quantités infimes de cet ordre, il peut également exister un doute sérieux à l’égard des éléments essentiels de connaissance et de contrôle requis pour former la possession de la substance. Cela justifierait tout autant l’acquittement, sans toutefois appliquer le principe de minimis[32].

[40]        Indépendamment de la mesure dans laquelle la défense est reconnue, si elle l’est, en droit criminel canadien, je ne peux me convaincre que la juge du procès a erré en droit en refusant de l’appliquer dans cette affaire. La quantité de cannabis trouvée en la possession de l’appelant est certes petite, mais elle ne peut pas être qualifiée de trace ou de résidu. Il s’agit d’une quantité mesurable et pouvant être consommée, d’autant plus qu’un objet servant à la consommation a également été trouvé sur l’appelant. Dans les circonstances, la défense de de minimis non curat lex ne présente pas la vraisemblance requise pour que la juge ait eu l’obligation de l’examiner. Conclure autrement reviendrait à indirectement établir un seuil en dessous duquel une personne en possession de stupéfiants n’est pas l’auteur d’une infraction. Ce seuil n’existe pas dans la législation en vigueur au moment des faits ou au moment du jugement de première instance.

[41]        Qui plus est, cette question doit mener la Cour à faire preuve d’une grande prudence quant à son rôle. L’application de ce principe plutôt imprécis risque de placer un tribunal dans le rôle du législateur dans la mesure où un acquittement basé sur le principe de de minimis équivaut à la neutralisation d’une infraction clairement établie par la loi sans égard pour la quantité. Aussi, les tribunaux doivent se garder de contredire le choix discrétionnaire du ministère public de porter des accusations pour un comportement donné, sauf dans les cas les plus manifestes.

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