R. c. Brunelle, 2024 CSC 3
[80] L’alinéa 10b) de la Charte prévoit que toute personne a le droit, en cas d’arrestation ou de détention, « d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat et d’être informé de ce droit ». Dans R. c. Bartle, 1994 CanLII 64 (CSC), [1994] 3 R.C.S. 173, le juge en chef Lamer a résumé les trois obligations que cette disposition impose aux autorités policières :
(1) informer la personne détenue de son droit d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat et de l’existence de l’aide juridique et d’avocats de garde;
(2) si la personne détenue a indiqué qu’elle voulait exercer ce droit, lui donner la possibilité raisonnable de le faire (sauf en cas d’urgence ou de danger);
(3) s’abstenir de tenter de soutirer des éléments de preuve à la personne détenue jusqu’à ce qu’elle ait eu cette possibilité raisonnable (encore une fois, sauf en cas d’urgence ou de danger).
(p. 192, citant R. c. Manninen, 1987 CanLII 67 (CSC), [1987] 1 R.C.S. 1233, p. 1241-1242; R. c. Evans, 1991 CanLII 98 (CSC), [1991] 1 R.C.S. 869, p. 890; R. c. Brydges, 1990 CanLII 123 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 190, p. 203-204.)
[81] Ces trois obligations visent à protéger toute personne qui se retrouve dans une situation de vulnérabilité vis-à-vis l’État du fait de sa détention (R. c. Suberu, 2009 CSC 33, [2009] 2 R.C.S. 460, par. 2 et 40-41). Lorsqu’elle est sous le contrôle des autorités policières, la personne subit une entrave à sa liberté et s’expose à un risque d’auto-incrimination involontaire (R. c. Taylor, 2014 CSC 50, [2014] 2 R.C.S. 495, par. 22, citant Bartle, p. 191).
[82] Alors que la première obligation est déclenchée immédiatement après la mise en détention (Suberu, par. 41), les deuxième et troisième obligations n’entrent en jeu que si la personne détenue indique qu’elle veut exercer son droit à l’assistance d’une avocate ou d’un avocat. Si c’est le cas, les autorités policières ont l’obligation constitutionnelle de faciliter l’accès à cette assistance à la première occasion raisonnable et de s’abstenir de soutirer des éléments de preuve à la personne détenue jusqu’à ce moment (Manninen, p. 1241-1242; Taylor, par. 24 et 26).
[83] La question de savoir si le délai qui s’est écoulé entre le moment où la personne détenue indique qu’elle veut exercer son droit et le moment où elle l’exerce est raisonnable en est une de fait, hautement contextuelle (Taylor, par. 24). L’existence d’obstacles ou encore de « circonstances exceptionnelles » justifiant la suspension momentanée de l’exercice du droit ne peut être supposée; elle doit être prouvée (par. 33; R. c. Mian, 2014 CSC 54, [2014] 2 R.C.S. 689, par. 74; R. c. Strachan, 1988 CanLII 25 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 980, p. 998-999). Il revient toujours à la Couronne de faire la démonstration des circonstances, exceptionnelles ou non, qui font en sorte que le délai était raisonnable (Taylor, par. 24).
[84] Avant d’appliquer ces principes aux faits, je considère nécessaire de rappeler qu’à ce jour la loi n’impose pas aux policières et aux policiers l’obligation spécifique de fournir leurs propres téléphones aux personnes détenues, ni celle d’avoir en main des appareils bon marché en prévision de l’exercice par ces personnes de leur droit de recourir sans délai à l’assistance d’une avocate ou d’un avocat (Taylor, par. 27-28).
Aucun commentaire:
Publier un commentaire