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samedi 20 septembre 2025

Les principes qui doivent guider une Cour d'appel dans son évaluation d'une allégation de verdict déraisonnable

Bossé c. R., 2021 QCCA 1829

Lien vers la décision


[16]      Il est bien établi qu’une cour d’appel évalue le verdict d’un juge siégeant seul à la lumière des motifs de son jugemles principes qui doivent guider cette évaluationent[2]. Dans l’arrêt Richard[3], la Cour rappelle les principes qui doivent guider cette évaluation :

[25]        Il y a lieu de retenir des arrêts plus récents de la Cour suprême dans R. c. SinclairR. c. R. (P.) et R. c. W. (H.), les enseignements suivants :

1.         Le tribunal d’appel doit d’abord déterminer si le verdict est un de ceux qu’un jury ayant reçu les directives appropriées et agissant de manière judiciaire aurait rendus au vu de l’ensemble de la preuve;

2.         Le verdict est déraisonnable si le juge des faits a tiré une inférence essentielle au verdict qui est clairement contredite par la preuve invoquée à l’appui de l’inférence;

3.         Le verdict est déraisonnable si le raisonnement qui le soutient est à ce point irrationnel ou incompatible avec la preuve qu’il a pour effet de vicier le verdict;

4.         Il faut faire preuve d’une grande déférence dans l’appréciation de la crédibilité faite en première instance lorsqu’il s’agit de déterminer si le verdict est déraisonnable;

5.         La cour d’appel qui se prononce sur un verdict de culpabilité doit dûment prendre en compte la position privilégiée des juges des faits qui ont assisté au procès et entendu les témoignages et ne doit pas conclure au verdict déraisonnable pour le seul motif qu’elle entretient un doute raisonnable après l’examen du dossier. Il doit plutôt examiner et analyser la preuve et se demander, à la lumière de son expérience, si l’appréciation judiciaire des faits exclut la déclaration de culpabilité.

[26]        Dans l’arrêt unanime Pardi c. R., notre collègue, Yves-Marie Morissette, écrivait relativement aux paramètres d’intervention d’une cour d’appel lorsque le moyen d’appel est celui du verdict déraisonnable :

[28]      À cette étape, je résume ce qui précède afin de bien situer dans leur cadre les questions à résoudre. Un verdict déraisonnable ou qui ne peut s’appuyer sur la preuve est réformable en appel, et la question de savoir s’il peut être qualifié de tel en est une de droit. Il sera ainsi qualifié s’il s’agit d’un verdict qu’un jury qui aurait reçu les directives appropriées et aurait agi de manière judiciaire n’aurait pu raisonnablement rendre. Dans le cas d’un verdict prononcé par un juge seul, une cour d’appel peut tenir compte des motifs exprimés par le juge pour statuer sur le caractère raisonnable de son verdict, ce qui accroît quelque peu la portée de l’examen à effectuer. Ainsi, une inférence ou une conclusion de fait essentielle au verdict, mais qui est clairement contredite par la preuve à son appui, ou dont on démontre l’incompatibilité avec une preuve qui n’est ni contredite par d’autres éléments de preuve ni rejetée par le juge, autorise une cour d’appel à casser le verdict qu’elle sous-tend au motif qu’il est déraisonnable. Cela ne va pas jusqu’à permettre aux juges d’une cour d’appel de considérer qu’ils ont « le droit d’avoir une perception subjective de la preuve et [le droit] de se demander s’ils sont convaincus du caractère inattaquable du verdict ». Un doute persistant peut justifier un examen plus approfondi de la preuve pour déterminer si, en effet, le verdict est déraisonnable selon la norme que je viens de rappeler. Cela vaut pour le verdict d’un jury comme pour celui d’un juge siégeant seul mais examiné dans ce second cas à la lumière des motifs prononcés par le juge. En tout état de cause, cependant, une cour d’appel n’apporte rien de particulier à l’évaluation de la preuve lorsque le juge expose des motifs de jugement détaillés.

[Références omises]

[17]      En ce qui concerne le fardeau de preuve, seuls les éléments constitutifs de l’infraction doivent être prouvés hors de tout doute raisonnable[4]. Il n’y a pas lieu d’appliquer un fardeau hors de tout doute raisonnable à chaque élément de preuve et créer par ce fait « un processus en deux étapes »[5]. Le juge des faits peut tirer des inférences factuelles non constitutives de l’infraction, sur la balance des probabilités[6]. La Cour d’appel n’interviendra que si ces inférences « ne [peuvent] pas s’appuyer sur quelque interprétation raisonnable que ce soit de la preuve »[7].

[18]      Par la suite, le juge doit être convaincu que l’ensemble des éléments de preuve mène à une conviction hors de tout doute raisonnable. Dans le cas d’une preuve circonstancielle, dans Villaroman[8], la Cour suprême précise que le juge doit être convaincu hors de tout doute raisonnable que la seule conclusion rationnelle ou « raisonnable » pouvant être tirée de l’ensemble de la preuve circonstancielle est la culpabilité de l’accusé.

[19]      Dans ce contexte, le ministère public n’a pas à « réfuter toutes les hypothèses, si irrationnelles et fantaisistes qu’elles soient, qui pourraient être compatibles avec  l’innocence de l’accusé »[9]. Les auteurs Vauclair et Desjardins qualifient l’hypothèse pouvant amener à un doute raisonnable sur l’innocence de l’accusé en ces termes[10] :

34.48. […] Les autres inférences susceptibles d’être envisagées doivent être raisonnables, non pas seulement possibles. Une « autre thèse plausible » ou une « autre possibilité raisonnable » doit être basée sur l’application de la logique et de l’expérience à la preuve ou à l’absence de preuve, et non sur des conjectures. Ceci rejoint du même souffle la norme du doute raisonnable. […]

[Références omises; soulignement ajouté]

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