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lundi 21 juillet 2025

Le juge réviseur a le pouvoir d’annuler le mandat s’il estime que le dénonciateur tentait délibérément d’induire le juge émetteur en erreur

Chatelain c. Agence du revenu du Québec, 2020 QCCA 1702 

Lien vers la décision


[28]      Avant d’examiner les arguments des appelants, il faut tout d’abord brièvement revenir sur les rôles du juge émetteur, du juge réviseur et de la Cour.


[
32]      L’enquêteur doit donc avoir des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise et que des éléments de preuve se trouvent dans l’endroit à être perquisitionner. Il doit le confirmer dans une dénonciation écrite et sous serment. Ces exigences statutaires sont conformes à la norme constitutionnelle établie par la Cour suprême dans Hunter c. Southam inc.[13], puis réitérée et précisée dans R. c. Araujo[14] et R. c. Morelli[15].

[33]      Si le juge émetteur estime que ces conditions sont remplies, il autorise le mandat de perquisition. La pratique veut que le juge émetteur ne donne pas de motifs pour justifier sa décision[16].

[34]      Le seul recours à l’encontre de la décision du juge émetteur d’autoriser le mandat de perquisition consiste à en demander la révision judiciaire en Cour supérieure. L’article 265 C.p.p. précise que les articles 82 et 529 à 535 du Code de procédure civile (« C.p.c. ») s’appliquent aux pourvois en contrôle judiciaire en vertu du C.p.p.

[35]      Lorsqu’elle est saisie d’un pourvoi en contrôle judiciaire en vertu du C.p.p., la Cour supérieure est autorisée à se prononcer uniquement sur une question de compétence, une erreur de droit manifeste à la lecture du dossier ou une violation des principes de justice naturelle[17].

[36]      Le rôle du juge siégeant dans le cadre d’une telle révision est bien défini[18] :

[40] [P]our réviser le fondement d’une demande de mandat, « le critère consiste à déterminer s’il existait quelque élément de preuve fiable auquel le juge aurait pu raisonnablement ajouter foi pour accorder l’autorisation » (R. c. Araujo2000 CSC 65 (CanLII), [2000] 2 R.C.S. 992, par. 54 (souligné dans l’original)). Il ne s’agit pas de savoir si le tribunal siégeant en révision aurait lui‑même délivré le mandat, mais s’il existait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour permettre au juge de paix de conclure à l’existence de motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction avait été commise et que des éléments de preuve touchant la commission de cette infraction seraient découverts aux moment et lieu précisés.

[Soulignement dans l’original]

[37]      Comme le juge émetteur ne donne aucun motif à l’appui de sa décision, cette analyse s’effectue à partir de la dénonciation. Le juge réviseur évalue si l’information présentée au juge émetteur lui permettait d’accorder le mandat de perquisition. S’il conclut que le juge émetteur pouvait accorder le mandat, il ne doit pas intervenir. Le fardeau à ce stade revient à celui qui souhaite l’annulation du mandat.

[38]      L’appel du jugement du juge réviseur suit les règles du C.p.p., dont notamment l’article 291 C.p.p., lequel limite les appels en cette matière à des questions de droit[19].

[39]      La Cour ne pourra intervenir, par conséquent, que si les appelants se dégagent du fardeau de lui indiquer l’erreur ou les erreurs de droit commises par le juge réviseur. Ils ne pourraient pas, « [s]ous le couvert de prétendues erreurs de droit, […] remett[re] en cause [des] conclusions de fait, sans réussir à démontrer que la juge aurait commis une erreur dans l’application de la norme juridique relative à l’appréciation de la dénonciation au stade de la révision judiciaire. »[20].

[40]      Toutefois, pour réviser le fondement d’une demande de mandat, « le critère consiste à déterminer s’il existait quelque élément de preuve fiable auquel le juge aurait pu raisonnablement ajouter foi pour accorder l’autorisation » (R. c. Araujo2000 CSC 65, [2000] 2 R.C.S. 992, par. 54 (souligné dans l’original)). Il ne s’agit pas de savoir si le tribunal siégeant en révision aurait luimême délivré le mandat, mais s’il existait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour permettre au juge de paix de conclure à l’existence de motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction avait été commise et que des éléments de preuve touchant la commission de cette infraction seraient découverts aux moment et lieu précisés.

[41]      Le tribunal siégeant en révision n’entreprend pas un tel exercice en se fondant simplement sur la dénonciation telle qu’elle a été présentée au juge de paix. Au contraire, « le tribunal qui siège en révision doit faire abstraction des renseignements inexacts » figurant dans la dénonciation initiale (Araujo, par. 58). De plus, il peut avoir recours à « l’amplification » — c’estàdire, à d’autres éléments de preuve présentés lors du voirdire pour corriger les erreurs mineures dans la dénonciation — dans la mesure où ces éléments de preuve permettent de corriger des erreurs commises de bonne foi par la police lors de la préparation de la dénonciation plutôt que des tentatives délibérées d’induire en erreur le juge saisi de la demande d’autorisation.

[42]      Il est important de rappeler la portée limitée de l’amplification, bien expliquée par le juge LeBel dans AraujoL’amplification n’est pas un moyen permettant à la police de présenter de nouveaux renseignements pour faire autoriser rétroactivement une fouille et une perquisition qui n’étaient pas initialement justifiées par des motifs raisonnables et probables. L’amplification ne peut ainsi être utilisée comme « un moyen de se soustraire aux conditions de l’autorisation préalable » (Araujo, par. 59).

[43]      En fait, les tribunaux siégeant en révision ne devraient avoir recours à l’amplification du dossier dont disposait le juge qui a décerné le mandat que pour corriger « une erreur sans grande importance ou technique [. . .] dans l’affidavit » de manière à ne pas « [faire] passer la forme avant le fond, lorsque la police a des motifs raisonnables et probables suffisants et a démontré la nécessité pour l’enquête, mais qu’une erreur [. . .] s’est glissée par inadvertance » (par. 59). Dans tous les cas, l’accent est mis sur les « renseignements dont dispose la police au moment de la demande » plutôt que sur les renseignements que la police a obtenus après la présentation de la demande initiale (par. 59).

[Soulignement ajouté]

[49]      Ce passage traite de deux notions fondamentales quant au travail du juge réviseur :

        Il doit faire abstraction des renseignements inexacts figurant dans la dénonciation initiale; et

        il peut permettre « l’amplification » afin de corriger les erreurs mineures que comprendrait la dénonciation.

[61]      Les appelants soutiennent que le juge réviseur aurait dû annuler les mandats en raison du manquement délibéré de l’enquêteur de faire une divulgation complète et sincère de tous les faits pertinents au soutien de la dénonciation. Selon les appelants, cette omission vicie non seulement la thèse du stratagème frauduleux, mais la dénonciation en entier.

[62]      Le juge réviseur conclut que le jugement Drouin n’était pas pertinent à l’étape de la demande de mandat de perquisition ou n’avait pas d’incidence quant au processus décisionnel du juge émetteur : seule la question du stratagème frauduleux (c’est-à-dire la question du billet à ordre, du contrat de mandat et du contrat de gestion assimilables à un « trompe-l’œil ») a été examinée dans le jugement Drouin, alors que celle de l’abri fiscal ne l’a pas été.

[63]      Je suis plutôt d’avis que le jugement Drouin est pertinent à toute discussion du dossier Prospector. L’enquêteur avait le choix de soulever le dossier Prospector, ce qui comprend le jugement Drouin, et de le distinguer de celui en l’espèce[27], ou encore de ne pas mentionner le dossier Prospector. Mais une fois qu’il décide de soulever le dossier Prospector et de le lier, dans une certaine mesure, à celui de l’affaire Edge, il devait mentionner le jugement Drouin dans la dénonciation. Il ne pouvait pas se contenter d’en soulever les aspects les plus favorables dans le but d’obtenir des mandats.

[64]      L’effet premier de cette omission est que le juge réviseur devait exclure la thèse du stratagème frauduleux[28]. Comme les intimés ne plaidaient plus cette thèse, cette erreur est sans conséquence.

[65]      De plus, le juge réviseur a le pouvoir d’annuler le mandat s’il estime que le dénonciateur tentait délibérément d’induire le juge émetteur en erreur. Dans l’arrêt R. v. Parynuik, la Cour d’appel de l’Ontario écrit[29] :

In this province, courts, including this court, appear to have recognized a discretion to set aside a warrant, despite the presence of reasonable and probable grounds for its issuance, where non-disclosure was for some improper motive or to mislead the issuing judicial officer: R. v. Colbourne (2001), 2001 CanLII 4711 (ON CA), 157 C.C.C. (3d) 273 (Ont. C.A.), at para. 40Where an affiant has been shown to have deliberately provided false material statements, or to have deliberately omitted material facts from an ITO, with the intention of misleading the issuing judicial officer, the warrant may be set aside. But the threshold for setting aside the warrant in these circumstances is highLahaie v. Canada (Attorney General)2010 ONCA 516, 101 O.R. (3d) 241, leave to appeal refused, [2010] S.C.C.A. No. 371, at para. 40. In at least one brief endorsement, this court has described the conduct necessary to engage this discretion as "so subversive of the search warrant process as to, in effect, amount to an abuse of process and require that the warrant be quashed": R. v. Vivar2009 ONCA 433, at para. 2. See also R. v. Evans2014 MBCA 44, 306 Man. R. (2d) 9, at paras. 17, 19.

[Soulignement ajouté]

[66]      Toutefois, l’intention de tromper le juge émetteur est une question de fait[30]. Le juge réviseur a conclu que les intimés n’avaient « rien à se reprocher ». Conformément à l’article 291 C.p.p., cette conclusion factuelle ne peut être remise en questionQuoi qu’il en soit, la preuve dans le présent dossier se limite aux admissions faites par les parties et aux pièces et ne permet pas de conclure que les intimés avaient l’intention de tromper le juge émetteur.



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