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jeudi 9 octobre 2025

Les paramètres qu'un juge doit considérer lors de la détermination de la peine face à une fraude de plus de 5000$

Dayfallah c. R., 2015 QCCA 829

Lien vers la décision


[10]        L’article 380.1 C.cr. oblige le tribunal à considérer certains facteurs lorsqu’il inflige une peine en matière de fraude. La juge a tenu compte de tous ceux qui étaient applicables[8]. D’autres facteurs peuvent également être considérés. La Cour affirmait déjà en 1999 :

36     Cette Cour, dans l'arrêt Roger Lévesque c. Le Procureur général du Québec (1993), 1993 CanLII 4232 (QC CA), 59 Q.A.C. 307, a énoncé les principaux facteurs de qualification permettant de mesurer la responsabilité intrinsèque du contrevenant en regard de la détermination de la peine en matière de fraude, soit : (1) la nature et l'étendue de la fraude se traduisant, notamment, par l'ampleur de la spoliation ainsi que la perte pécuniaire réelle subie par la victime; (2) le degré de préméditation se retrouvant, notamment, dans la planification et la mise en œuvre d'un système frauduleux; (3) le comportement du contrevenant après la commission de l'infraction dont les facteurs de bonification pourraient résider dans le remboursement des sommes appropriées par la commission d'une fraude, la collaboration à l'enquête ainsi que l'aveu; (4) les condamnations antérieures du contrevenant : proximité temporelle avec l'infraction reprochée et gravité des infractions antérieures; (5) les bénéfices personnels retirés par le contrevenant; (6) le caractère d'autorité et le lien de confiance présidant aux relations du contrevenant avec la victime; (7) la motivation sous-jacente à la commission de l'infraction : cupidité, désordre physique ou psychologique, détresse financière, etc.; (8) la fraude résultant de l'appropriation des deniers publics réservés à l'assistance des personnes en difficulté.[9]

[11]        La juge a aussi tenu compte du fait qu’il n’y avait pas eu restitution, ce qui est considéré comme un facteur important[10], ainsi que du fait que l’appelant avait créé un lien de confiance avec ses victimes[11].

[12]        Dans leur ouvrage La peine – Traité de droit criminel, les auteurs Hugues Parent et Julie Desrosiers classifient la jurisprudence en matière de peine pour fraude en fonction de l’importance du montant spolié, tout en soulignant qu’il ne s’agit pas du seul facteur pertinent. Ils classifient les fraudes de 500 000 $ et plus comme des « fraudes de grande importance » et notent qu’une fourchette de peine de 3 à 5 ans est prédominante. Ils observent aussi des pointes pouvant atteindre 6 à 14 ans d’incarcération, avec une préférence pour les peines de 6 à 7 ans dans les « cas les plus graves ». Ils précisent que ces cas graves font intervenir des fraudes de valeur importante, commises à des fins personnelles, s’échelonnant sur de longues périodes, avec un degré élevé de préméditation et commises dans un contexte d’abus de confiance, par des personnes possédant ou non un casier judiciaire[12].

[13]        Les auteurs mentionnent également que des peines allant généralement de 18 à 30 mois sont prononcées pour des fraudes de valeur importante, mais comportant plusieurs circonstances atténuantes. L’appelant se fonde sur certains passages du jugement de première instance, où la juge traite des facteurs atténuants, pour appuyer son argument selon lequel la peine imposée est trop sévère. Remis dans leur contexte, ces passages, où la juge croit sincères les remords de l’appelant, ne permettent pas de conclure qu’elle a pour autant donné préséance au facteur de la réhabilitation. Au contraire, elle écrit que l’appelant est un fraudeur professionnel prêt à mentir pour obtenir une peine plus clémente :

[60] Mr Dayfallah has found some family support and has realistic plans for his future upon his release. He claims to have true remorse for his crimes and an understanding of the harm he has done. He describes a sincere willingness to change his behavior. On this point, without wishing to minimize the importance of his testimony, nor to question the earnestness of his remarks, this recognition arrives after many years of a life dedicated to criminal activity. It can also be noted that Mr Dayfallah had previously registered guilty pleas, thus seeming to accept responsibility for the earlier crimes in 2011, and yet he continued to commit fraud at a remarkable pace despite these guilty pleas. On this issue, the Quebec Court of Appeal in Chicoine cites Clayton Ruby who writes:

The behavior of the offender is usually a better indication of his character and attitude then what he or his counselor say about him.

[14]        Et, plus loin :

[66] Mr Dayfallah committed many of these offences while he was either on probation for fraud offences, subject to an undertaking for fraud offences, or the object of several warrants for his arrest. The spree of offences for which he has now pleaded guilty is indicative of a disconcerting lack of respect for any court orders whatsoever. A review of the timeline of these offences in enlightening. (…)

[67] This overview indicates clearly that Mr. Dayfallah was inured to arrest and indifferent to, if not contemptuous of court orders. His early guilty pleas in the 2009 and 2010 offences were nothing more than shams, allowing him to continue to operate as a true fraud artist. Despite a heartfelt testimony by Mr Dayfallah, it is hard to imagine that he is now completely reformed, although it is certainly to be hoped that this can be the case.[13]

[Notre soulignement]

[15]        La juge de première instance connaissait la fourchette de 6 à 10 ans dont il est fait état dans l’arrêt Chicoine c. R. Elle écrit :

[52]     (…)  The range of “6 to 10 years for large-scale frauds” as suggested in Chicoine by the Quebec Court of Appeal are reserved for cases of “fraudes importantes”. An overview of the cases cited in the footnote of Chicoine at par. 76.1 indicates that the Court was refering to cases involving multi million dollar frauds[14].

[16]        Ici, ce sont les lourds antécédents judiciaires de l’appelant, ses récidives constantes et son manque de respect évident pour les ordonnances des tribunaux qui ont amené la juge à conclure qu’il n’était pas complètement réhabilité et à lui imposer une peine sévère pour les chefs de fraude. La jurisprudence et la doctrine avalisent un tel raisonnement. Clayton Ruby explique que les tribunaux punissent plus sévèrement les délinquants qui récidivent. Il ajoute : « Where the criminal record discloses that the offender is a "professional" practicing a particular crime or is a "career criminal", this will justify a severe sentence »[15].

[17]        L’appelant plaide enfin qu’il y a une disproportion significative entre la peine d’emprisonnement de 18 mois imposée en 2002 et la peine imposée par la sentence visée dans le présent dossier. Comme la Cour le rappelait dans Courtois c. R.un écart, même important, peut être justifié dans certaines circonstances :

9      Il est vrai qu'en l'espèce les peines imposées constituent un bond important si on tient compte de la dernière peine infligée au requérant pour une condamnation de conduite avec facultés affaiblies (120 jours).

10     Cependant, cet écart s'explique par le contexte accablant dans lequel sont survenus les différents délits commis par le requérant, par sa personnalité criminelle persistante, son mépris pour les ordonnances de cour et aussi en raison du danger qu'il représente pour la sécurité du public.

11     La détermination d'une peine est un processus individualisé. À moins qu'elle soit nettement excessive, l'arrêt R. c. L.M. rappelle l'importance pour les cours d'appel de faire montre de réserve à l'égard du pouvoir discrétionnaire du juge d'instance en cette matière. […].[16]

[Références omises]

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