Perron c. R., 2019 QCCS 5956
[67] Le requérant plaide que seul un mandat de perquisition en vertu de l’article 487 C. cr. et non un mandat général émis selon l’article 487.01 C. cr. devait être utilisé pour fouiller son poste de travail et, plus particulièrement, faire la copie miroir du disque dur de son ordinateur de travail.
[68] Cet argument est séduisant, mais il ne tient pas compte du contexte subreptice nécessaire à l’exécution de cette tâche et que seul un mandat général pouvait autoriser.
[69] Une telle entrée constitue une méthode d’enquête qui n’est pas permise par un mandat de perquisition[22] et elle est expressément prévue à l’article 487.01(5.1) C. cr.
[70] Sans cette caractéristique, certaines instances ont déterminé que le mandat général n’était pas l’outil approprié pour copier le disque dur d’un ordinateur[23].
[71] Le requérant soumet l’affaire Construction De Castel inc. c. Paré [24] où les agents de la paix ont exécuté une perquisition dans des locaux et effectué une copie de l’ensemble des données informatiques contenues dans les ordinateurs de l’entreprise, par le biais d’un mandat de perquisition (article 487 C. cr.).
[72] Cependant, l’utilisation d’un mandat général plutôt qu’un mandat de perquisition n’était pas en litige dans cette affaire qui mettait plutôt en doute la suffisance des motifs spécifiés au mandat.
[73] Il est ici question de déterminer si le type de mandat obtenu était juridiquement le bon.
[74] La méthode d’enquête demandée comprenait la recherche de traces de périphériques utilisés dans l’ordinateur de la sergente-détective Turgeon et la présence d’information sensible provenant du répertoire « Protégé C » par l’utilisation de mots clés.
[75] La preuve révèle que la simple saisie des disques durs aurait pu nuire à l’enquête en cours et risquer de compromettre le résultat recherché, soit la découverte des renseignements confidentiels consultés.
[76] Il est bien établi que les policiers ne peuvent demander l’émission d’un mandat général en vue de contourner l’exigence des motifs raisonnables requise pour l’émission d’un mandat de perquisition, même si le mandat général peut être émis concernant des infractions qui n’ont pas encore été commises et qu’il permet d’accomplir un acte dans le but de générer des renseignements au sujet d’une infraction[25].
[77] La Cour suprême, dans l’arrêt R. c. Société TELUS Communications indique que « le pouvoir d’accorder un mandat général a un caractère résiduel et que son utilisation est interdite dans le cas ou une autre disposition du Code ou d’une autre loi fédérale permet à un juge d’autoriser l’utilisation du dispositif, de la technique ou de la méthode proposée ou encore l’accomplissement de l’acte envisagé» [26].
[78] La Cour d’appel du Québec dans l’arrêt R. c. O’Reilly rappelle le cadre juridique de ce type d’autorisation judiciaire :
[71] L’article 487.01 du Code criminel fait partie d’une série de dispositions en matière d’autorisation judiciaire édictées en 1993. Cet article fut incorporé au Code criminel pour répondre à l’arrêt R. c. Wong dans lequel la Cour suprême du Canada a conclu que la surveillance vidéo par les autorités policières d’activités qui se déroulent dans une chambre d’hôtel va à l’encontre de l’attente raisonnable d’une personne en matière de vie privée et nécessite ainsi une autorisation judiciaire préalable conformément à une disposition législative valide. La réponse du législateur, qui a pris la forme de l’article 487.01, allait au‑delà de la surveillance vidéo. L’article a pour objectif de permettre l’obtention d’autorisations judiciaires à l’égard de toutes techniques ou méthodes non précisées dans le Code criminel. Il habilite un juge à autoriser un policier à utiliser un dispositif ou une technique ou une méthode d’enquête, ou à accomplir tout acte qui y est mentionné, qui constituerait sans cette autorisation une fouille, une perquisition ou une saisie abusive (…)[27]
[Soulignement ajouté et références omises]
[79] Dans la première demande d’autorisation judiciaire (505-26-015155-164), on énonçait ces motifs pour justifier l’émission d’un mandat général:
Le spécialiste en analyse judiciaire informatique m’explique les travaux qui seront effectués lors de l’exécution du mandat général à l’insu de l’utilisateur de ce poste de travail :
Une copie judiciaire (voir intégrale) sera effectuée du disque dur retrouvé dans le poste de travail utilisé par l’agent Perron (P31094) par un spécialiste en analyse judiciaire informatique.
Par la suite, le disque original sera replacé dans le poste de travail de façon à ne pas laisser de trace de notre passage.
Une recherche sera également faite pour retrouver la clé USB ayant le numéro de série 20120218120009 sur toutes les clés qui seront trouvées dans l’espace de travail de l’agent Perron ainsi que de retracer la présence de cette clé USB dans son poste de travail. Le spécialiste utilisera un logiciel et effectuera des recherches dans les clés de registre de l’ordinateur afin d’identifier les propriétés de la clé USB afin d’y retrouver le numéro de série.
Une recherche et une analyse seront par la suite effectuées sur la copie judiciaire effectuée du disque dur ainsi que toutes clés USB qui seront retrouvées sur les lieux afin de rechercher toutes traces de ladite clé USB en plus des fichiers mentionnés à l’annexe C ou tout autre document de type PROTEGE C ou sensible dont l’agent Perron n’avait pas accès légalement. Ces fichiers se retrouvent sous la forme de document Excel, PDF et Word.
[80] La recherche menée à l’endroit du contenu de l’ordinateur de travail du requérant ne constituait pas une méthode d’enquête prévue ailleurs dans la loi puisqu’elle impliquait une intrusion subreptice dans l’ordinateur. Une telle méthode était justifiée dans un contexte impliquant la recherche d’une fuite d’information sensible dont l’utilisation pouvait être préjudiciable pour la sécurité du public.
[81] Ces éléments sont conformes aux exigences propres à l’émission d’un mandat général et sont objectivement raisonnables dans les circonstances.
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