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mercredi 5 mars 2025

La renonciation implicite au secret professionnel de l'avocat

Province canadienne de la Congrégation de Sainte-Croix c. J.J., 2023 QCCA 1140

Lien vers la décision


[19]      Avant d'expliquer comment elle parvient à cette conclusion, la Cour examinera tout d'abord la nature du secret professionnel et la notion de renonciation implicite.

[20]      Le secret professionnel protège les communications entre un avocat et son client qui visent à obtenir ou à prodiguer des conseils juridiques et qui sont censées être confidentielles[13]. Cette protection est consacrée par de nombreux textes de loi, dont le Code civil du Québec[14], le Code des professions[15] et la Loi sur le Barreau[16]. L'importance accordée au secret professionnel se traduit par son statut quasi constitutionnel conféré par l'article 9 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne[17].

[21]      Le secret professionnel n'est pas absolu et peut être perdu de plusieurs façons, notamment par la renonciation. Elle peut être explicite ou implicite, mais doit, dans tous les cas, être claire et non équivoque[18]. L'analyse de ce qui peut constituer une renonciation implicite est nécessairement contextuelle et doit être entreprise avec prudence, afin de ne pas étendre la renonciation au-delà de ce qui est nécessaire pour les fins du litige[19].

[22]      Dans l'arrêt Glegg de la Cour Suprême du Canada, une affaire provenant du Québec et portant sur le secret médical, la notion de renonciation implicite est décrite dans les termes suivants[20] :

19        Le présent pourvoi soulève toutefois un problème de renonciation implicite.  Bien que la renonciation ne se présume pas, la jurisprudence et la doctrine admettent cette forme de renonciation et lui donnent effet.  Elle s’infère des gestes posés par le titulaire du droit, qui se révèlent incompatibles avec la volonté de préserver le secret professionnel ou plutôt d’éviter la divulgation de l’information confidentielle que protège celui-ci. (…)

[Souligné par la Cour]

[23]      Dans cette affaire, il a été jugé que l'intimée avait implicitement renoncé à son privilège en raison de la nature des allégations de son action et les réponses qu’elle avait données au cours de son interrogatoire au préalable. Dans le même ordre d'idées, la Cour a observé dans N9ne Realty Inc. c. First Capital (Aylmer Principale) Corporation Inc.que, lorsque le détenteur d'un privilège introduit dans un litige un fait dont l'existence ne peut être démontrée ou contestée sans que le secret soit levé en tout ou en partie, il peut y avoir renonciation implicite[21]. Toujours en matière de renonciation implicite, la Cour concluait dans Procureur général du Québec c. Beaulieu que si un rapport d’enquête avait déjà été visé par le secret professionnel, il ne l’était définitivement plus par suite de sa diffusion volontaire dans l’espace public par l’organisme qui l’avait commandé. En effet, « on ne peut plus plaider qu’est secret ce qui a été volontairement rendu public »[22]

[24]      Ainsi, les gestes du détenteur du privilège – y compris ses écrits et ses paroles – peuvent entraîner la renonciation au privilège. La question soulevée dans le présent pourvoi est quelque peu différente. Ce ne sont pas les gestes posés par les appelantes qui impliqueraient une renonciation, mais plutôt leur inaction.

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