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mardi 26 août 2025

Les éléments essentiels de l’infraction de tentative de meurtre

R. c. F.M., 2024 QCCQ 621

Lien vers la décision


[130]     L’infraction de tentative de meurtre est définie à l’article 239 du Code criminel (C.cr.) en ces termes : « Quiconque, par quelque moyen, tente de commettre un meurtre est coupable d’un acte criminel […] ».

[131]     Cette infraction comporte deux éléments essentiels :

a)   L’intention de tuer quelqu’un;

b)   Un comportement qui équivaut à une tentative de meurtre, c’est-à-dire une conduite qui constitue une tentative de causer intentionnellement la mort de quelqu’un.

[132]     Depuis l’arrêt Ancio[15] de la Cour suprême du Canada, la mens rea de la tentative de meurtre est définie comme étant l’intention spécifique de tuer (art. 229a)i) C.cr.).

[133]     Une tentative de meurtre est un meurtre raté, en ce sens que l’accusé n’obtient pas le résultat convoité, c’est-à-dire la mort de sa victime. L’accusé, coupable d’une tentative de meurtre, est frustré dans son but de causer la mort intentionnellement de quelqu’un[16]. Des gestes qui dépassent le stade de la simple préparation en vue de commettre un meurtre doivent être posés avec cette intention spécifique.

[134]     La Cour d’appel de la Colombie-Britannique mentionne dans l’arrêt R. v. Goldberg[17], que les gestes posés pour une tentative de meurtre devraient dépasser le stade de la simple préparation; mais on n’a pas à attendre par exemple une tentative de tirer quand la personne accusée a entre les mains une arme à feu pour être accusée de tentative de meurtre.

[135]     La Cour ajoute que, quand l’accusé pointe une arme chargée en direction de personnes en leur disant qu’elles vont mourir, l’accusé a dépassé le stade de la simple préparation.

[136]     Tel que le mentionne la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Habib c. La Reine[18] :

[67] […] La tentative criminelle se distingue des seuls actes préparatoires. Ainsi, pour qu’il s’agisse d’une tentative, un commencement d’exécution doit être établi. Cette distinction entre la tentative criminelle et les actes préparatoires est hautement contextuelle, comme le note le juge Le Dain dans R. c. Deutsch[19] :

[…] On a souvent fait remarquer qu’aucun critère général satisfaisant n’a été ou ne peut être formulé pour tracer la ligne de démarcation entre la préparation et la tentative et que l’application de cette distinction aux faits d’une affaire en particulier devait être une question de jugement fondé sur le bon sens […]

À mon avis, la distinction entre la préparation et la tentative est essentiellement qualitative et met en jeu le lien entre la nature et la qualité de l'acte en question et la nature de l'infraction complète, bien qu'il faille nécessairement examiner, en faisant cette distinction qualitative, la proximité relative de l'acte en question avec ce qui aurait constitué une infraction complète, sous l'angle du temps, du lieu et des actes sous le contrôle de l'accusé qui restent à être accomplis. Je conclus que cette opinion est compatible avec ce qui a été dit au sujet de l'actus reus de la tentative en cette Cour et dans d'autres décisions canadiennes qui doivent être considérées comme faisant autorité sur la question.

[137]     Dans la décision R. c. Sweeney[20], le juge Normand Bonin de la Cour du Québec mentionne ce qui suit en regard de la tentative de commettre un crime :

[25]     Le crime de tentative en droit criminel canadien est distinct et autonome du crime convoité[21]. Le législateur ne cherche pas à punir l’intention criminelle. Il veut punir le geste posé dans l’exécution du crime, même à son début, de façon à prévenir les maux engendrés par le crime dès leur initiation.

[26]     Une tentative est composée des actes préparatoires à un crime, d’un commencement d’exécution et de l’intention spécifique[22] de commettre le crime. Il comporte donc l’actus reus et la mens rea qui doivent être démontrés hors de tout doute raisonnable. Ainsi, une intention illicite jumelée à de simples actes préparatoires qui n’atteignent pas le seuil du commencement d’exécution ne seront pas passibles d’une accusation de tentative de commettre un crime.[23]

[27]     Une déclaration de culpabilité à l’égard d’un crime de tentative implique que soit évaluée, à la lumière de toutes les circonstances, la détermination de l’accusé à accomplir son dessein.[24] À ce chapitre, la nature de l’infraction convoitée et les méthodes couramment employées pour la commettre peuvent aussi être considérées.[25]

[28]     La Cour suprême rappelle que la ligne de démarcation entre les actes de préparation et la tentative est ténue. Il n’y a aucun critère général qui permette de faire les distinctions précises dans chaque cas. Il s’agit d’une question de circonstances et de jugement fondé sur le bon sens.[26] […]

[29]     Bien que l’imminence de la commission d’un crime puisse contribuer à la qualification d’un crime de tentative et à l’évaluation de la persévérance de l’accusé dans son dessein, elle n’est pas absolument requise pour conclure à une tentative. Il n’est pas nécessaire non plus que les gestes ultimes visant la réalisation du crime soient posés, il suffit qu’il y ait bel et bien un commencement d’exécution.[27]

[30]     Le commencement d’exécution ne constitue pas nécessairement, en soi, un geste illégal, il s’inscrit dans une trame d’événements de nature à démontrer la persistance de l’accusé dans son dessein criminel. Il suffit que les gestes posés démontrent hors de tout doute raisonnable la détermination et l’intention illicite arrêtée de l’accusé d’accomplir le crime.[28] Néanmoins, pour constituer une tentative, il doit cependant y avoir un rapport étroit entre les actes préparatoires et le crime projeté de telle façon que les gestes posés constituent vraiment une étape dans la perpétration du crime lui-même et « des mesures suffisantes en droit pour le perpétrer ».[29]

[31]     Sous réserve que la volte-face d’un accusé soit un des éléments parmi d’autres qui permette de douter de l’intention véritable de l’accusé, une fois franchi le cap du commencement d’exécution du projet illicite, le désistement en soi ne constituera généralement pas une défense.[30] En effet, le législateur veut réprimer la criminalité constituée par la tentative et les risques pour les citoyens du fait des actes de tentative de commettre un crime.

[138]     Tel que le mentionne la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, dans l’arrêt R. v. Goldberg[31]l’actus reus n’a pas besoin d’être le « dernier acte » ni un acte « non équivoque ». Par ailleurs, une fois que la tentative est établie, « il importe peu que le crime n’ait pas été accompli en raison d’une interruption, d’une impossibilité ou d’un changement d’avis ».

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