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dimanche 19 octobre 2025

Quel degré de force est requis pour constituer une agression?

R. c. Bernier, 1997 CanLII 9937 (QC CA)

Lien vers la décision


Le premier juge indique que la preuve ne révèle pas le caractère hostile propre à une agression et qu'il ne peut, pour cette raison, conclure à la culpabilité de l'intimé.  Les attouchements reprochés auraient été posés dans un contexte qui s'apparente beaucoup plus à une mauvaise plaisanterie qu'à la violence.

 

Une agression suppose-t-elle nécessairement le recours à la force physique ou à une forme quelconque d'hostilité physique?  N'existe-t-il pas des situations où un agresseur n'a pas besoin d'utiliser sa force pour porter atteinte à l'intégrité physique ou sexuelle de sa victime?

 

Comme l'indique son appellation, l'agression sexuelle (sexual assault) exige d'abord et avant tout une agression (assault).  Ce terme est défini au paragraphe 265(1) C.cr., tandis que  le paragraphe 265(2) prévoit que cette définition s'applique à tous les types d'agressions sexuelles:

 

  265. (1) [Voies de fait]  Commet des voies de fait, ou se livre à une attaque ou une agression, quiconque, selon le cas:

a) d'une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement;

b) ...

c) ...

      (2) [Application] Le présent article s'applique à toutes les espèces de voies de fait, y compris les agressions sexuelles...

 

Le sous-paragraphe 265(1)a) stipule que l'emploi intentionnel de la force, directement ou indirectement, est nécessaire pour commettre une agression.  Toutefois, le terme force souffre d'imprécision.  Quel degré de force est requis pour constituer une agression?  S'agit-il d'une force physique extrême ou négligeable?

 


À cet égard, la Common law a adopté une approche souple pour définir la force.  Les auteurs Smith et Hogan adoptent la notion de "intentional touching... without consent and lawful excuse"[4]:

 

An assault is an act by which D, intentionally or recklessly, causes P to apprehend immediate and unlawful personal violence (...).  But "violence" here includes any unlawful touching of another, however slight, for, as Blackstone wrote:

 

"the law cannot draw the line between different degrees of violence, and therefore prohibits the first and lowest stage of it; every man's person being sacred, and no other having a right to meddle with it, in any the slightest manner."

 

As Lane LCJ put it:

 

"An assault is any intentional touching of another person without the consent of that person and without lawful excuse.  It need not necessarily be hostile, or rude, or aggressive, as some of the cases seem to indicate."

(soulignements ajoutés et références omises)

 

Selon cette définition, tout toucher intentionnel sans excuse légitime est donc une agression.

 


D'ailleurs dans un contexte d'agression sexuelle, l'agression qui revêt un caractère sexuel ne présente pas toujours le caractère hostile d'une agression au sens commun du terme[5].  De fait, la composante agression de l'agression sexuelle provient plutôt de l'absence de consentement de la victime en regard du toucher:

 

In indecent assaults D's attitude to P will frequently not be "hostile" in the ordinary sense, but unduly affectionate!  "Hostile", it is submitted, cannot mean more than against the will of P.[6]

(soulignements ajoutés)

 

Dans l'affaire Boucher c. La Reine[7], notre Cour indique qu'elle rejette la proposition qui veut que l'agression sexuelle se limite aux situations où la victime avait été l'objet d'un acte de violence.

 

 L'utilisation de la force n'est qu'un facteur parmi d'autres pour déterminer si la conduite reprochée comporte une connotation sexuelle.  La Cour suprême a clairement indiqué sa position dans Chase[8]:

 

La partie du corps qui est touchée, la nature du contact, la situation dans laquelle cela s'est produit, les paroles et les gestes qui ont accompagné l'acte, et toutes les autres circonstances entourant la conduite, y compris les menaces avec ou sans emploi de la force, constituent des éléments pertinents.

(soulignements ajoutés)

 


Finalement, dans l'affaire R. c. Pitt[9], la majorité de la Cour d'appel de l'Ontario a refusé d'ordonner un nouveau procès suite à la directive du premier juge concernant la notion de force dans un contexte d'agression sexuelle:

 

Force simply means physical contact.  There can be force without any violence.  In other words, this ingredient is proved if you are satisfied, beyond a reasonable doubt, that Roderick Pitt, the accused, touched C.B., the victim.

(soulignements ajoutés)

 

Plus tard, la Cour suprême confirmait la majorité[10].

 

Je conclus que le premier juge s'est mal dirigé en droit.  La culpabilité de l'intimé ne dépendait pas d'une preuve susceptible d'établir le caractère hostile de l'agression.  L'intimé a utilisé la force au sens des articles 271 et 265 du Code en se livrant volontairement à des attouchements à caractère sexuel sur des bénéficiaires sachant qu'ils n'y consentaient pas ou encore, qu'ils n'étaient vraisemblablement pas en mesure de consentir, élément sur lequel je reviendrai plus tard.

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