[35] Reste que les circonstances qui ne suffisent pas à soutenir une défense de provocation, notamment la conduite de la victime, peuvent être pertinentes pour évaluer l’intention. Le jury doit être guidé sur tous les éléments qui peuvent avoir un impact sur celle-ci : R. c. Bouchard, 2014 CSC 64 (CanLII), [2014] 3 R.C.S. 283.
[36] Dans cet arrêt, la Cour confirme sommairement la Cour d’appel de l’Ontario : R. c. Bouchard, 2013 ONCA 791. Dans cette affaire, le juge du procès avait correctement instruit le jury sur la défense de provocation et l’intoxication. Même s’il rejetait ces deux moyens individuellement, le juge avait ensuite invité le jury à considérer l’effet combiné de l’intoxication et de la provocation avec toute la preuve pour déterminer si la poursuite avait satisfait son fardeau de prouver l’intention requise pour le meurtre. Le juge Doherty, pour la Cour, écrit au paragraphe 62 :
[62] However, potentially provocative conduct that fails the ordinary person test and, therefore, cannot qualify as provocation under s. 232, must still be considered by a jury in assessing whether an accused had the necessary mens rea. In the context of the mens rea inquiry, the accused’s intoxication could potentially play a significant role in support of the claim that a deceased’s conduct caused the accused to act without regard to the consequences and without the necessary mens rea.
(Je souligne.)
[37] Évidemment, un élément fort différent avec cette affaire demeure que la défense de provocation n’a pas, ici, d’air de vraisemblance. Lorsque la défense de provocation est présentée au jury, comme dans l’arrêt Bouchard, il y a un risque que le jury confonde la défense de provocation et les éléments qui la composent. S’il est important que le jury fasse la distinction, il doit également et toujours considérer les éléments provocateurs indépendamment de l’existence ou du rejet de la défense de provocation.
[38] Cela est rappelé dans l’arrêt R. c. Philipps, 2017 ONCA 752, où la défense de provocation n’avait pas, comme ici, un air de vraisemblance. La Cour écrit :
[154] In a murder case, evidence that supplies the air of reality to place a defence, justification or excuse before a jury may also be relevant for the jury to consider in deciding whether the Crown has proven the mental or fault element in murder beyond a reasonable doubt: Cudjoe, at para. 103. The device by which to draw the jury’s attention to such evidence is the rolled-up charge, prosaically described as “a stew of failed individual defences, justifications, or excuses whose ingredients are combined together and left with other relevant evidence for jurors to consider cumulatively in deciding whether [the prosecutor] has proven the mental element essential in murder” (emphasis in original): Watt’s Manual of Criminal Jury Instructions, 2nd ed., at p. 1206.
[155] The purpose of a rolled-up charge is to instruct the jury not to take a compartmentalized approach to the evidence by considering it only in connection with a discrete defence, justification, or excuse. Instead, the trial judge should remind the jury “they should consider the cumulative effect of all relevant evidence in determining the adequacy of the prosecution’s proof of the mental or fault element in murder” beyond a reasonable doubt: Cudjoe, at para. 104; R. v. Robinson, 1996 CanLII 233 (SCC), [1996] 1 S.C.R. 683, at para. 59; R. v. Fraser (2001), 2001 CanLII 8611 (ON CA), 159 C.C.C. (3d) 540 (Ont. C.A.), at para. 25, leave to appeal to S.C.C. refused, [2002] S.C.C.A. No. 11.
[156] Even where the partial defence of provocation is not left for the jury, evidence of an accused’s anger, excitement or instinctive reactions can have an impact on the formation of the requisite intent for murder and must be considered by the jury on that issue: R. v. Bouchard, 2013 ONCA 791 (CanLII), 305 C.C.C. (3d) 240, at para. 62, aff’d 2014 SCC 64 (CanLII), [2014] 3 S.C.R. 283; R. v. Singh, 2016 ONSC 3739, at paras. 84-85.
(Je souligne.)
[39] Cela ne saurait cependant pas « élever au rang de moyens de défense autonomes des circonstances qui n'en sont pas, comme la colère… », écrit le juge Doyon dans l’arrêt R. c. Helpin, 2012 QCCA 1523, par. 46.
[40] En effet, je rappelle que la colère seule, même intense, n’est pas un moyen de défense autonome sauf, comme l’a précisé la Cour suprême, si la colère extrême fait « sombrer une personne dans un état d’automatisme où elle ne sait plus ce qu’elle fait, enlevant ainsi à l’actus reus son caractère volontaire : R. c. Stone, 1999 CanLII 688 (CSC), [1999] 2 R.C.S. 290 […] ce qui aurait pour effet d’entraîner l’acquittement et non de réduire le meurtre à un homicide involontaire coupable » : R. c. Parent, 2001 CSC 30 (CanLII), [2001] 1 R.C.S. 761, par. 10.
[41] Cependant, lorsque la colère ou des émotions équivalentes et d’autres éléments de preuve sont pertinents, comme l’intoxication, tous ces éléments doivent être soupesés cumulativement pour trancher la question de l’intention. Il ne s’agit pas de donner à cette émotion, colère ou autre, un caractère de défense autonome, mais d’évaluer le poids cumulatif des éléments pertinents.
[42] L’appelant a donc raison, particulièrement lorsqu’il souligne que la « meilleure pratique » voudrait que le juge regroupe dans une section de ses directives l’ensemble des éléments qui peuvent, dans un cas donné, influencer l’analyse de l’élément de l’intention. À n’en pas douter, tout ce qui amène le jury à mieux comprendre son travail est bienvenu. Les directives s’évaluent cependant en fonction d’un autre critère, celui de leur caractère approprié : R. c. Jacquard, 1997 CanLII 374 (CSC), [1997] 1 R.C.S. 314; R. c. Calnen, 2019 CSC 6, par. 8 et 11; R. c. Dandurand, 2005 QCCA 762.
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