Émond c. R., 2019 QCCA 317
[37] Le juge a rejeté la deuxième requête en arrêt des procédures parce que l’appelant n’avait pas démontré que les délais étaient déraisonnables. Il soutient maintenant que le juge a erré en ne considérant pas ces délais comme facteur atténuant dans la détermination de la peine. Cet argument est mal fondé.
[38] Dans la détermination de la peine, l’objectif ultime est d’infliger au délinquant une peine juste, appropriée et indiquée. Pour atteindre ce résultat, toute peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant[19]. Un facteur aggravant ou atténuant est uniquement, par définition, un facteur qui est pertinent pour apprécier la gravité de l’infraction ou le degré de responsabilité du délinquant dans la commission de l’infraction[20]. La réflexion à ce sujet est une étape nécessaire à l’examen de la proportionnalité de la peine. Ces deux aspects circonscrivent nécessairement ce qui peut être considéré comme facteur aggravant ou atténuant. Toutefois, les facteurs aggravants et atténuants ne sont pas les seuls éléments pertinents qui peuvent être considérés lors de la détermination d’une peine.
[39] Il est d’ailleurs largement reconnu que des délais excessifs qui ne violent pas le paragraphe 11b) de la Charte peuvent tout de même constituer un facteur à prendre en compte pour réduire une peine afin de s’assurer que le résultat net est juste, approprié et indiqué. Tout comme peuvent être considérées l’inconduite de l’État[21] et les conséquences collatérales de la peine[22]. Il ne s’agit toutefois pas de facteurs intrinsèques qui influent de quelque manière sur l’évaluation de la gravité de l’infraction et du degré de responsabilité du délinquant. Ce sont plutôt des facteurs extrinsèques qui pourront s’avérer pertinents pour la détermination ultime d’une peine juste, appropriée et indiquée.
[40] Aussi, même s’il est fréquent pour les tribunaux, ici et ailleurs au Canada, de référer à tout facteur qui mène à une peine plus ou moins sévère comme constituant un facteur «aggravant» ou «atténuant»[23], il demeure que l’emploi informel des termes « aggravants » ou « atténuants » pour qualifier des facteurs qui sont sans lien avec la gravité de l’infraction ou le degré de responsabilité du délinquant est techniquement inexact. Un tel usage n’est acceptable que dans la seule mesure où le facteur est considéré en rapport avec la détermination finale d’une peine juste, appropriée et indiquée.
[41] Il importe d’insister sur cette distinction entre les facteurs aggravants et atténuants au sens strict par rapport au principe de proportionnalité et la vaste étendue des autres considérations et facteurs pertinents au résultat final d’une peine indiquée. Le respect du principe fondamental de la proportionnalité de la peine est essentiel à toute peine et une erreur à cet égard justifiera plus aisément l’intervention en appel puisqu’il s’agit alors d’une erreur de principe. Les facteurs extrinsèques à l’évaluation de la proportionnalité entrent inévitablement dans la discrétion du juge qui impose la peine, car leur pertinence et pondération les prêtent moins à une évaluation objective. L’appréciation de ces facteurs dans la détermination d’une peine indiquée relève de la discrétion du juge qui impose la peine et mérite la déférence des cours d’appel à moins que la peine infligée ne soit manifestement non indiquée.
[42] Comme ce n’est pas le cas en l’espèce, la décision du juge de ne pas réduire la peine pour tenir en compte la longueur des délais ne constitue pas une erreur qui justifierait l’intervention de la Cour.
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