R. c. J.W., 2025 CSC 16
[78] Avant d’être modifié en 2008, le par. 719(3) du Code permettait aux tribunaux de « prendre en compte toute période que la personne a passée sous garde par suite de l’infraction ».
[79] Dans l’arrêt R. c. Wust, 2000 CSC 18, [2000] 1 R.C.S. 455, notre Cour s’est penchée sur la question de savoir si un crédit majoré pouvait être octroyé lorsque cet octroi donnerait lieu à une peine inférieure à la peine minimale obligatoire. La juge Arbour, rédigeant les motifs de la Cour, a conclu que cela était possible. Elle a reconnu que, « par opposition à la réduction légale de peine ou à la libération conditionnelle, la période passée sous garde avant le prononcé de la peine est véritablement passée en détention, souvent dans des circonstances plus pénibles que celles dans lesquelles sera purgée la peine infligée en bout de ligne » (par. 28). La juge Arbour a également cité l’affirmation de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt R. c. Rezaie (1996), 1996 CanLII 1241 (ON CA), 31 O.R. (3d) 713, p. 721, où le juge Laskin a résumé les deux raisons d’être qui sous‑tendent l’octroi d’un crédit majoré pour la détention présentencielle :
[traduction] . . . à deux égards, la période passée sous garde avant le procès est encore plus pénible que celle qui suit le prononcé de la peine. Premièrement, sauf dans le cas de l’emprisonnement à perpétuité, les dispositions législatives touchant l’admissibilité à la libération conditionnelle et à la libération d’office ne prennent pas en compte la période passée sous garde par le délinquant avant le procès (ou le prononcé de sa peine). Deuxièmement, les centres de détention locaux n’offrent habituellement pas de programmes d’enseignement, de recyclage ou de réadaptation des accusés qui attendent leur procès. [par. 28]
[80] Dans l’ensemble, la Cour dans l’arrêt Wust a avalisé la pratique bien établie des juges chargés de la détermination de la peine qui consiste à accorder un crédit majoré lorsqu’ils fixent une peine (par. 44‑45). Historiquement, les juges accordaient un crédit à raison de deux jours pour un (par. 45), bien que des ratios de trois jours pour un, ou même de quatre jours pour un, aient été appliqués dans le cas de délinquants dont les conditions de détention présentencielle avaient été exceptionnellement dures (Summers, par. 31).
[81] En 2009, le Parlement a adopté la Loi sur l’adéquation de la peine et du crime, L.C. 2009, c. 29 (« LAPC »), qui a changé la façon dont le crédit majoré est accordé de deux façons (Summers, par. 32). Premièrement, le Parlement a modifié le par. 719(3) de sorte que, même si les tribunaux pouvaient « prendre en compte toute période que la personne a passée sous garde par suite de l’infraction », l’octroi du crédit devait se faire à raison d’un jour pour un. Deuxièmement, le Parlement a édicté le par. 719(3.1), lequel prévoit la possibilité que le crédit majoré soit augmenté à raison d’un jour et demi pour un « si les circonstances le justifient », à moins que l’accusé ait été détenu dans l’attente de son procès pour un motif précis, p. ex., le non‑respect de ses conditions de mise en liberté sous caution (Summers, par. 32).
[82] Dans l’arrêt Summers, ainsi que dans l’affaire connexe R. c. Carvery, 2014 CSC 27, [2014] 1 R.C.S. 605, la Cour était appelée à déterminer quelles « circonstances » justifiaient l’octroi du crédit à raison d’un jour et demi pour un, conformément au par. 719(3.1) (Summers, par. 7). Rédigeant les motifs unanimes de la Cour, la juge Karakatsanis a affirmé ceci : « La loi établit désormais un maximum, mais la démarche analytique de la Cour dans Wust demeure par ailleurs valable » (par. 70). Elle a réitéré les deux raisons d’être de l’octroi du crédit majoré établies dans l’arrêt Wust, l’une étant d’ordre « quantitatif » et l’autre, d’ordre « qualitatif » (par. 70), puis elle a conclu que les juges devaient continuer d’accorder le crédit en fonction de ces deux critères.
[83] La raison d’être d’ordre « quantitatif » de la pratique consistant à accorder un crédit majoré est de faire en sorte que « le délinquant ne passe pas plus de temps derrière les barreaux que s’il avait été libéré sous caution » (Summers, par. 23 (italique omis)). Étant donné que la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, c. 20, ne prend pas en compte la période de détention présentencielle du délinquant pour la détermination de l’admissibilité à la libération conditionnelle et à la libération anticipée (par. 24), « la durée de [la détention présentencielle] doit presque toujours être retranchée de celle de la peine à raison de plus d’un jour contre un afin que le délinquant ne subisse pas un préjudice » (par. 26). La juge Karakatsanis a noté que le ratio d’un jour et demi pour un garantit que le délinquant libéré aux deux tiers de sa peine est emprisonné pendant la même durée, qu’il ait été détenu ou non avant le prononcé de sa peine (par. 26).
[84] La raison d’être d’ordre qualitatif reconnaît que « la détention avant sentence est souvent plus pénible que l’emprisonnement après sentence » (Summers, par. 28). Voici ce qu’a expliqué la juge Karakatsanis dans l’arrêt Summers :
Les centres de détention préventive n’offrent généralement pas les programmes d’enseignement, de recyclage ou de réinsertion sociale qui sont habituellement accessibles dans les établissements correctionnels. [. . .] Comme le dit la juge Cronk dans la présente affaire, la surpopulation, le renouvellement constant des détenus, les conflits de travail et d’autres éléments tendent à rendre la détention présentencielle plus pénible. [par. 28]
[85] Le paragraphe 719(3.1) prévoyait auparavant que le crédit majoré ne s’appliquait pas si « la personne a[vait] été détenue pour le motif inscrit au dossier de l’instance en application du paragraphe 515(9.1) ». Dans l’arrêt R. c. Safarzadeh‑Markhali, 2016 CSC 14, [2016] 1 R.C.S. 180, notre Cour a conclu que cette exception au par. 719(3.1) était inconstitutionnelle. En 2018, le Parlement a modifié le par. 719(3.1) afin de supprimer les exceptions prévues par la loi (Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le ministère de la Justice et apportant des modifications corrélatives à une autre loi, L.C. 2018, c. 29, art. 66).
[86] Voici le nouveau libellé des par. 719(3) et (3.1) :
(3) Pour fixer la peine à infliger à une personne déclarée coupable d’une infraction, le tribunal peut prendre en compte toute période que la personne a passée sous garde par suite de l’infraction; il doit, le cas échéant, restreindre le temps alloué pour cette période à un maximum d’un jour pour chaque jour passé sous garde.
(3.1) Malgré le paragraphe (3), si les circonstances le justifient, le maximum est d’un jour et demi pour chaque jour passé sous garde
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