R. c. Comtois, 2024 QCCA 300
[19] Il convient tout d’abord de souligner que c’est uniquement sur une question de droit que la poursuite peut porter en appel un verdict d’acquittement[3]. Précisément dans le contexte de la motivation suffisante pour soutenir un acquittement, la Cour suprême le rappelle sous la plume du juge Binnie dans R. c. Walker[4] :
[21] Le ministère public soutient en l’espèce que les lacunes apparentes des motifs du juge du procès compromettent l’exercice du droit d’appel que lui confère la loi. Or, cet argument doit être apprécié en fonction de son droit limité d’interjeter appel d’un acquittement (« une question de droit seulement » (al. 676(1)a) C. cr.)) par opposition au droit d’appel général accordé par le législateur à l’accusé qui a été reconnu coupable. En particulier, le ministère public n’a aucun droit d’interjeter appel de ce qu’il estime être « acquittement déraisonnable » : R. c. Kent, 1994 CanLII 62 (CSC), [1994] 3 R.C.S. 133; R. c. Morin, 1988 CanLII 8 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 345, et R. c. Biniaris, [2000] 1 R.C.S. 381, 2000 CSC 15, par. 33.
[20] C’est donc à l’intérieur de ce corridor très étroit que les deux moyens d’appel proposés devront être analysés.
[21] Par ailleurs, les motifs doivent faire l’objet d’une analyse fonctionnelle et contextuelle[5]. Ils doivent permettre de comprendre le « résultat » et le « pourquoi »[6]. En somme, la partie « qui n’a pas gain de cause [doit] savoir pourquoi elle a perdu »[7]. L’omission de donner des motifs constitue une erreur de droit[8]. Elle peut être soulevée tant par l’accusé que par le poursuivant[9].
[22] La suffisance des motifs répond à un « critère très peu exigeant »[10]. Pour reprendre les mots de la juge Karakatsanis dans R. c. Chung[11], « [o]n ne peut s’attendre à ce que des juges de première instance occupés rédigent des motifs parfaits ». On dira que l’obligation de motiver est satisfaite « lorsque, compte tenu des circonstances de l’espèce [l]a décision [du juge] est raisonnablement intelligible pour les parties et fournit matière à un examen valable en appel de la justesse de la décision de première instance »[12].
[23] La juridiction d’appel ne doit pas « décortiquer avec finesse les motifs du juge du procès à la recherche d’une erreur »[13]. Il lui faut plutôt « les considérer globalement, dans le contexte de la preuve présentée, des arguments invoqués et du procès, en tenant compte des buts ou des fonctions de l’expression des motifs »[14]. Si le « résultat » et le « pourquoi » ressortent du dossier, il n’y aura pas d’erreur bien que les motifs n’expliquent ni l’un ni l’autre[15].
[24] Une motivation lacunaire n’est pas, en elle-même, un moyen d’appel indépendant[16]. Encore faut-il que les lacunes dont souffrent les motifs « [aient] causé [à l’appelant] un préjudice dans l’exercice [de son] droit d’appel »[17]. Autrement dit, « [u]n appel fondé sur l’insuffisance des motifs ne sera accueilli que si les lacunes des motifs exprimés par le juge du procès font obstacle à un examen valable en appel »[18].
[25] L’argument de l’insuffisance des motifs ne saurait non plus « servir de moyen d’appel fourre‐tout utilisé pour masquer ce qui constitue en fait un désaccord entre le juge du procès et les juges […] de la Cour d’appel sur une question que le droit confie à l’appréciation du tribunal de première instance »[19].
[26] L’évaluation de la crédibilité revient au juge du procès et non à un tribunal d’appel[20]. Elle mérite une grande déférence, sauf erreur manifeste et déterminante[21]. Une juridiction d’appel « ne peut intervenir simplement parce qu’elle diffère d’opinion »[22]. Dans R. c. Dinardo[23], la Cour suprême écrit, sous la plume de la juge Charron :
Dans un litige dont l’issue est en grande partie liée à la crédibilité, on tiendra compte de la déférence due aux conclusions sur la crédibilité tirées par le juge de première instance pour déterminer s’il a suffisamment motivé sa décision. Les lacunes dans l’analyse de la crédibilité effectuée par le juge du procès, tel qu’il l’expose dans ses motifs, ne justifieront que rarement l’intervention de la cour d’appel. Néanmoins, le défaut d’expliquer adéquatement comment il a résolu les questions de crédibilité peut constituer une erreur justifiant l’annulation de la décision (voir R. c. Braich, [2002] 1 R.C.S. 903, 2002 CSC 27, par. 23).
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