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vendredi 5 septembre 2025

Une lecture fragmentaire de la preuve peut constituer une erreur de droit

R. c. Beaudin, 2022 QCCA 1516

Lien vers la décision


[50]      Le juge devait se garder de morceler ainsi la preuve en analysant séparément chaque élément de celle-ci, sans jamais véritablement en considérer l’ensemble.

[51]      La Cour suprême rappelle le principe « selon lequel il appartient fondamentalement au juge des faits de tracer dans chaque cas la ligne de démarcation entre le doute raisonnable et les conjectures » et que « [c]ette appréciation du juge des faits ne peut être écartée que si elle est déraisonnable »[22].

[52]      Certes, un acquittement déraisonnable n’existe pas[23]. Or, en l’espèce, le ministère public ne plaide pas un tel « verdict d’acquittement déraisonnable », mais bien une analyse fragmentée de la preuve. Il soutient, avec justesse, que les éléments de preuve doivent faire l’objet d’une analyse globale dont l’effet cumulatif doit être pris en compte.

[53]      Tel que mentionné précédemment, dans l’arrêt J.M.H. – lequel concernait un dossier d’acquittement –, la Cour suprême confirmait qu’une analyse de la preuve faite de manière morcelée entre dans la quatrième catégorie des erreurs de droit, soit le fait pour un juge de ne pas tenir « compte de toute la preuve qui se rapporte à la question ultime de la culpabilité ou de l’innocence »[24].

[54]      Dans Mangiola c. R., la Cour écrivait qu’une lecture fragmentaire de la preuve peut constituer une erreur de droit :

[17]      L’approche préconisée par l’appelant contrevient à la règle élémentaire qui interdit l’analyse de la preuve de façon morcelée : R. c. J.L.2017 QCCA 398, par. 78R. c. Hamel2016 QCCA 870, par. 15R. c. Morin1988 CanLII 8 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 345. Il est vrai que parmi les éléments soulevés par l’appelant, un ou l’autre n’est pas en soi l’indicateur d’un comportement criminel.

[18]      Toutefois, l’analyse de la preuve n’est pas un processus d’élimination successive des éléments de preuve individuels. Chaque élément doit s’évaluer dans l’ensemble de la preuve et c’est l’ensemble de la preuve qui donne à chaque élément sa saveur. C’est ce que la juge devait faire et manifestement, c’est ce qu’elle a fait.[25]

[Soulignement ajouté]

[55]      Dans R. c. Polat[26], la Cour a conclu que le juge du procès n'avait pas tenu compte de l'ensemble de la preuve et que le ministère public avait donc réussi à établir une erreur de droit justifiant son intervention. Estimant que le dossier de la Cour ne soulevait pas de doute raisonnable quant à la culpabilité de l’intimé aux infractions dont il était accusé, la Cour a conclu que le remède approprié devait donc être pour la Cour de substituer des verdicts de culpabilité pour les deux infractions reprochées.

[56]      La Cour d’appel de l’Ontario, dans R. v. Rudge[27], a accueilli l'appel du ministère public contre un acquittement et ordonné un nouveau procès au motif que le juge du procès n'avait pas examiné l'ensemble de la preuve en ce qui concerne la question ultime de la culpabilité. Plus précisément, le juge n'avait pas tenu compte dans son analyse des éléments de preuve importants concernant une question essentielle. La Cour a considéré que la combinaison de ces erreurs invalidait l’acquittement et conclu qu’un nouveau procès s'imposait.

[57]      Siégeant toujours en appel d’un acquittement, la Cour d’appel de l’Ontario, dans R. v. Knezevic[28], a infirmé un jugement et ordonné un nouveau procès au motif que le juge tirait des conclusions de fait conjecturales et avait omis de considérer la preuve dans son ensemble.

[58]      Plus récemment dans R. v. Tubongbanua[29], la Cour d’appel de l’Ontario a tranché que le juge avait erré en droit en tirant une conclusion de fait pour laquelle il n’y avait aucune preuve, en omettant d’examiner toute la preuve relative à une question centrale, soit la capacité de consentir de la plaignante, ainsi qu’en ayant fondé son doute raisonnable sur de pures conjectures.

[59]      Dans la présente affaire, le juge a également erré en droit en considérant de manière fragmentaire les différents éléments de preuve, ce qui justifie l'intervention de la Cour

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