Rechercher sur ce blogue

samedi 26 juillet 2025

La jurisprudence exige de la poursuite qu’elle prouve les détails portés à un chef d’accusation. Il est donc indéniable qu’une fois la drogue particularisée au chef d’accusation, cet élément matériel doit être prouvé pour que la poursuite puisse obtenir une déclaration de culpabilité

Narinesingh c. R., 2021 QCCA 396

Lien vers la décision


[30]      Il est incontestable que la jurisprudence exige de la poursuite qu’elle prouve les détails portés à un chef d’accusation : R. c. G.R., 2005 CSC 45 (CanLII), [2005] 2 R.C.S. 371, paragr. 2, 11-13 ; R. c. Daoust2004 CSC 6 (CanLII), [2004] 1 R.C.S. 217, paragr. 19 ; R. c. Saunders1990 CanLII 1131 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 1020; R. c. Douglas1991 CanLII 81 (CSC), [1991] 1 R.C.S. 301; R. c. Vézina et Côté1986 CanLII 93 (CSC), [1986] 1 R.C.S. 2, 26 ; R. c. Morozuk1986 CanLII 72 (CSC), [1986] 1 R.C.S. 31, 37; R. c. Rosen1985 CanLII 58 (CSC), [1985] 1 R.C.S. 83, 85; R. c. Côté1977 CanLII 1 (CSC), [1978] 1 R.C.S. 8, 13; R. c. Langille2007 QCCA 74R. c. Pointejour-Salomon2011 QCCA 771, paragr. 21R. c. Giguère1988 CanLII 1206 (C.A.Q.).

[31]      Le juge du procès a ainsi exigé que le jury soit convaincu hors de tout doute raisonnable que l’appelante savait qu’elle importait de l’héroïne par opposition à une substance désignée, soit une drogue illégale, générique. Il a donné des directives en ce sens.

[32]      Dans l’arrêt Saunders, la juge McLachlin, alors juge puînée, rappelait qu’« [i]l existe un principe fondamental en droit criminel que l'infraction, précisée dans l'acte d'accusation, doit être prouvée » : R. c. Saunders1990 CanLII 1131 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 1020, 1023

[33]      Il est indéniable qu’une fois la drogue particularisée au chef d’accusation, cet élément matériel doit être prouvé pour que la poursuite puisse obtenir une déclaration de culpabilité. Comme le rappelle la juge McLachlin, « [d]ans l'arrêt Morozuk c. La Reine1986 CanLII 72 (CSC)[1986] 1 R.C.S. 31, à la p. 37, notre Cour a décidé que lorsque le ministère public a précisé le stupéfiant dans un chef d'accusation, l'accusé ne peut être déclaré coupable si on fait la preuve d'un autre stupéfiant que celui qui est précisé » : R. c. Saunders1990 CanLII 1131 (CSC)[1990] 1 R.C.S. 1020, 1023. Morozuk avait été déclaré coupable de possession de cannabis pour en faire le trafic, l’infraction particularisée au chef d’accusation, même si la substance retrouvée était plutôt de la résine de cannabis, une substance différente. La solution résidait dans la modification du chef uniquement si cela ne causait pas de préjudice à l’accusé. Jugeant qu’aucun préjudice ne serait causé à l’accusé, la Cour suprême a modifié le chef et elle a rejeté le pourvoi. Il faut toutefois préciser que, dans Saunders et dans Morozuk, la question litigieuse ne portait pas vraiment sur la connaissance, mais plutôt sur la nature même de la drogue (cocaïne vs héroïne, objet du complot dans Saunders et cannabis vs résine de cannabis, objet de la possession dans Morozuk). Ce n’est pas le cas dans la présente affaire.

[34]      En l’espèce, le chef reprochait à l’appelante l’importation et la possession d’héroïne et personne ne conteste que la drogue retrouvée dans les valises était bien de l’héroïne. Le problème ne concerne pas cet élément matériel, mais bien le lien entre la drogue particularisée et la connaissance coupable, un élément de la mens rea.

[35]      Le ministère public plaide qu’il n’a pas à prouver que l’élément de la mens rea, soit la connaissance, porte sur la drogue particularisée au chef d’accusation, mais que la connaissance d’une drogue illégale suffit. Il s’appuie sur une jurisprudence qui conclut en ce sens : R. c. Blondin, (1970), 1970 CanLII 1006 (BC CA), 2 C.C.C. (2d) 118 (C.A.C.-B.), confirmé sommairement par la Cour suprême du Canada à [1971] R.C.S. v; R. c. Kundeus1975 CanLII 161 (CSC), [1976] 2 R.C.S. 272 et R. c. Cloutier1979 CanLII 25 (CSC), [1979] 2 R.C.S. 709, 734.

[36]      L’arrêt Blondin a été suivi par plusieurs cours d’appel, dont la nôtre : R. c. McClelland, 2020 QCCA 324, paragr. 99R. c. Williams2009 ONCA 342R. c. Rai, 2011 BCCA 341 ; R. c. Lewis (2012), 2012 ONCA 388 (CanLII), 284 C.C.C. (3d) 423, paragr. 12 (C.A.O.); R. c. Stewart2020 ABCA 252.

[37]      Il faut rappeler que l’arrêt R. c. Blondin, (1970), 1970 CanLII 1006 (BC CA), 2 C.C.C. (2d) 118 (C.A.C.-B.), cité dans McClelland, a été confirmé sommairement par la Cour suprême du Canada à [1971] R.C.S. v, sur un seul moyen d’appel portant sur l’erreur du juge d’avoir donné au jury une directive voulant que « the Crown was obliged to prove beyond a reasonable doubt that the accused knew that the contents of the scuba diving tank (Exhibit 1) was a narcotic drug as alleged in the Indictment… ». Le fait qu’une telle directive constitue une erreur a été réitéré  dans l’arrêt R. c. Kundeus1975 CanLII 161 (CSC), [1976] 2 R.C.S. 272 et aussi dans l’arrêt R. c. Aiello (1978), 1978 CanLII 2374 (ON CA), 38 CCC (2d) 485 (C.A.O.), confirmé sommairement à 1979 CanLII 31 (CSC), [1979] 2 R.C.S. 15.

[38]      Plus récemment dans l’arrêt R. c. McClelland, 2020 QCCA 324, sous la plume du juge Gagnon, aux paragraphes 99 et 100 notre Cour a souscrit à ce courant de jurisprudence :

[99] Pour sa part, la doctrine accepte de transposer l’élément — connaissance — inhérent à la possession en droit criminel à l’infraction d’importation de stupéfiants. La jurisprudence ne va toutefois pas jusqu’à exiger la preuve de la connaissance de la nature exacte de la substance illégalement importée. La poursuite doit seulement démontrer que le prévenu savait être en présence d’un stupéfiant quelconque, s’agissant ici d’une mens rea dans son sens le plus large. La jurisprudence accepte aussi que cette preuve puisse se faire au moyen de la doctrine de l’aveuglement volontaire.

 [100] Dans l’arrêt Williams, la Cour d’appel de l’Ontario résume ainsi l’état du droit sur la question :

[19] There is some support for this approach to the mens rea component of the s. 95(1) offences in the jurisprudence arising from drug-related prosecutions. In trafficking, importing or possession cases, it is not necessary for the Crown to demonstrate that the accused knew he or she possessed (or was importing or trafficking in) the very prescribed drug identified in the indictment, provided the accused knew the drug was a narcotic—for example, the actual drug involved is cocaine whereas the accused believed it to be hashish, or is LSD but was believed to be mescaline: see R. c. Burgess1969 CanLII 467 (ON CA), [1970] 2 O.R. 216, [1969] O.J. No. 1582 (C.A.); R. c. Blondin1970 CanLII 1006 (BC CA), [1971] B.C.J. No. 656, 2 C.C.C. (2d) 118 (C.A.), [1971] S.C.J. No. 42, 4 C.C.C. (2d) 566; R. c. Custeau1971 CanLII 682 (ON CA), [1972] 2 O.R. 250, [1971] O.J. No. 1893 (C.A.); R. c. Kundeus1975 CanLII 161 (CSC), [1976] 2 S.C.R. 272, [1975] S.C.J. No. 78. In Burgess, at p. 217 O.R., Brooke J.A. said:

[We] are all of the opinion that in these circumstances where the evidence is clear and consistent only with the conclusion that the accused knew the substance that he had in his possession was indeed a drug the possession of which was contrary to the statute, the fact that he mistakenly believed the drug to be hashish rather than opium is of no moment.

[…]

[21] Under the narcotics control regime, the offence in question forbids the possession of (or the importing of or trafficking in) a narcotic. Which narcotic does not matter, as long as it is included in a forbidden schedule. Similarly, under s. 95(1) of the Code, the offence is the possession of a loaded firearm. Whether the firearm is prohibited or restricted does not matter. The common denominator in the comparison between the two types of offences is that the actus reus (possession of a forbidden item) and the mens rea (knowledge of the characteristics that make it a forbidden item) do not relate to different crimes but rather to the same crime in each case.

                                                                                                  [références omises]

[39]      La Cour a adopté une approche qui rejoint celle d’autres cours d’appel. Il n’y a pas lieu d’y revenir dans les circonstances de la présente affaire où notamment la règle, ne cause aucun préjudice à l’appelante. Par conséquent, le ministère public a raison, le juge du procès n’aurait pas dû insister dans ses directives que la connaissance coupable de l’appelante devait porter sur la drogue particularisée. La connaissance de la présence d’une drogue illégale selon l’annexe I est suffisante.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Il incombe à la défense de préciser ses demandes de communication de la preuve supplémentaires et cela doit être fait en temps opportun

R. v. Atwell, 2022 NSSC 304 Lien vers la décision [ 8 ]              The Crown has a duty to make disclosure of all relevant information to ...