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mardi 13 mai 2025

La notion d’occasion exclusive & la notion d’occasion non exclusive

R. c. Sorella, 2023 QCCS 4762 

Lien vers la décision


[71]        L’occasion (ou opportunité) exclusive, tout comme le mobile, est une inférence constituant un fait intermédiaire qui n’a pas à être établi selon la norme hors de tout doute raisonnable[13].

[72]        Dans Foomani, notre Cour d’appel confirmait ce propos et rappelait que c’est la culpabilité qui doit satisfaire au fardeau d’une preuve hors de tout doute raisonnable, et non chaque élément individuel de preuve[14].

[73]        La preuve d’une occasion exclusive peut néanmoins constituer une preuve circonstancielle suffisante afin d’établir l’identité hors de tout doute raisonnable[15].

[74]        Tout dépend de l’ensemble de la preuve, mais lorsqu’elle est considérée comme crédible, l’occasion exclusive peut être hautement persuasive afin d’établir hors de tout doute raisonnable l’identité de l’accusé[16].

[75]        Dans un tel cas, le mobile devient non pertinent[17].

[76]        L’accusé qui est confronté à une preuve d’occasion exclusive peut présenter des éléments de preuve repoussant la thèse du ministère public, comme la preuve d’un manque de capacité physique, d’habileté, d’expertise ou l’existence d’une chance équivalente (ou meilleure) que celle d’autrui[18].

[77]        La thèse du tiers suspect peut également repousser l’argument de l’occasion exclusive[19].

[78]        La façon d’aborder le caractère suffisant de ce type de preuve a été décrite par la Cour d’appel du Québec dans Masse. Il s’agissait d’un crime d’incendie où il n’y avait aucune preuve directe contre l’accusée. Le juge de première instance avait conclu à l’opportunité exclusive et la Cour précisait que pour être convaincu que l'appelante avait mis le feu, il fallait conclure que personne d’autre n’eût pu allumer l’incendie et que ce fait fut prouvé hors de tout doute raisonnable[20].

[79]        La Cour a finalement statué que la possibilité que ce ne fut pas le cas était plus qu’une simple conjecture ou une hypothèse farfelue et empêchait de dire que l’appelante avait eu l’opportunité exclusive. La Cour a donc accueilli l’appel et acquitté l’accusée[21].

[80]        En somme, l’existence de l’occasion exclusive peut, à elle seule, suffire à prouver la culpabilité d’un accusé hors de tout doute raisonnable[22].

[81]        Ce n’est cependant pas le cas de la simple occasion d’agir, qui en soi, n’exclut pas la possibilité qu’une autre personne ait pu perpétrer l’infraction[23].

2.1.2      La notion d’occasion non exclusive

[82]        La preuve de la simple occasion d’agir est un élément de preuve circonstancielle admissible qui est pertinent à l’identification, qui est elle-même un élément essentiel de chaque infraction[24].

[83]        Elle ne peut toutefois supporter à elle seule une condamnation[25].

[84]        Il en découle que la poursuite n’a pas à démontrer que l’opportunité est « exclusive » lorsque d’autres circonstances incriminantes sont prouvées[26].

[85]        En effet, la Cour suprême indiquait dans Yebes que « dans une affaire où la preuve de l'occasion est accompagnée d'autres éléments de preuve incriminants, une occasion qui n'exclut pas tout à fait toute autre possibilité peut suffire »[27].

[86]        Une preuve complémentaire à la simple occasion doit être davantage qu’un mobile[28], au risque de constituer un verdict déraisonnable[29].

[87]        Dans Ferianz, la Cour d’appel de l’Ontario indiquait que l’effet cumulé d’une preuve de mobile et d’une preuve d’opportunité était insuffisant pour justifier une condamnation parce que l’opportunité qui n’est pas exclusive est pratiquement au même niveau qu’une preuve de mobile[30].

[88]        Cette précision étant apportée, la Cour indiquait dans Yebes « [qu’o]n peut alors conclure que, lorsqu'il est démontré qu'un crime a été commis et que les éléments de preuve incriminants retenus contre l'accusé ont principalement trait à l'occasion, la culpabilité de l'accusé n'est pas la seule déduction rationnelle qui peut en être tirée à moins que l'accusé ait eu une occasion exclusive de toute autre possibilité de le commettre »[31].

[89]        Dans l’affaire Lalonde le juge Jean-François Gosselin analysait la façon « d'apprécier le degré d'opportunité que l'accusé a eu de commettre le crime » et référait à « un exercice de déduction par élimination de diverses hypothèses » afin de déterminer si « l'accusé est virtuellement la seule personne à avoir pu commettre le crime »[32].

[90]        En résumé, en présence d’autres éléments de preuve incriminante suffisants, la poursuite n’a pas à démontrer l’opportunité exclusive pour que le juge des faits soit satisfait hors de tout doute raisonnable que la culpabilité de l’accusé constitue la seule conclusion rationnelle à tirer de la preuve[33].

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