R. c. Poulin, 2024 QCCQ 6090
[19] En l’absence d’autorisation du tribunal, selon la common law, il est contraire à la pratique et généralement inconvenant qu’un avocat rencontre ou discute avec son témoin avant la fin de son témoignage[3] à moins de raisons particulières comme un témoin qui voudrait discuter d’une erreur qu’il souhaiterait corriger[4], un témoin qui a un malaise d’ordre médical, ou pour toute autre raison jugée suffisante par le tribunal.
[20] Ces rencontres sont généralement à proscrire puisqu’un témoin ne peut être dirigé. Il ne peut non plus être en présence de l’approbation ou de la déception que peut démontrer un avocat à un témoin, cela pouvant avoir un effet sur les réponses subséquentes. Entre autres risques, il est possible qu’un avocat, involontairement ou non, alerte son témoin des conséquences de questions, aide ou influence le souvenir du témoin, ce qui pourrait compromettre le droit au contre-interrogatoire de la partie adverse[5].
[21] La jurisprudence canadienne regorge d’exemples où il est arrivé que de telles rencontres se soient produites. Certaines provinces possèdent leurs règles propres à savoir le moment où de telles rencontres sont à proscrire. Au Nouveau-Brunswick[6] et en Ontario[7] par exemple, l’avocat peut communiquer avec le témoin pendant son interrogatoire principal au sujet de points qui n’ont pas encore été soulevés, mais ne peut avoir aucune communication avec son témoin pendant le contre-interrogatoire ou le ré-interrogatoire. En Nouvelle-Ecosse[8], les discussions entre les avocats et leurs témoins pendant l’interrogatoire principal sont strictement interdites. En Colombie-Britannique[9], il est proposé une approche plus souple où l’interdiction de communiquer n’est pas une règle générale.
[22] Cependant, ce qui est unanime partout au Canada, c’est que ces rencontres ne doivent pas avoir pour effet de faire modifier ou d’influencer un témoignage. Il ne doit pas y avoir d’interférence qui puisse aider un témoignage à venir ou en modifier le contenu. Au Québec, la règle est ainsi formulée : « un avocat doit éviter de discuter du contenu du témoignage des témoins, et cela concerne également un accusé, en cours d’interrogatoire principal, ce qui est encore plus vrai en cours de contre-interrogatoire »[10]. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est d’usage que le juge d’instance rappelle au témoin qu’il ne peut discuter de son témoignage pendant une suspension d’audience[11].
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