R. c. Jacques, 2020 QCCA 675
[27] Le cadre d’analyse de l’infraction d’enlèvement est énoncé en outre par le juge Moldaver au nom de la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Vu[8] :
[43] Dans R. c. Tremblay, 1997 CanLII 10526 (C.A. Qué.), le juge LeBel (maintenant juge de notre Cour) a écrit :
La séquestration prive l’individu de sa liberté de se déplacer d’un point A à un point B. L’enlèvement, quant à lui, consiste dans la prise de contrôle d’une personne pour l’amener contre son gré d’un point A à un point B. La distinction entre les infractions devient parfois délicate car pour amener une personne d’un point A à un point B, on l’empêche par le fait même de se déplacer d’un point A à un point B. C’est la raison pour laquelle un enlèvement entraîne nécessairement une séquestration. La séquestration, cependant, peut survenir sans qu’un enlèvement ait eu lieu à l’origine. [Je souligne, p. 11.]
[44] L’arrêt Tremblay est important à deux égards : d’abord, il souscrit à la conception que la séquestration constitue un élément essentiel du crime d’enlèvement, comme dans la common law, puis, il admet la distinction fondamentale, faite par la common law, selon laquelle l’enlèvement suppose un déplacement tandis que cet élément est absent quand il est question de séquestration (p. 10-11). En ce sens, l’interprétation qu’on y trouve de l’infraction d’enlèvement, telle qu’elle a été codifiée, concorde avec la notion d’enlèvement en tant que forme aggravée d’emprisonnement illégal élaborée par la common law ou, pour reprendre la description faite par Bishop, en tant qu’[traduction] « emprisonnement illégal aggravé par le déplacement de la personne emprisonnée » (§ 750).
[…]
[49] Selon moi, Metcalfe et Reid n’appuient pas l’argument de l’appelant. Ces arrêts établissent que le crime d’enlèvement est complet, en droit, dès le rapt initial, que la victime ait ou non été « cachée » ou tenue captive par la suite. L’inverse — à savoir que la séquestration subséquente ne fait pas partie de l’infraction — ne s’ensuit toutefois pas. Le juge en chef Finch a reconnu cette distinction en l’espèce. À mon avis, il a judicieusement fait remarquer que
[traduction] l’observation [dans Reid] selon laquelle il n’y a pas lieu de considérer l’enlèvement comme une « infraction continue » s’inscrivait dans le contexte de la question de savoir si l’on était en présence d’une infraction complète lorsque la victime n’avait pas été cachée. Je ne pense pas qu’on puisse y voir la consécration du principe selon lequel une séquestration subséquente ne peut pas faire partie de l’infraction. [Je souligne; par. 45.]
[…]
[66] Le législateur n’a jamais eu une telle intention. Suivant le par. 279(1) du Code, l’infraction était perpétrée dès lors que les ravisseurs de M. McMynn s’étaient saisis de lui et l’avaient emmené — dans la mesure où, ce faisant, ils avaient l’intention de le séquestrer contre son gré.
[…]
[71] Le juge du procès a néanmoins acquitté l’appelant de l’accusation d’enlèvement parce qu’il considérait le déplacement comme un élément essentiel de l’infraction et que, n’étant pas convaincu que l’appelant avait physiquement participé au déplacement de M. McMynn de maison en maison, il estimait qu’un verdict de culpabilité n’était pas justifié (par. 3, 345 et 375). Je ne puis souscrire à ce raisonnement. C’est, bien sûr, le déplacement qui distingue l’enlèvement de la séquestration et qui fait de l’enlèvement une forme aggravée de séquestration. Comme on l’a vu, toutefois, l’enlèvement est une infraction continue. Il a commencé lorsqu’on a fait sortir M. McMynn de force de sa voiture et a pris fin lorsque ce dernier a été délivré. M. McMynn n’a pas été enlevé et séquestré dans la première maison, puis enlevé une deuxième et une troisième fois lorsqu’il a été emmené dans la deuxième et la troisième maison. J’estime respectueusement qu’il est illogique de voir trois cas distincts d’enlèvement et trois cas distincts de séquestration dans ce qui s’est passé, et que cela met encore plus en évidence la nécessité de considérer l’enlèvement comme une infraction continue.
[Caractères gras ajoutés]
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