Rechercher sur ce blogue

mercredi 23 juillet 2025

La procédure de contestation d’une autorisation judiciaire

Perron c. R., 2019 QCCS 5956 

Lien vers la décision


[59]        La Cour suprême, dans Groupe de la Banque mondiale c. Wallace, rappelle le cadre applicable aux contestations d’écoute électronique en citant, entre autres, R. c. Pires[13] et R. c. Araujo[14]. Ce cadre s’applique également aux autorisations judiciaires visant la saisie de biens. Voici un extrait pertinent :

 [120] En règle générale, il existe deux motifs de contestation d’une autorisation d’écoute électronique : le dossier dont disposait le juge qui a accordé l’autorisation ne permettait pas d’établir l’existence des conditions légales préalables, ou le dossier ne représentait pas fidèlement ce que le déposant savait ou aurait dû savoir et, s’il avait constitué un reflet fidèle, n’aurait pas justifié l’autorisation (R. c. Araujo2000 CSC 65 (CanLII)[2000] 2 R.C.S. 992, par. 50-54Pires, par. 41; voir également R. c. Grant1993 CanLII 68 (CSC)[1993] 3 R.C.S. 223, à propos de l’exclusion de renseignements obtenus de manière inconstitutionnelle et consignés dans les dénonciations en vue d’obtenir le mandat). En l’espèce, la contestation repose sur le deuxième motif (parfois appelée contestation au fond).

(…)

[123] Il importe de souligner, pour le tribunal appelé à examiner une contestation au fond, que le déposant ne peut faire abstraction des éléments donnant à penser que d’autres agents peuvent l’induire en erreur ou omettre des renseignements importants. Toutefois, en l’absence de tels signes, il n’a pas à mener sa propre enquête (R. c. Ahmed2012 ONSC 4893[2012] O.J. No. 6643 (QL), par. 47; voir aussi Pires, par. 41).[15]

[Soulignement ajouté]

[60]        La procédure de contestation d’une autorisation judiciaire est résumée de cette façon par la Cour d’appel du Québec dans R. c. O’Reilly :

[117]   Lorsque le ministère public souhaite présenter au procès un élément de preuve obtenu au moyen d’une fouille, perquisition ou saisie, l’accusé peut contester l’admissibilité de cet élément de preuve en se fondant, notamment, sur la Charte, comme c’est le cas en l’occurrence. Lors du voir-dire tenu afin de trancher cette contestation, l’admissibilité de l’élément de preuve obtenu grâce à la fouille, perquisition ou saisie sera généralement déterminée en fonction de deux considérationsLa première est la question de savoir si la fouille, perquisition ou saisie était abusive au sens de l’article 8 de la Charte. La deuxième est si l’admission de l’élément de preuve ainsi obtenu déconsidérerait l’administration de la justice et s’il devrait, par conséquent, être écarté en vertu du paragraphe 24(2) de la Charte.

[118]   Lorsque la fouille, saisie ou perquisition est effectuée par une autorité policière sans autorisation judiciaire, du moment que l’accusé démontre que l’élément de preuve fut obtenu ainsi sans cette autorisation, il incombe alors au ministère public d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que la fouille, perquisition ou saisie n’était pas abusive.

[119]   Puisque l’autorisation judiciaire bénéficie d’une présomption de validité lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, la fouille, perquisition ou saisie est effectuée sous une autorisation judiciaire, le ministère public n’a qu’à produire l’autorisation judiciaire en cause, lors du voir-dire, pour en établir la validité à première vue. Comme le signalait la juge Charron dans R. c. Pires, il s’agit là simplement d’un fardeau de présentation, («evidentiary burden»), et non d’un fardeau de persuasion,  («persuasive burden»).

[120]   Une fois l’autorisation judiciaire présentée, il appartient alors à l’accusé d’en établir l’invalidité par prépondérance de preuve[52] dans le cadre du voir-dire. Cela peut s’effectuer de deux façons : soit l’accusé conteste la validité apparente («Facial validity») de l'autorisation, soit il s’attaque à la validité au fond («sub-facial validity») de celle-ci. Dans l’un ou l’autre cas, c’est l’accusé qui assume le fardeau d’établir l’invalidité de l'autorisation judiciaire. Ainsi, dans Laroche, le juge LeBel affirme clairement que l’accusé assume le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’autorisation judiciaire n’aurait pas dû être accordée, y compris lorsque l’accusé « se content[e] d’attaquer la décision d’autorisation et la suffisance des preuves soumises à son soutien comme les affidavits », ce qui correspond à une contestation visant la validité apparente du mandat.

[121]   La révision de la validité apparente («facial validity») s’attarde principalement à la question de la validité de l’autorisation judiciaire en examinant la dénonciation sous serment à son soutien afin de déterminer si, à première vue, elle contient des éléments suffisants permettant de la décerner. La contestation de la validité apparente (« facial validity ») de l’autorisation judiciaire se fait donc à même les arguments des avocats portant tant sur la facture de l’autorisation que sur la dénonciation assermentée à son soutien afin de persuader le juge réviseur que les critères juridiques requis n’étaient pas réunis lorsque celle-ci fut délivrée.

[122]   La contestation de la validité au fond («sub-facial validity») de l’autorisation judiciaire s’attaque plutôt à la fiabilité des allégations contenues à la déclaration sous serment à son soutien. Voilà pourquoi une telle contestation requiert généralement l’administration d’une preuve dans le cadre du voir-dire. [16] 

[Soulignement ajouté et références omises]

[61]        La Cour d’appel d’Ontario, dans R. v. Prosser, indique que le juge réviseur doit analyser la dénonciation au soutien du mandat dans son ensemble puisque chacun des éléments factuels peut « colorer » les autres :

[16]   To determine whether this precondition has been established, the issuing justice is to consider the ITO as a whole, not one piece at a time, because each piece of evidence colours other pieces of evidence revealing a fuller and truer picture only through a consideration of the evidence as a whole: Re Church of Scientology & The Queen (No. 6) (1987), 31 C.C.C. (3d) 449 (Ont. C.A.), at p. 502Le, at para. 36. The examination of the information as a whole is to be carried out in a practical, non-technical and common sense basis. The issuing justice is also permitted to draw inferences.

(…)

[18]   Fourth, the issuing justice and reviewing judge were both entitled to rely upon the opinion of the author of the ITO about the practices of drug dealers in connection with the storage of drugs, firearms and assorted paraphernalia. That these opinions, if proffered at trial, would fall foul of the prohibition against anecdotal evidence adumbrated in R. v. Sekhon2014 SCC 15 (CanLII), at para. 50, is beside the point. The contents of an ITO need not be compliant with the rules of evidence applicable at trial. After all, neither issuance of a search warrant nor a Garofoli review hearing is intended to test the merits of any of the Crown’s allegations in respect of the offence. That is done at the trial:  R. v. PiresR. v. Lising2005 SCC 66 (CanLII), at para. 30.[17]

[Soulignement ajouté]

[62]        La Cour suprême rappelle, dans R. c. Araujo, que le juge siégeant en révision doit déterminer «s’il existait des renseignements fiables suffisants, c’est-à-dire des renseignements auxquels on pouvait raisonnablement ajouter foi pour accorder l’autorisation »[18].

[63]        Si des informations sont inexactes, elles doivent être écartées, mais si elles résultent d’une simple erreur de bonne foi, l’amplification sera permise afin de rétablir les faits[19].

[64]        L’amplification consiste en la présentation de nouvelles preuves lors du voir‑dire et vise à corriger les inexactitudes dans la dénonciation. Il s’agit d’une procédure à portée étroite puisqu’elle ne peut être utilisée comme « un moyen de se soustraire aux conditions de l’autorisation préalable ». Elle vise donc à corriger des erreurs mineures[20].

[65]        Enfin, si après avoir retranché les éléments inexacts de la dénonciation, ou de l’avoir amplifié d’une nouvelle preuve, le juge réviseur est convaincu du bien-fondé de l’autorisation judiciaire, il peut tout de même l’invalider dans les cas où les gestes de l’affiant constituent une conduite abusive dont le système de justice devrait se dissocier[21].

Aucun commentaire:

Publier un commentaire

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Il incombe à la défense de préciser ses demandes de communication de la preuve supplémentaires et cela doit être fait en temps opportun

R. v. Atwell, 2022 NSSC 304 Lien vers la décision [ 8 ]              The Crown has a duty to make disclosure of all relevant information to ...