R. c. B.W.P.; R. c. B.V.N., 2006 CSC 27
2 En tant que principe de détermination de la peine, la dissuasion consiste à imposer une sanction dans le but de décourager le délinquant, et quiconque, de se livrer à des activités criminelles. Lorsque la dissuasion vise le délinquant traduit devant le tribunal, on parle de « dissuasion spécifique », lorsqu’elle vise d’autres personnes, on parle de « dissuasion générale ». Les présents pourvois portent sur la dissuasion générale, qui est censée opérer ainsi : des criminels potentiels éviteront de se livrer à des activités criminelles en raison de l’exemple donné par la punition infligée au délinquant. Quand la dissuasion générale est prise en compte dans la détermination de la peine, le délinquant est puni plus sévèrement, non seulement parce qu’il le mérite, mais également parce que le tribunal décide de transmettre un message à quiconque pourrait être tenté de se livrer à des activités criminelles similaires.
3 Bien que la dissuasion générale soit dans l’ensemble bien comprise en tant qu’objectif de la détermination de la peine, son degré d’efficacité suscite beaucoup de controverse. Ceux qui préconisent son abolition comme principe de détermination de la peine, particulièrement dans le cas des adolescents, soutiennent avec vigueur que rien ne démontre qu’elle contribue réellement à la prévention du crime. Ceux qui préconisent son maintien défendent tout aussi fermement leur position; ils invoquent l’utilisation par la société d’une forme de dissuasion générale pour inciter les adolescents à faire des choix responsables sur différentes questions, notamment en matière de tabagisme, de consommation d’alcool et de drogues et de conduite de véhicules à moteur. Mais notre Cour n’est pas saisie de la question de l’efficacité de la dissuasion générale. Lors de l’adoption de ce nouveau texte législatif, il y a eu un débat considérable sur l’opportunité de faire figurer la dissuasion générale parmi les principes de détermination de la peine pour les adolescents. Au bout du compte, c’est au législateur qu’il appartient de décider s’il y a lieu de supprimer ou de maintenir, en cette matière, le principe de la dissuasion. Dans les présents pourvois, le rôle de notre Cour consiste à interpréter les dispositions pertinentes de la LSJPA afin de déterminer la voie qu’a effectivement choisie le législateur.
36 Contrairement à d’autres facteurs susceptibles d’être pris en compte dans la détermination de la peine, la dissuasion générale a un effet unilatéral sur la peine. En effet, lorsqu’elle est appliquée dans ce contexte, la dissuasion générale entraîne toujours l’augmentation de la peine ou de sa sévérité; elle n’a jamais pour effet de les atténuer. Bien entendu, l’application de la dissuasion générale comme principe de détermination de la peine n’a pas nécessairement pour conséquence le placement sous garde; toutefois, elle ne peut que contribuer à augmenter le recours à l’incarcération, pas à le diminuer. L’exclusion de la dissuasion générale du nouveau régime est donc conforme à l’intention explicite du législateur de diminuer le recours à l’incarcération des adolescents non‑violents. Le ministère public ne m’a pas convaincue que la mention, dans le préambule, de la nécessité pour le public d’avoir accès à l’information indique une quelconque intention de la part du législateur d’inscrire l’objectif de la dissuasion générale dans le nouveau régime. En soi et dans le contexte, le fait que le préambule dise qu’il serait souhaitable de mettre certains renseignements à la disposition du public ne saurait raisonnablement confirmer la justesse d’une telle interprétation.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire