R. c. Latendresse, 2023 QCCQ 2357
[39] Le chapeau que porte le juge à cette étape des procédures est fort différent de celui qu’il porte à la fin du procès, alors qu’il évalue la valeur probante de la preuve en dernière analyse. Le rôle actuel du Tribunal n’est pas de déterminer la culpabilité ou l’innocence.
[40] Le but de la présente requête est plutôt d’écarter, avant que l’accusé soit appelé à présenter une défense, les accusations ne présentant aucune possibilité réaliste de condamnation. Le recours vise à prévenir les condamnations injustifiées ou erronées, en plus d’écourter les débats qui aboutiront nécessairement à un acquittement[14].
[41] Quant au critère pour justifier la continuation du procès, le seuil à franchir est minime. Il s’agit d’ailleurs du même critère qui s’applique en matière de renvoi à procès aux fins d’une extradition, ou même en matière de citation à procès au terme d’une enquête préliminaire[15]. Le juge doit se demander s’il existe une preuve prima facie de chacun des éléments essentiels de l’infraction. La question que doit se poser le juge est la suivante : la preuve suffit-elle pour qu’un jury raisonnable, agissant de bonne foi et ayant reçu des directives appropriées, puisse prononcer un verdict de culpabilité[16]?
[42] Lorsque plusieurs modes alternatifs de commission de l’infraction sont évoqués par le ministère public, chacun doit être considéré par le Tribunal de façon individuelle et consécutive[17]. Une réponse affirmative pour l’un des modes entraînera le rejet de la motion de non-lieu.
[43] Une jurisprudence abondante et constante énonce qu’à cette étape, le juge n’est pas autorisé à apprécier la crédibilité et la fiabilité des témoins et que, lorsque plusieurs inférences peuvent résulter de la preuve, il ne faut considérer que celles qui sont favorables au ministère public[18]. Le juge qui ne respecte pas ces contraintes outrepasse sa compétence[19]. Il appartiendra à ce même juge, mais seulement à la fin du procès, d’apprécier les inférences opposées ou faire un choix parmi celles-ci[20]. Autrement dit, le juge entendant une requête en non-lieu ne peut tirer des conclusions sur la qualité, la crédibilité et la fiabilité de la preuve.
[44] Par ailleurs, dans l’arrêt R. c. Arcuri, la Cour suprême a reconnu que le juge pouvait exercer une fonction d’évaluation limitée de la preuve dans certaines circonstances précises, soit lorsque la poursuite se base sur une preuve circonstancielle. Toutefois, même dans ces cas, cette évaluation étroite se limite à déterminer si un jury équitable pourrait raisonnablement tirer les inférences nécessaires de la preuve circonstancielle pour arriver à un verdict de culpabilité. À ce stade, la règle de l’Affaire Hodge et les principes énoncés par la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Villaroman[21] n’ont aucune application[22].
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