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dimanche 3 août 2025

L'actus reus et la mens rea de l'agression sexuelle et les situations qui vicient le consentement

R. c. Leclerc, 2024 QCCQ 5509 



2.1.1   L’ACTUS REUS DE L’INFRACTION D’AGRESSION SEXUELLE

[92]        L’agression sexuelle consiste en des voies de fait, c’est-à-dire l’utilisation intentionnelle de la force, directement ou indirectement, contre une personne sans son consentement, commise dans des circonstances de nature sexuelle, de manière à porter atteinte à l’intégrité sexuelle de la victime[52].

[93]        En soi, une agression sexuelle est un geste de domination illégale[53].

[94]        L’actus reus de l’agression sexuelle requiert la preuve des trois éléments suivants:

(1) des attouchements;

(2) la nature sexuelle des contacts;

(3) l’absence de consentement[54].

[95]      Les deux premiers éléments sont objectifs. Le degré de force requis est minimal, puisqu’un simple toucher peut constituer une agression sexuelle[55].

[96]      L’absence de consentement est subjective et déterminée par rapport à l’état d’esprit subjectif dans lequel se trouvait en son for intérieur la plaignante à l’égard des attouchements, lorsqu’ils ont eu lieu[56]. Il s’agit d’une question de fait. Les preuves ayant une incidence sur cette question peuvent inclure les suivantes[57] :

a)   La preuve directe de la plaignante quant à son état d’esprit au moment en question;

b)   Toutes autres preuves pertinentes, y compris celles des paroles et actes de la plaignante, avant et pendant l’évènement.

[97]      Le Tribunal rappelle que le consentement « implicite ou tacite » d’une plaignante n’existe pas en droit canadien[58].

[98]      Pour que l’actus reus soit établi, point n’est besoin que la plaignante ait manifesté l’absence de consentement ou la révocation de son consentement[59].

[99]      Il importe de rappeler que l’analyse du consentement en ce qui concerne l’actus reus de l’agression sexuelle doit se faire distinctement de l’analyse du consentement en ce qui concerne la mens rea de l’infraction[60].

[100]   Le Tribunal doit évaluer l’ensemble de la preuve, incluant le témoignage de la plaignante, afin de déterminer son état d’esprit au moment des évènements. Le Tribunal doit aussi déterminer si les paroles et les actes de la plaignante soulèvent un doute raisonnable quant à l’existence de ce consentement subjectif[61]À cette étape, il n’est pas nécessaire d’examiner la perspective de la personne accusée[62].

[101]   Si la plaignante témoigne qu’elle n’a pas consenti et que le Tribunal la croît, il n’y a tout simplement pas eu de consentement; l’analyse de l’actus reus se termine[63]. Si le Tribunal est convaincu hors de tout doute raisonnable du fait que la plaignante ne consentait pas aux attouchements[64], il doit alors s’interroger sur la mens rea de l’accusé[65].

2.1.2   LE CONSENTEMENT À L’ÉTAPE DE  L’ACTUS REUS

[102]     Dans le cas d’une agression sexuelle, le consentement consiste en l’accord volontaire d’une plaignante à l’activité sexuelle[66]. Une personne ne peut consentir à l’avance à une activité sexuelle qui est censée avoir lieu ultérieurement. En effet, le consentement doit être concomitant à l’activité sexuelle[67].

[103]     Dit autrement, le consentement de la plaignante doit être exprimé pour chaque acte sexuel spécifique[68].

[104]     À titre d’exemple :

-        Donner son accord à une forme de pénétration ne vaut pas consentement à toute forme de pénétration, et consentir à ce qu’une partie de son corps soit touchée ne vaut pas consentement à toute forme de contacts sexuels[69].

-        Le consentement à une pénétration « avec » condom ne signifie pas qu’il y a également consentement à une pénétration « sans » condom[70].

-        le fait d’exprimer son plaisir et de consentir à être touchée ne constitue pas un consentement à être pénétrée[71].

[105]     Constitue une erreur de droit pour un accusé de croire qu’une plaignante lui accorde d’avance un consentement général ou global à diverses activités sexuelles non définies[72].  Il est erroné en droit de penser qu’une plaignante peut donner son accord à une activité sexuelle ultérieure d’une nature non définie[73].

2.1.3   LES SITUATIONS QUI VICIENT LE CONSENTEMENT

[106]     L’article 265 (3) du Code criminel énumère une série de situations dans lesquelles le consentement d’une plaignante est vicié, soit :

a)   L’emploi de la force envers la plaignante ou une autre personne;

b)   Des menaces d’emploi de la force ou de la crainte de cet emploi de la force envers la plaignante ou une autre personne;

c)   De la fraude;

d)   De l’exercice de l’autorité.

[107]     La soumission d’une plaignante n’équivaut pas à un consentement[74].

[108]     De même, l’article 273.1 (2) du Code criminel édicte qu’il y a absence du consentement dans les circonstances suivantes :

a)   Le consentement provient d’un tiers;

b)   La plaignante est inconsciente (perte de conscience);

c)   La plaignante est incapable de former un consentement (incapacité générale de donner un consentement);

d)   L’accusé incite la plaignante à l’activité sexuelle par abus de confiance ou de pouvoir;

e)   La plaignante manifeste, par ses paroles ou son comportement, l’absence d’accord à l’activité sexuelle;

f)     La plaignante, après avoir consenti à l’activité sexuelle, manifeste par ses paroles ou son comportement, l’absence d’accord à la poursuite de celle-ci (retrait du consentement).

[109]     Le consentement d’une plaignante ne se déduit pas lorsqu’elle est incapable de le former[75]. Une personne ne peut consentir à l’avance à une activité sexuelle alors qu’elle sera inconsciente. Le consentement doit émaner d’une personne consciente et lucide pendant toute la durée de l’activité sexuelle. Toute personne doit avoir la possibilité de demander à son partenaire sexuel de cesser l’activité sexuelle à tout moment[76].

[110]     Le fait qu’une plaignante soit « éveillée », bien que nécessaire, n'est pas suffisant pour qu’elle puisse donner un consentement valable[77]. En effet, pour qu’elle ait la « capacité » de donner un consentement subjectif à l’activité sexuelle, une plaignante doit être lucide et en mesure de comprendre : (1) l’acte physique; (2) le fait que l’acte est de nature sexuelle; (3) l’identité de son partenaire; (4) le fait qu’elle peut refuser de participer à l’activité sexuelle[78].

[111]     En général, il est de la responsabilité de chaque personne de s’assurer du consentement de son partenaire sexuel, en prenant des mesures raisonnables avant l’activité en question. Lorsque l'un des participants à des limitations mentales manifestes, le seuil de cette responsabilité augmente de façon exponentielle[79].

3.1      LE CONSENTEMENT À L’ÉTAPE DE LA MENS REA

[129]     L’agression sexuelle est une infraction d’intention générale[87]. L‘intention peut s’inférer par l’accomplissement de l’acte interdit[88], puisqu’une agression sexuelle n’est pas un acte qui arrive par accident[89].

[130]     Le poursuivant n’a pas à démontrer un but illégitime ou inavoué de la part d’un accusé[90]. Ainsi, même en l’absence de toute motivation sexuelle, une personne peut être déclarée coupable[91].

[131]   La mens rea de l’infraction d’agression sexuelle comporte deux éléments:

(1)  l’intention de se livrer à des attouchements;

(2)  la connaissance, l’insouciance ou l’aveuglement volontaire au sujet de l’absence de consentement[92].

[132]     La mens rea de l’agression sexuelle est établie non seulement lorsqu’il est démontré que l’accusé savait que la plaignante disait essentiellement « non », mais encore lorsqu’il est démontré qu’il savait que la plaignante, essentiellement, ne disait pas « oui »[93].

[133]     Dans le cadre de la mens rea, c’est le point de vue de l’accusé qu’il faut prendre en compte pour décider s’il avait connaissance de l’absence de consentement de la plaignante[94].

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