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mardi 27 mai 2025

Le « retrait de plaidoyer » en appel

Vasilakakos c. R., 2023 QCCA 420

Lien vers la décision


[22]      Le « retrait de plaidoyer » en appel s’inscrit dans la catégorie d’appel prévue au sous-alinéa 686(1)a)(iii) C.cr. qui autorise la Cour à admettre un appel si elle conclut que, pour un motif quelconque, dont un plaidoyer invalide, il y a eu erreur judiciaire : R. c. Wong2018 CSC 25 (CanLII), [2018] 1 R.C.S. 696, par. 1.

[23]      Il n'est pas contesté qu’un plaidoyer valide doit être libre, sans équivoque et éclairé, ce qui ne peut être le cas que si l’accusé est au courant « de la nature des allégations faites contre lui, ainsi que des effets et des conséquences de son plaidoyer » : R. c. Wong, par. 3.

[24]      Le plaidoyer est « le fruit du choix subjectif de l’accusé » : R. c. Wong, par. 14. Ainsi, la personne « qui souhaite retirer son plaidoyer de culpabilité doit prouver l’existence d’un préjudice au moyen d’un affidavit établissant la possibilité raisonnable qu’il aurait (1) enregistré un plaidoyer différent ou (2) plaidé coupable, mais à d’autres conditions » : R. c. Wong, par. 19Vasilakakos n’invoque que la première possibilité.

[25]      L’appelant doit par ailleurs convaincre le tribunal de révision; ce n'est pas parce qu’il invoque un préjudice pouvant justifier le retrait de son plaidoyer que son affirmation doit être acceptée.

[26]      La Cour insiste sur le fait que « le tribunal de révision doit en outre mettre à l’épreuve la véracité des affirmations de l’accusé comme telles » : R. c. Wong, par. 28. Elle explique que « [c]omme c’est le cas pour toutes les conclusions sur la crédibilité, la prétention de l’accusé quant à savoir quel aurait été son choix subjectif et pleinement éclairé est appréciée en fonction de circonstances objectives. Le tribunal doit donc examiner attentivement la prétention de l’accusé et se pencher sur la preuve circonstancielle et objective permettant de mettre à l’épreuve la véracité de cette prétention au regard d’une norme de possibilité raisonnable » : R. c. Wong, par. 26R. c. Ouimet2019 QCCA 727, par. 32R. c. Mohabir2021 QCCA 1806, par. 3. Selon la Cour suprême, « [l]’analyse est donc subjective visàvis de laccusé, mais permet d’évaluer objectivement la crédibilité de la prétention subjective avancée par laccusé. » : R. c. Wong, par. 6.

[27]      Toujours dans l’arrêt Wong, le juge Moldaver identifie des circonstances objectives qui intéressent l’analyse : « la solidité du dossier du ministère public, les concessions ou déclarations faites par le ministère public au sujet de son dossier (notamment s’il s’est montré disposé à présenter une recommandation conjointe ou à réduire l’accusation à celle d’une infraction moindre et incluse) et tout moyen de défense pertinent que l’accusé pourrait faire valoir. Le tribunal pourrait aussi évaluer la solidité du lien de causalité entre le plaidoyer de culpabilité et la conséquence indirecte, c’estàdire examiner si l’élément déclencheur de la conséquence indirecte est la déclaration de culpabilité comme telle et non la durée de la peine. Plus précisément, lorsque la conséquence indirecte dépend de la durée de la peine — sans oublier qu’un plaidoyer de culpabilité atténue généralement la peine imposée —, le tribunal pourrait avoir des raisons de douter de la véracité de la prétention avancée par l’accusé. » : R. c. Wong, par. 26Rv. Berhe2022 ONCA 853, par. 77.

[28]      Pour évaluer si l’appelant aurait enregistré un plaidoyer différent, la Cour doit faire abstraction de ses chances d’avoir gain de cause à son procès ou de l’existence d’une défense. Ce ne sont pas des guides valables dans la mesure où la conséquence certaine qui découle de son plaidoyer et qui était inconnue « rendait intéressantes même de faibles chances d’avoir gain de cause à l’issue d’un procès » : R. c. Wongpar. 20, 23. Le « préjudice réside dans le fait qu’en plaidant coupable, l’accusé a renoncé à son droit à un procès » : R. c. Wongpar. 23.

[29]      Cela étant dit, il existe deux volets à la démonstration d’un plaidoyer de culpabilité non éclairé. L’appelant doit d’abord établir qu’un déficit d’information a entraîné des conséquences suffisamment graves et, ensuite, qu’un préjudice a ainsi été causé.

[30]      Lorsque la validité du plaidoyer est contestée une fois en possession de la bonne information ou d’une preuve qui n’avait pas été divulguée, il faut mesurer l’importance et la portée de la conséquence juridique inconnue qui découle du plaidoyer. Cette évaluation se fait selon une analyse objective. Lorsqu’un nouvel élément de preuve est divulgué, il faut tenir compte de son importance, notamment en raison de sa pertinence ou des possibilités nouvelles auxquelles il donne ouverture.

[31]      L’arrêt de Wong rappelle et précise ces principes :

[34] La question de savoir si un accusé n’est pas informé — c’est‑à‑dire si les renseignements dont il n’est pas au courant font partie de ceux que l’accusé doit connaître pour inscrire un plaidoyer éclairé — est évaluée objectivement. En l’espèce, cette étape vise à apprécier objectivement la gravité de la conséquence juridique inconnueDans Taillefer, cela comprend l’évaluation de « la preuve non divulguée [. . .] avec l’ensemble de la preuve déjà connue » (par. 90). La question de savoir si la preuve non divulguée est suffisamment grave pour que l’accusé soit mal informé est indéniablement une question objective. Et c’est à cette analyse objective que se reporte le juge LeBel lorsqu’il énonce l’élément objectif du cadre d’analyse dans Taillefer pour l’annulation d’un plaidoyer. Il affirme que ce cadre d’analyse tient compte du « nombre, [de] l’importance et [de] la pertinence des éléments de preuve non divulgués et [d]es possibilités nouvelles qu’aurait offertes leur utilisation éventuelle » (par. 111). Dans Taillefer, à la suite de l’application de cet examen objectif, le juge LeBel conclut que la non‑divulgation « a porté une atteinte grave au droit de l’appelant à une défense pleine et entière » (par. 112). Précisons toutefois que cette atteinte découlait de la teneur objective de la preuve non divulguée, et non de la perception subjective par l’appelant dans cette affaire de l’importance de cette preuve pour son plaidoyer.

R. c. Wong2018 CSC 25 (CanLII), [2018] 1 R.C.S. 696, par. 34 (je souligne).

[32]      Quant au préjudice, il est évalué subjectivement, c’est-à-dire en se demandant si l’accusé, et personne d’autre, aurait présenté le même plaidoyer s’il avait été informé : Wong, par. 35. Dans le cas d’une preuve inconnue au moment de plaider coupable, « les tribunaux doivent apprécier “quelle aurait été la portée de la preuve inconnue sur la décision du prévenu d’admettre sa culpabilité” et le critère applicable consiste à évaluer  “l’existence d’une possibilité réaliste que le prévenu aurait couru le risque d’un procès s’il avait été en possession de ces renseignements » : Wong, par. 35 (souligné dans le texte).

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