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vendredi 1 août 2025

La preuve de mauvaise moralité : la règle d’exclusion de ce type de preuve ainsi que les exceptions à ce principe

R. c. Charette, 2024 QCCS 277

Lien vers la décision


[18]        La poursuite demande que soient déclarés admissibles des éléments de preuve de mauvaise moralité puisqu’elle considère qu’ils sont plus probants que préjudiciables et ce, afin de rencontrer son fardeau eu égard à l’intention criminelle de l’infraction de liberté illégale et pour répondre à une défense d’excuse légitime.

[19]        Il importe d’abord d’examiner la règle d’exclusion de ce type de preuve ainsi que les exceptions à ce principe.

[20]        J’évaluerai ensuite la force probante des éléments de preuves ciblés face à leur effet préjudiciable.

[21]        Pour effectuer cette analyse, je vais décortiquer les éléments essentiels que devra prouver la poursuite ainsi que le cadre applicable à une défense d’excuse légitime.

3.1   La règle d’exclusion

[22]        Il existe « des règles d'exclusion bien établies pour la preuve de faits similaires et la preuve de mauvaise moralité »[1].

[23]        Une preuve de mauvaise moralité ou d’inconduite de l’accusé à d’autres occasions peut amener l’inférence qu’il est le genre de personne susceptible d’avoir commis le crime dont il est inculpé. Une telle preuve est inadmissible lorsqu’elle est produite pour établir les mauvaises tendances de l’accusé, à moins que sa valeur probante relativement aux questions en litige soit tellement grande qu’elle l’emporte sur le préjudice que peut causer cette preuve[2].

[24]        Une preuve de propension (prédisposition) n’a pas à être en soi un acte similaire à l’accusation reprochée, mais elle peut l’être. Elle peut aussi correspondre à une inconduite, une conduite déshonorante ou indigne[3].

[25]        Ce type de preuve se rapporte à une prédisposition générale et elle est généralement exclue nonobstant la règle générale voulant que tout élément de preuve pertinent soit admissible[4].

[26]        Comme l’a indiqué la Cour suprême dans Handy, « [q]uel que soit le nom qu’on lui donne, la preuve de propension reste une preuve de propension »[5].

[27]        « Ce qui est interdit, c’est le raisonnement fondé sur la propension qui ne repose que sur la mauvaise moralité générale de l’accusé, qui ressort de cette preuve de conduite déshonorante »[6].

[28]        Par exemple les antécédents judiciaires ou le mode de vie de l’accusé sont en principe inadmissibles[7].

[29]        Cette règle d’exclusion d’une preuve de propension s’applique lorsque le but de son utilisation est « d’inviter le jury à déclarer l’accusé coupable sur le fondement de sa conduite immorale antérieure ». Toutefois, elle « peut exceptionnellement être admise lorsque le raisonnement interdit peut être évité »[8].

[30]        Lorsqu’une preuve de propension est autorisée, le juge doit « expliquer en quoi [sa] décision constitue une protection suffisante contre le risque de préjudice par raisonnement et de préjudice moral, ainsi que tout autre risque de préjudice qui se rapporte à l'équité du procès »[9].

3.2   Les exceptions

[31]        Des exceptions au principe général d’inadmissibilité d’une preuve de mauvaise moralité sont reconnues par la common law lorsque la « preuve d’inconduite antérieure peut être si pertinente et convaincante et que sa valeur probante dans la recherche de la vérité l’emporte sur toute possibilité qu’elle soit mal utilisée »[10].

[32]        Dans G. (S.G.), la Cour suprême a ciblé trois exceptions générales en vertu desquelles une preuve de mauvaise moralité de l’accusé peut être produite :

1)   Lorsque la preuve se rapporte à une question en litige;

2)   Lorsque l’accusé met sa moralité en cause;

3)   Lorsque la preuve est produite incidemment dans le cours du contreinterrogatoire régulier de l’accusé sur sa crédibilité.[11]

[Références omises]

[33]        Voici quelques exemples où la jurisprudence a reconnu des exceptions au principe d’exclusion d’une preuve de propension :

         Pour établir l’identité[12];

         Pour réfuter une preuve de bonne moralité[13];

         Pour établir l’état de la relation entre la victime et l’accusé[14];

         Pour constituer l’un des éléments pertinents à l'actus reus comme des actes manifestes ou la connaissance[15];

         Pour établir le narratif afin de comprendre le récit ou la trame factuelle relatée par un témoin[16];

         Dans le cas d’actes similaires[17].

[34]        Sur ce dernier point, les auteurs indiquent que « [l]a preuve de faits similaires constitue donc à bien des égards un type particulier de preuve d'une conduite indigne. Toutefois, sur le plan des principes, elle démontre une propension relative à l'infraction reprochée plutôt que relative au crime en général »[18].

3.3   Le fardeau de la poursuite

[38]        Comme tenu de la règle d’exclusion, il incombe à la poursuite de convaincre le juge du procès, selon la prépondérance des probabilités, que dans le contexte de l’affaire en cause, la valeur probante de la preuve relative à une question donnée l’emporte sur le préjudice qu’elle peut causer et justifie ainsi sa réception[21].

[39]        La question ultime consiste à déterminer si les éléments ciblés entrent dans une des exceptions à la règle générale d’inadmissibilité d’une preuve de mauvaise moralité ou de conduite indigne et cela dépend de leur valeur probante face à leur effet préjudiciable[22].

[40]        Aux fins d’évaluer si la valeur probante de la preuve de conduite indigne l’emporte sur son caractère préjudiciable, la Cour d’appel de l’Ontario, sous la plume de la juge Charron, a élaboré un test dans B. (L.)[23], lequel est résumé de cette façon dans le Traité général de preuve et de procédure pénales :

La force probante

(1) la force de la preuve en elle-même, la Cour suprême ayant à cet égard précisé́ qu'il n'est toutefois pas nécessaire qu'elle soit concluante;

(2) dans quelle mesure elle permet l'inférence que l'on veut tirer, ce qui vise notamment le degré́ de similarité́ lorsqu'on est en présence de faits similaires, et

(3) dans quelle mesure l'élément à prouver est en litige.

Le préjudice

(1) l'importance du préjudice;

(2) dans quelle mesure la preuve peut entraîner une inférence de culpabilité́ fondée uniquement sur la preuve de conduite indigne;

 (3) dans quelle mesure elle peut fausser le débat relatif aux questions en litige et

(4) la capacité de l'accusé d'y répondre, le fait qu'elle soit très sérieusement contestée étant évidemment pertinent à cet égard.[24]

[Références omises]

[41]        Ces facteurs d’analyse seront repris dans les prochains paragraphes, mais pour bien les évaluer, il importe de préciser les éléments essentiels de l’infraction ainsi que le cadre applicable à une défense d’excuse légitime.

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